Matthew S. Levatich quitte son poste de président directeur général de Harley-Davidson sur fond de dégradation des ventes et de choix stratégiques en peine de convaincre. Il sera temporairement remplacé par Jochen Zeitz, membre du conseil d'administration du constructeur américain. Explications.
"Le président directeur général, Matthew Levatich, démissionne. Le conseil d'administration nomme Jochen Zeitz, membre du conseil d'administration, président directeur général par intérim", résume Harley-Davidson en préambule au long communiqué annonçant le départ de son ancien big boss.
Ce changement de direction serait officiellement décidé d'un commun accord : "le conseil d'administration et Matt ont mutuellement convenu que le moment était venu pour un nouveau leadership chez Harley-Davidson", assure le nouveau PDG par intérim Jochen Zeitz.
Pour autant, la démission de Levatich ne semble pas si "mutuellement convenue" puisque sa succession n'était pas préparée par la Motor Company : "la société aura recours à un cabinet de recherche externe pour entreprendre la recherche d'un PDG et une autre annonce sera faite ultérieurement". Une part d'improvisation peu habituelle au sein d'une entreprise de cette envergure...
"Dans le cadre de ce changement de direction, Jochen Zeitz a également été nommé président du conseil d'administration et le restera dès qu'un nouveau PDG sera nommé", poursuit Harley-Davidson tandis que "l'actuel président du conseil d'administration, Michael Cave, est maintenant président directeur".
Levatich avait rejoint la firme de Milwaukee en 1994 et dirigé notamment ses divisions "Gestion du matériel" et "Pièces et accessoires", un secteur clé grâce aux nombreuses préparations sur base de Harley. Il a par ailleurs occupé la fonction de PDG de MV Agusta à l'époque du rachat du prestigieux constructeur de motos italiennes.
En tant que PDG de Harley-Davidson, Matthew Levatich est à l'origine de changements radicaux de stratégies pour faire face aux effets conjoints du vieillissement de la clientèle et de l'érosion de ses ventes : depuis la crise financière mondiale de 2008, la marque américaine est passée de 350 000 motos vendues dans le monde à 218 000 l'an passé (- 4,3% Vs 2018) !
La montée en puissance de marques concurrentes explique en partie cette désaffection, notamment celle du compatriote Indian avec ses customs autrement plus modernes et dynamiques. Les Triumph Street Twin, Honda CMX 500 Rebel et autres Kawasaki Vulcan font également de l'ombre sur les chromes de l'emblématique Iron 883...
L'explosion de la tendance néo-rétro fait aussi du tort à Harley-Davidson : le marché déborde désormais de motos "lookées" qui se prêtent naturellement à la préparation et à la personnalisation, deux activités sur lesquelles Harley régnait jusqu'ici en maître. Citons entre autres les BMW R NineT, Kawasaki Z900 RS, Yamaha XSR700/900, Honda CB1100, Triumph Bonneville 1200, etc.
Levatich a donc lancé des projets d'envergure pour rajeunir et diversifier le catalogue, tout en luttant contre l'image de marque pour "vieux bikers tatoués" : de cette politique est née en 2014 la Street 750 fabriquée en Inde, une première pour le fleuron du "made in US". Mais cette initiative "low cost" peine à convaincre : seulement 75 immatriculations de Street 750 sur le marché français en 2019 (et 145 Street Rod) !
Levatich a également validé le projet le plus audacieux de l'histoire du constructeur : la moto électrique LiveWire ! Mais encore une fois, le succès n'est - pour l'instant ? - pas au rendez-vous en raison de deux handicaps : la difficulté pour beaucoup d'associer Harley-Davidson et motos "à piles" d'une part et son prix délirant (33 900 euros !) d'autre part.
Harley-Davidson, réputé pour son traditionalisme, a ensuite suscité une vive surprise pendant l'été 2018 en annonçant de nouveaux projets en rupture totale avec ses habitudes et sa culture, via sa nouvelle stratégie "More Roads to Harley-Davidson" (Plus de routes vers Harley-Davidson).
Ce plan de relance prévu sur l'horizon 2020-2022 introduit notamment l'improbable gros trail Pan American, le roadster "sportif" Bronx et surtout d'inédites motos de 250 à 500 cc fabriquées en Inde. Sans oublier le développement d'une autre piste inattendue : plusieurs types de vélos électriques et une sorte de trottinette-scooter "à piles".
Autant de nouvelles voies plutôt osées suivies sous l'impulsion de l'ancien PDG Matthew Levatich : "Matt a joué un rôle déterminant dans la définition du plan de croissance accéléré More Roads to Harley-Davidson", rappelle son successeur temporaire Jochen Zeitz, qui souhaite désormais se "tourner vers un nouveau dirigeant pour recharger nos activités".
Matthew Levatich confirme pour sa part toute la difficulté de sa tâche dans "l'une des périodes les plus difficiles de notre histoire", mais affirme être "fier de ce que nous avons accompli pendant mon mandat de PDG". L'ancien dirigeant se montre même positif quant à l'avenir du constructeur américain.
"Je suis convaincu que les progrès que nous avons réalisés sur le plan More Roads positionneront Harley-Davidson sur un succès à long terme", assure Levatich qui salue au passage le "dynamisme et la détermination des employés et des concessionnaires".
En attendant de mesurer les effets concrets de tous ces projets, Harley-Davidson n'oublie pas de soigner les fondamentaux : la Motor Company vient de dévoiler des Road Glide recouverts d'une superbe peinture deux tons qui reprend le logo utilisé par Harley en compétition sur fond de bannière étoilée américaine. The show must go on !
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