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INTERVIEW
Paris, le 23 décembre 2005

Comment sortir Voxan de la spirale de l'échec ?

Comment sortir Voxan de la spirale de l'échec ?

Alors que Voxan traverse de nouvelles difficultés, Moto-Net a rencontré Jean-Pierre Bonato, présent depuis la première maquette du projet et fin connaisseur du dossier, pour tenter de comprendre les raisons de ces crises à répétition... Interview.

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Alors que Voxan traverse de nouvelles difficultés et s'apprête à procéder à de nouveaux licenciements en janvier (lire Moto-Net du 21 décembre 2005), Moto-Net a rencontré un fin connaisseur du dossier pour tenter de comprendre les raisons de ces crises à répétition : Jean-Pierre Bonato, présent depuis la première maquette du projet, a accepté de répondre à nos questions et livre son analyse sur cette aventure industrio-passionnelle... Interview.

Moto-Net : Jean-Pierre Bonato, vous êtes un très bon connaisseur de Voxan, dont vous avez notamment assuré la communication lors de la reprise de la marque. Comment réagissez-vous à ce nouveau coup dur ?
Jean-Pierre Bonato : Mal... Cet incident est un nouveau coup de cutter dans la confiance des utilisateurs et des magasins. En effet, j'ai suivi le dossier Voxan depuis la première maquette (je bossais alors chez MIG), puis de l'intérieur en ayant participé un an à l'aventure lors de la reprise par l'actuel propriétaire. Je n'ai pas prolongé pour un certain nombre de raisons précises liées aux méthodes du propriétaire. Aucun projet d'avenir, pas de budget de fonctionnement. Il y avait pour la communication d'un constructeur moins de moyens que chez un concessionnaire ! Pourtant, semer pour récolter n'est pas une vue de l'esprit.

Moto-Net : Selon vous, pourquoi Voxan est-elle subitement lâchée par ce fournisseur italien ?
Jean-Pierre Bonato : Jusqu'à aujourd'hui, à ma connaissance, Voxan puisait dans les stocks de son ancien sous-traitant. Depuis, Voxan a choisi de faire réaliser les bielles, arbres à cames et vilebrequins chez le même fournisseur pour baisser les coûts, ce qui est un objectif normal pour un industriel. Le nouveau sous-traitant est un fabriquant réputé mais spécialiste de la grande série. Ils ont accepté un marché très faible qui ne permet pas d'utiliser la même technologie que la grande série. Par conséquent, la mise au point des outillages est beaucoup plus délicate et nécessite du temps. C'est sans doute ce qui explique le retard de ce sous-traitant. Ce n'est pas grave en soit, car il y a assez de motos dans le réseau pour tenir un petit moment vu le rythme des ventes. Ce qui est grave, c'est le plan de restructuration du personnel.

Moto-Net : De quoi souffre aujourd'hui Voxan, qui ne parvient pas à s'imposer sur un marché national pourtant en plein essor ?
Jean-Pierre Bonato : C'est d'abord lié à un déficit d'image dû au passé difficile de Voxan, ainsi qu'à la crainte d'une machine fragile. Ces peurs s'estompaient peu à peu mais au-delà de ces raisons, le motard n'est pas fou : le Roadster date de près de dix ans et la gamme est terriblement vieillissante ! Pour remédier à ça, il aurait fallu dans un premier temps investir beaucoup en publicité pour soutenir les modèles et le réseau, le temps de préparer de vrais nouveaux modèles. Il n'y a eu ni l'un ni l'autre... Or le sujet revient à une équation simple : pas d'intérêt ni de soutien = pas assez de ventes = pas d'argent pour investir sur de nouvelles machines et relancer l'intérêt... Donc comme une sorte de spirale, la gamme vieillit dans l'indifférence générale et les ventes fléchissent en même temps...

Moto-Net : On a pourtant découvert récemment une promo de Noël (lire Moto-Net du 29 novembre 2005)
Jean-Pierre Bonato : Oui mais ce n'est pas en soldant les motos à 9995 euros que l'on résout le problème, on écoule des stocks. On est pas sexy, on est en soldes ! Seule la Black Magic a un peu sorti l'image de l'ornière. Mais la niche est très étroite et le faible volume de vente ne peut faire vivre une usine entière.

Moto-Net : Justement. Les motos d'exception, c'est sympa mais ça va 5 minutes... A votre avis, pourquoi Voxan ne sort-elle pas de vraies nouveautés excitantes et adaptées aux motards de tous les jours ?
Jean-Pierre Bonato : Franchement, ce ne sont pas les projets qui manquent ! On peut tous imaginer un gros trail, une GT, une sportive type Destoop replica, il y a plein de choses à faire et qui pourraient se vendre ! Mais on en revient toujours au même problème : le budget pour lancer ces projets ! Il faut savoir que les investissements pour développer un nouveau modèle sont considérables en termes d'études, d'industrialisation, de SAV, de développement d'outillages et de stock. Les cartons sont pleins à Issoire et l'équipe est compétente et réactive, mais sans investissement ils ne peuvent rien faire. C'est du gâchis...

