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Málaga (Espagne), le 29 novembre 2018

Interview Ana Carrasco : "Rouler comme une fille est une bonne chose !"

Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille est une bonne chose

Le 30 septembre 2018, Ana Carrasco est entrée dans l'histoire en devenant la première femme champion(ne) du monde de moto (hors side-car). Présente au lancement des nouvelles Z125 et Ninja 125, la pilote Kawasaki de 21 ans a accordé une interview aux journalistes français, dont Moto-Net.Com bien sûr.

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Un petit point. Un point énorme. C'est tout ce qui séparait Ana Carrasco de Mika Pérez après la finale du World Supersport 300 cette année, disputée "chez nous" à Magny-Cours. Arrivée 13ème de cette ahurissante course - une de plus dans la catégorie -, la pilote Kawasaki avait mis de longues secondes à comprendre qu'elle venait d'obtenir le titre 2018 !

La tension est depuis retombée. En revanche, le sourire qu'elle affichait déjà souvent avant son sacre n'est pas prêt de s'effacer. On la comprend : cette jeune espagnole (22 ans le 10 mars prochain) est à ce jour la seule femme à avoir décroché une couronne mondiale en vitesse moto... en "solo", car Kirsi Kainulainena a remporté le titre 2016 en side-car.

Invitée "de marque" par Kawasaki à la présentation presse européenne des Z125 et Ninja 125, la "reine" Ana nous a accompagnés sur circuit pour effectuer quelques tours au guidon de la nouvelle petite sportive verte. Elle a également bien voulu répondre aux questions des journalistes, dont MNC... Interview d'une sacrée (n)Ana.

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Remporter un championnat du monde de vitesse moto est une tâche très ardue. Mais est-ce plus dur encore pour une fille ?
Pfff... C'est difficile de se prononcer, car chaque pilote trace sa propre carrière. Nous traversons tous divers moments et beaucoup sont difficiles. Il est parfois bon d'être une femme, cela peut être positif. Mais il y a bien sûr de mauvais côtés aussi. Je pense qu'au final, le fait d'être une femme ou pas n'est pas si important dans ce sport. Il faut avant tout avoir les moyens de gagner, comme moi : j'ai une bonne équipe, une bonne moto et Kawasaki me soutient. J'ai la chance d'avoir pu réunir tous les ingrédients me permettant de me battre pour le championnat et j'ai simplement essayé de faire de mon mieux pour atteindre cet objectif. Au final, que l'on soit un homme ou une femme, ce qui compte avant tout c'est cet ensemble de choses.

Nous sommes d'accord. Mais dans ce cas, pourquoi n'y a-t-il pas plus de femmes en compétition moto ? Quelle difficulté en particulier faut-il surmonter ?
Je pense que le plus dur est de trouver des personnes qui croient en toi. Quand tu es une femme, oui. Certaines personnes ont du mal à croire en ce qu'ils n'ont jamais vu. Personnellement, je n'ai jamais douté de mes capacités. Mais ça a été compliqué de les exploiter. Le déclic a eu lieu à Portimao l'an dernier, après ma première victoire (encore une première pour une femme en vitesse moto mondiale, NDLR). Pas mal de gens ont compris que je pouvais me battre pour la victoire et le titre. Après, j'ai commencé à recevoir davantage de soutien de la part de beaucoup de gens. Ils m'ont apporté ce qu'il me fallait.

Tu préfères qu'on te considère comme une fille extraordinaire, ou un pilote extraordinaire ?
C'est ce que je dis toujours : sur la piste, je suis pilote. En dehors, je suis une femme. C'est comme ça. Mon boulot est exactement le même que les autres pilotes. Je ne suis qu'un concurrent supplémentaire.

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Sur les réseaux sociaux, tu as un slogan : #RideLikeAGirl. Que fais-tu différemment des garçons qui t'a permis de devenir championne du monde ?
Ah... En fait, ce hashtag est un tacle à ceux qui se moquent des filles, ceux qui considèrent que les filles ne savent pas conduire ou piloter. Nous souhaitions inverser la signification de cette phrase, prouver que rouler comme une fille était désormais une bonne chose. Au-delà de ça, je considère que mon style de pilotage est tout à fait normal. Le fait d'être une femme n'est pas déterminant. J'ai des atouts : je suis très constante en course par exemple, j'arrive à faire les mêmes chronos du début à la fin. Mais j'ai évidemment d'autres choses à améliorer... je ne suis pas le pilote parfait ! Il se trouve que cette année j'ai bien roulé, nous avons bien travaillé, mais nous devons encore progresser pour l'an prochain et pour l'avenir.

