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INTERVIEW VERY BIG BOSS
Paris, le 13 mai 2016

MV Agusta : Giovanni Castiglioni cherche à récupérer les parts de Mercedes

MV Agusta : Giovanni Castiglioni cherche à récupérer les parts de Mercedes

En proie à des difficultés financières, MV Agusta a récemment réduit la voilure. À sa barre, Giovanni Castiglioni veut maintenir son entreprise à flot, change de cap stratégiquement et prospecte de nouveaux partenaires pour remplacer AMG... Interview.

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Malgré un chiffre d'affaires multiplié par trois en cinq ans (lire MNC du 21 décembre 2015 : Les bonnes petites recettes de MV Agusta), MV Agusta traverse une passe difficile, si bien que son patron, Giovanni Castiglioni (héritier du célébrissime Claudio), a été contraint de restructurer sa compagnie, industriellement et financièrement (lire MNC du 11 avril 2016 : MV Agusta ne va pas si bien que ça...).

Plutôt que colporter les rumeurs qui fusent dans les journaux italiens, Moto-Net.Com a préféré contacter directement le jeune, grand et beau patron. Giovanni Castiglioni revient pour nous sur la situation actuelle de son entreprise, sur la correction de ses plans ambitieux, sur le décevant partenariat actionnariat d'AMG et sur l'engagement de MV en WorldSBK...

"MV Agusta doit s'orienter vers les motos Super Premium"

Moto-Net.Com : Lors du lancement des Brutale RR et Dragster RR en octobre 2014 vous visiez une production de 12 000 motos en 2015, mais en décembre dernier vous annonciez en avoir écoulé un peu moins de 9000. Pourquoi ?
Giovanni Castiglioni :
Ces objectifs avaient été fixés juste avant la transaction avec Mercedes et nous les avions revus à environ 10 500 unités. Au final, nous avons vendu un peu moins de 9000 motos. C'est la confirmation pour nous que MV Agusta doit s'orienter en priorité vers le marché haut de gamme, les motos "Super Premium". Nous savons que nos clients attendent ce type de produits de notre part. Du coup, le segment de marché dans lequel nous évoluons effectivement est très limité. On estime maintenant que nous devons produire entre 7000 et 8000 machines par an. Mais cela ne nous a pas empêché de progresser de +30% en 2015 par rapport à 2014 !

MNC : L'année 2016 a bien démarré pour vous, principalement grâce à la nouvelle Brutale 800. Pensez-vous qu'investir le segment du Touring était un bon choix stratégique ? N'auriez-vous pas dû vous concentrer sur vos roadsters et sportives ?
G. C. :
C'est toujours plus facile, a posteriori, d'analyser une situation. Mais je peux vous donner mon avis sur les six mois qui viennent de s'écouler. Nous avons sérieusement revu notre stratégie. Jusqu'alors, l'objectif était d'investir de nouveaux segments pour atteindre 12000 unités, puis 13000 et viser les 15000 en 2020. Mais comme je vous l'ai dit, notre véritable marché est un marché de niche et nos clients exigent le top du top. C'est pourquoi à l'avenir, MV Agusta ne devrait pas conserver une politique de vastes plateformes et ne s'attaquera pas à de nouveaux segments. L'année 2016 démarre effectivement bien, nous avons enregistré une hausse de +27% sur le premier trimestre grâce à nos modèles. L'usine a produit moins de motos pour gérer nos soucis de flux de trésorerie mais parallèlement, les immatriculations ont progressé car il y a toujours des motos disponibles en concession et la nouvelle Brutale est très appréciée.

En ce qui concerne le Touring, je dois dire que nous sommes très satisfaits de notre Turismo Veloce, c'est une moto fantastique. Nous la considérons plus comme une "Hypersport Tourer" plus qu'une "Tourer". C'est une moto conçue pour offrir le plaisir d'une sportive et le confort d'une moto de Touring. C'est donc une hybride, à la fois sportive et Touring. Alors, était-ce le bon choix ? Je pense que nous avons réalisé un très bon produit et je crois que MV Agusta peut vraiment produire toute sorte de motos, mais au final ce sont toujours nos Brutale, Dragster, F4 et F3 qui se vendent le mieux. C'est ce que nous demandent les clients. Nous sommes appréciés pour nos Superbike, Supersport, "naked" et au-delà de ça, pour nos produits très haut de gamme. Nous vendons bien mieux nos séries RC, Lewis Hamilton ou RR que les entrées de gamme et 675.

"Le nouveau 4-cylindrées ne sortira pas en 2017"

MNC : Au fait, le 4-cylindres dont vous nous parliez l'an dernier est-il toujours prévu pour 2017?
G. C. :
Non, nos plans ont également changé à ce sujet. MV a beaucoup investi dans le R&D ces cinq dernières années (environ 80 millions d'euros). Cela nous a permis d'augmenter sensiblement notre gamme, de trois modèles en 2010 lorsque j'ai pris en charge la compagnie à 21 aujourd'hui. Notre chiffre d'affaires est passé de 30 à 100 millions d'euros. Je considère que nous avons désormais un portefeuille de produits suffisant et qu'il est temps de récolter les fruits de notre investissement, de consolider notre gamme actuelle, d'en augmenter la qualité, de peaufiner le positionnement de nos produits, de livrer nos motos et de nous concentrer sur le très haut de gamme... Nous allons poursuivre le développement de nouveaux projets, mais à vitesse réduite, ce qui veut dire que le nouveau 4-cylindrées ne sortira pas en 2017 mais dans les années suivantes.

"MV Agusta doit devenir le Ferrari de la moto"

MNC : Quelle est la situation financière de MV Agusta aujourd'hui ?
G. C. :
Nous avons des contraintes de paiement. Le paiement auprès de nos concessionnaires est passé de 60 à 200 jours. Le fait d'encaisser à 200 jours nous a demandé un certain effort de trésorerie et nous n'avons pas pu régler les factures auprès de nos fournisseurs. Nous avons donc réduit notre production et restructuré notre compagnie. La précédente structure datait de 2014, lorsqu'AMG est arrivé, dans le but d'augmenter nos ventes et d'atteindre 15000 unités. Mais nous avons depuis compris que notre marché est limité et que MV Agusta doit devenir le Ferrari de la moto. Nous avons donc redimensionné la compagnie, le nombre d'employés et les coûts. Pour vous donner un exemple, nous avons dépensé 18 millions en R&D l'an dernier et 4 millions en compétition. Cette année, ce sera respectivement 7 et 1 million. Nous avons entamé une restructuration financière qui sera annoncée dans les deux mois à venir. Nous cherchons aussi à lever de nouveaux fonds.

Quand je suis arrivé en 2010, la société était encore petite et nous avions besoin de cash pour nous développer. Je pense que nous avons fait du bon boulot en 2014, nous avions trouvé en Mercedes un partenaire fantastique. Stratégiquement, financièrement, industriellement, commercialement c'était parfait, mais il semble que pour eux ce n'était qu'un coup marketing. Nous aurions pu coopérer comme le fait BMW et BMW Motorrad, ou Audi et Ducati, malheureusement ils ne l'ont pas vu comme cela. Je dois donc restructurer MV Agusta tout seul et chercher de nouveaux investisseurs qui voudraient, comme moi, consolider notre activité.

"Pour Mercedes, ce n'était qu'un coup marketing"

MNC : Le partenariat avec AMG est donc terminé ?
G. C. :
Non, non, à ce jour ils conservent leurs parts dans la société, mais je cherche un moyen de les récupérer. J'ai personnellement investi 1,2 million d'euros dans cette compagnie, et mon père l'avait fait avant moi. Mais mes moyens financiers sont limités. Avoir un partenaire, aussi solide soit-il, qui ne partage pas la même stratégie n'est pas avantageux, bien au contraire. En fait, il n'y a pas de partenariat avec Mercedes mais de l'actionnariat. Ce partenariat n'a finalement jamais décollé : nous avons signé un accord fin 2014, et nous n'avons rien fait depuis, ou si peu. Nous avons posé leur logo sur nos machines de Supersport et Superbike, et ils ont placé le notre sur leurs voitures de DTM. Nous avons aussi livré 120 motos à des concessionnaires Mercedes. Mais au final, ça n'a pas fonctionné. Il est préférable d'avancer et de se concentrer sur MV. Je vais tacher de reprendre leurs parts et chercher à lever de nouveaux capitaux auprès de nouveaux investisseurs. MV Agusta a de grands atouts, nos plans sont solides, le travail effectué ces dernières années est appréciés de tous, donc j'ai bon espoir de sortir de notre "cash constraint".