Justement, quel est ton programme pour la saison prochaine ?
Nous y travaillons. Ce qui est certain, c'est que je veux rester chez Kawasaki pour de nombreuses années. Nous serons fixés en décembre.

Tu es très jeune, mais tu as roulé sur des 125 cc 2-temps. Tu aimais bien ? Plus que les 4-temps ?
J'ai effectivement roulé en championnat espagnol en 125, c'était ma première saison. C'est différent, mais je préfère le 4-temps : c'est plus facile à piloter, la puissance n'arrive pas du tout de la même façon. Je suis plus confiante.

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Tu as couru en Moto3 également, mais tu as manqué de chance avec les sponsors puis quelques sales chutes. Tu y retournerais si tu le pouvais ?
Pas pour le moment. J'ai eu ma chance et ça ne l'a pas fait. Je me sens bien en Superbike, dans mon équipe, avec mon entourage actuel... Je n'ai pas envie de changer. C'est difficile de trouver des gens qui vous aiment dans le monde de la compétition, ça dépend tellement des résultats. Je ne dis pas que je ne changerai jamais, mais aujourd'hui je suis bien en WorldSBK.

Tu es un peu comme Johnny Rea, qui a trouvé sa place en World Superbike !
(Rires) Oui, un peu. C'est possible, on verra.

Tu as remporté le titre World Supersport 300 avec une Ninja... 400. Ce n'est pas bizarre de se battre contre des Yamaha YZF-R3, KTM RC390, Honda CBR500RR ? À ton avis, ne faudrait-il pas homogénéiser et clarifier tout cela ?
La Dorna fait son possible pour établir un règlement qui nivelle les performances de toutes les motos de ce championnat. Ce n'est pas évident car chaque constructeur a sa propre machine. Selon les règles, une marque peut avoir un avantage, puis c'est une autre. Mais les organisateurs travaillent dessus et je suis certaine que la situation sera plus claire l'an prochain. C'est important pour le public et pour nous aussi.

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Un autre souci, ou une autre question à aborder : c'est un championnat du monde qui se dispute uniquement en Europe. Il y a des championnats très relevés ailleurs, notamment en Asie. Connais-tu leurs pilotes et penses-tu pouvoir les battre ?
(Rires) Je ne sais pas ! Mais les meilleurs pilotes asiatiques roulent déjà en WSSP300. J'aimerai que le championnat se rende sur toutes les courses, comme le Superbike. Mais la catégorie n'a débuté qu'il y a deux ans, il lui faut un peu de temps pour se développer. L'an prochain déjà, nous nous rendrons au Qatar pour la finale et nous serons plus nombreux sur les grilles de départ. L'année suivante, nous irons peut-être en Asie ? J'aime rouler, donc plus il y a de courses, plus je suis contente !

Si tu n'avais pas percé en moto, dans quel sport aurais-tu aimé évoluer à haut niveau ?
Dans les sports mécaniques, c'est certain (sourire). Il me faudrait un moteur, oui.

Tu pourrais t'engager en course sur route, comme le Tourist Trophy ?
Non, je n'aime pas ça. Enfin, j'aime bien regarder, mais je ne voudrais pas piloter dans ces conditions. C'est trop dangereux, ce n'est pas mon type de compétition.

Tu as ton permis de conduire ?
Oui !

Tu es donc meilleure que Marquez !
(Rires)

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Ton rêve de devenir championne du monde est devenu réalité. Tu en as d'autres ?
Je veux monter jusqu'en Superbike. Je sais que je suis encore jeune, cela pourra me prendre quelques années pour y arriver. Mais c'est mon objectif et je pense qu'il est possible de l'atteindre. Je dois changer de catégories aux bons moments.

Il faudra d'abord passer en Supersport "tout court". Que devras-tu travailler pour conduire une 600 cc ?
La grosse différence, c'est le style de pilotage. Je vais aussi devoir me muscler un peu. Il y a deux ans, j'ai roulé en championnat européen de Moto2. Je m'entrainais sur des 600 et j'étais plutôt rapide. Je veux donc rouler en Supersport. Je ne sais pas si on attendra une saison, deux... Mais je suis convaincue d'avoir le niveau et je veux tenter ma chance.