"J'y réfléchirais à deux fois avant de vendre"

MNC : Seriez-vous prêt à laisser le guidon de MV Agusta à quelqu'un d'autre ? Après tout, votre père Claudio avait vendu la marque à Harley Davidson en 2008...
G. C. :
Eh bien, il ne faut jamais dire jamais, mais honnêtement je ne pense pas. Cette société doit rester dans ses locaux, elle doit rester italienne, elle doit rester une marque de niche. Je me suis entretenu avec de nombreux groupes d'investissement... J'ai de l'expérience dans le domaine, puisque j'ai moi-même géré la vente de Husqvarna avec BMW et j'étais là lorsque Harley-Davidson a acquis MV (et lors de l'opération inverse, lire MNC du 9 août 2010). Alors d'accord, ils sont gros, ils ont beaucoup d'argent, mais les résultats étaient assez dramatiques. Aujourd'hui, je m'aperçois que la participation de Daimler dans notre société n'a rien changé, et a même empiré la situation. Honnêtement, je considère que je dois protéger la compagnie autant que possible. Mon père a effectivement vendu MV à HD en 2008... Bien sûr, vendre serait la solution la plus facile, mais je crois que j'ai un devoir envers mes employés, mes clients... Et je reste passionné par cette marque, j'ai envie de partager cette passion. Donc j'y réfléchirais à deux fois avant de vendre.

"Nous avons réduit les effectifs de 300 à 250 personnes"

MNC : La production de votre usine à Varese est-elle stoppée ?
G. C. :
Non, aujourd'hui elle fonctionne. Nous l'avons arrêtée un moment car c'était nécessaire, en premier lieu pour écouler les stocks générés par notre "push" stratégie de 2014. Au-delà de ça, l'avenir était incertain et les rumeurs fusaient au sujet des actionnaires... Aujourd'hui la production est relancée et nous prévoyons de retrouver un rythme de croisière, comparable à ces dernières années, d'ici à juin. En termes de personnel, la restructuration a débuté en septembre dernier. Nous avons dû licencier parmi les cadres, pas chez les ouvriers. Nous avons réduit les effectifs de 300 à 250. Maintenant que cette étape industrielle est franchie, nous devons travailler sur le plan financier.

MNC : Quel impact auront ces restructurations sur MV Agusta France et son réseau ?
G. C. :
Pas grand-chose, en fait. Nous avons réduit l'équipe de MV Agusta France d'une personne, ce qui n'est pas énorme. La France reste un marché important pour nous. Ici aussi nous souhaitons diminuer nos stocks et nous concentrer sur ce qui se vend le mieux. Vendre, encaisser puis produire, faire tourner les affaires. La France est un très bon exemple car nous y vendons des Supersport, des Superbike, des roadsters et des dragsters, des modèles haut de gamme. Les clients français ne viennent pas chez MV pour des entrées de gamme à 10000 euros, ils désirent le très haut de gamme. C'est ce sur quoi nous allons nous focaliser à l'avenir.

MNC : Vous maintenez vos programmes en Supersport et Superbike ?
G. C. :
Oui, nous sommes vraiment ravis. Comme je vous le disais précédemment, nous avons externalisé la gestion du team...

"Le nouveau règlement Supersport ne nous est pas favorable"

MNC : Avec Forward Racing?
G. C. :
Non, non, c'était une éventualité, mais finalement ça ne s'est pas fait. Le propriétaire de notre team est notre team manager, Andrea Quadranti, comme c'est le cas chez Ducati, Honda, Kawasaki et les autres. Les motos et les pilotes sont "MV Agusta", le team est géré en externe. Nous avons donc optimisé les coûts mais nous poursuivons nos efforts en termes de développement. Nous sommes contents en Supersport, bien que le nouveau règlement ne nous soit pas favorable. Nous avons une moto de série très sophistiquée et la réduction de l'électronique ne va pas dans notre sens (lire notre Interview de Jules Cluzel. En Superbike, nous nous améliorons constamment, ce n'est que notre deuxième année...

MNC : Leon Camier, votre unique pilote, a obtenu de très bons résultats récemment !
G. C. :
Oui, nous y arrivons, pas à pas. Nous accédons au Top 5 ! Il nous reste à trouver 5 ou 6 chevaux, perdre 3 ou 4 kg, perfectionner notre gestion de l'électronique et nous aurons une bonne moto.

MNC : Nous suivrons tout ça sur Moto-Net.Com, dès ce week-end avec l'épreuve WorldSBK de Sepang ! Merci de nous avoir accordé cette interview.
G. C. :
Merci à vous.

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