En quoi ton style de pilotage devra changer ?
La puissance de la moto modifie l'approche. Le poids ? Pas tellement, car l'écart est moindre. Sur une 400 il faut être fluide, rentrer vite dans les courbes et surtout ne pas casser sa vitesse. C'est totalement différent sur une 600 car il faut plus profiter du moteur : il faut essayer de mettre les gaz le plus tôt possible, donc adopter des trajectoires un peu plus cassées, en "V" plutôt qu'en "U".

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Tu as tout juste commencé le motocross pour tes entraînements. C'est ton team manager David Salom qui t'a conseillé de t'y mettre ?
C'est une discipline qui m'était complètement inconnue avant la dernière course cette saison. Je n'en avais jamais fait. Nous nous sommes dit que ce serait bon pour me rendre un peu plus agressive. Dans ma catégorie les courses sont très disputées, avec des groupes de 10 à 15 pilotes. Il faut se montrer incisif et je dois m'améliorer dans ce domaine. Le motocross doit m'y aider.

Tu as prévu de t'engager sur des courses MX ?
Non, non. Je ne vais que m'entraîner. Comme c'est une activité un peu dangereuse, nous l'abordons un peu différemment. Je ne fais pas vraiment de motocross à proprement parler, disons que je roule sur de la terre, du sable, etc. Mais je ne m'envole pas !

On a vu une vidéo de toi dans laquelle tu fais des sauts... mais des petits sauts ! Tu n'iras pas plus haut ?
(Rires) Non, que des petits sauts ! Pas de FMX.

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Tu as prévu de faire du flat-track ? C'est très tendance chez les pilotes de MotoGP car ça fait bosser la glisse sans prendre trop de risques.
Oui, je devrais en faire cet hiver. Cela fait partie du programme que mon équipe a prévu afin de me préparer au mieux pour la saison à venir. De nombreux pilotes se font mal en s'entrainant en motocross. Le dirt-track est plus facile, il faut juste contrôler la moto. Je pense que c'est un bon entraînement. C'est important de faire différentes choses.

Le motocross est réputé pour être un milieu macho. Si tu y roulais, les gars se diraient sans doute : "battons cette fille". As-tu la sensation d'être une cible en vitesse ?
Je n'ai pas l'impression, non. Cette saison était différente car j'étais en tête du provisoire, donc naturellement tout le monde se focalisait sur moi. Mais pas parce que j'étais une femme, simplement parce que je menais. Tous les leaders sont ciblés ainsi. Je faisais pareil moi-même : quand un pilote était en tête du championnat, ou rapide partout, je me concentrais sur lui pour essayer de l'égaler.

Tu profites de l'hiver pour aller à l'université aussi. Qu'est-ce que tu étudies ?
Le droit, je suis en deuxième année. L'université m'aide un peu en adaptant mon planning. L'hiver, je me concentre un peu plus sur les études. Mais dès que la saison commence, je me focalise entièrement sur la compétition.

 Interview Ana Carrasco : Rouler comme une fille, c'est bien

Tu poursuis tes études pour faire plaisir aux parents, ou est-ce pour toi ?
On est comme ça dans la famille, les études sont quelque chose d'important. Je pense moi-même que c'est bon pour mon avenir. Je ne sais pas quand j'aurais mes diplômes, car le plus important pour moi aujourd'hui, c'est la compétition moto. Mais lorsque ma carrière sera terminée, j'aurais toujours ça. Les carrières sportives ne sont pas très longues, on va jusqu'à 30, 32 ans...

Sauf Rossi qui continuera de rouler à 41 ans !
Oui, mais c'est Rossi.

Regarde Biaggi qui a été champion de Superbike au même âge. Ou Gibernau qui revient en MotoE !
C'est sûr. Mais je préfère avoir deux plans : celui où je continue de courir et celui où j'arrête et je rebondis avec un boulot "normal". Évidemment, je préfère le premier !

Pourquoi avoir choisi le droit ?
Parce que j'aime bien le droit sportif. Et parce qu'en me projetant dans le futur, je pense que ce sera bon de connaître tout ça. Si mon plan se déroule parfaitement, j'aimerais ensuite permettre à d'autres pilotes de monter en championnat du monde. Je connaîtrai beaucoup de choses que les autres ignorent, ce sera donc un peu plus facile de soutenir quelqu'un.

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