Moto-Net : Que pensez-vous de la nouvelle Charade présentée au Mondial de Paris ? (lire Moto-Net du 30 septembre 2005)
Jean-Pierre Bonato : Sans méchanceté aucune, ajouter un tête de fourche à la Black Magic, ce n'est pas un boulot de constructeur ! C'est du boulot de préparateur : un amorto, des freins, un carénage et hop ! Cette année, les vraies nouveautés Voxan étaient chez Henriette, ce n'est pas normal !

Moto-Net : Comment est né le Street Scrambler ? (lire Moto-Net du 10 avril 2004)
Jean-Pierre Bonato : C'est la même logique : le Scrambler souffrait de la présence de la Multistrada , il fallait trouver quelque chose sans frais. Pour la petite histoire, c'est la moto que je voulais me faire à titre perso ! A partir d'une petite projection Photoshop, il a été facile de créer une machine sans coût d'étude en piochant simplement dans le stock. Nous avons pensé à mixer le Cafe Racer (grosses roues, gros freins, amorto) et le Scrambler. Le plus gros travail a été réalisé sur le moteur pour adapter la nouvelle injection diamètre 54 mm. Mais pour coller à l'image rageuse du Street, il manquait des chevaux... On connaissait la solution : il fallait développer une ligne d'échappement spécifique, mais cela n'a pas été fait. Or, dans un segment de marché ou l'on cherche du méchant, le Street était trop gentil ! Si l'on y ajoute des soucis de fiabilité des instruments de bord que le sous-traitant ne pouvait régler sans augmenter sa note, la messe est vite dite ! On se situe dans un créneau de prix où l'à peu près ne vit pas très bien...

Moto-Net : En quoi la reprise d'un constructeur moto est-elle plus difficile que celle d'une autre entreprise ?
Jean-Pierre Bonato : Il faut additionner les problèmes de marché et ceux de la gestion d'entreprise, comme partout ailleurs. Mais il faut aussi savoir écouter humblement un secteur éminemment concurrentiel et plus compliqué qu'il n'y paraît. Je ne suis pas sûr que cette attention ait été réelle depuis la reprise. Soit on fait des motos d'artistes en se foutant de la rentabilité, soit on cherche vraiment à vendre. Mais à ce moment là, il faut se donner du temps pour comprendre et de vrais moyens pour développer les produits en fonction de ce que le marché demande. et pour ça, il faut investir.

Moto-Net : Quelles sont les principales difficultés auxquelles s'expose le repreneur d'une entreprise de construction de motos ?
Jean-Pierre Bonato : Plusieurs points peuvent être délicats à traiter :

  • L'image : un client achète avant tout un véhicule par le biais de l'image que représente la marque. Il veut aussi être rassuré quant à la qualité du SAV et à la pérennité de l'entreprise.
  • Le développement de nouveaux modèles : nous l'avons déjà évoqué, l'investissement financier est souvent de plusieurs millions d'euros en fonction du projet et doit s'amortir sur du très long terme et avec plusieurs milliers de véhicules.
  • Le stock : un véhicule compte en général plus de 2 500 pièces. Dans le cas de Voxan, il est nécessaire de commander au moins 1 000 pièces pour commencer à intéresser les sous-traitants et être livré. Je vous laisse imaginer ce que représente la valeur du stock en gérant comme aujourd'hui cinq modèles !
  • La gestion des sous-traitants : il faut trouver le bon sous-traitant et surtout savoir conserver d'excellentes relations avec lui... C'est un respect réciproque impératif !
  • Le réseau : une petite marque a davantage de problèmes pour s'imposer en raison du faible pourcentage qu'elle représente dans le magasin face à la concurrence. Il serait aujourd'hui quasiment impossible d'ouvrir une concession exclusive Voxan. La création d'un réseau à l'export est encore beaucoup plus compliquée en raison des coûts engendrés (importateur, concessionnaires, communication, homologation, frais de transport, taxes diverses...)

Moto-Net : Les gros investissements effectués en 2003 étaient-il appropriés, avec une usine capable de produire 5 000 véhicules alors que Triumph ou Ducati ne vendent pas plus de 3 500 motos en France ?
Jean-Pierre Bonato : Attention, il ne faut pas tout confondre ! L'usine Voxan peut en effet fabriquer jusqu'à 5 000 motos mais elle en a besoin de 1 500 environ pour vivre (avant les licenciements, évidemment !). Il faut se rappeler que Voxan était un projet moto d'envergure mondiale, tout comme les concurrents que vous citez. Au départ, près de 50 pays avaient demandé à importer Voxan ! C'est pour cette raison que l'atelier avait été dimensionné ainsi lors de sa création par Jacques Gardette. En ce qui concerne les investissements de 2003, on pourrait dire que c'était simplement de l'entretien. Ils étaient nécessaires pour non seulement relancer certaines pièces en fabrication (et également en améliorer un certain nombre d'autres) mais aussi pour permettre de baisser les coûts et de dégager les premières marges sur les motos. Ce qui, il faut le signaler, n'était pas le cas avant 2001 !

Moto-Net : Voxan pourrait-elle se contenter d'acheter des moteurs pré-assemblés ?
Jean-Pierre Bonato : Surtout pas !!! Voxan est un constructeur, pas un assembleur !!! Si la marque continue de faire vibrer, c'est bien sûr pour le style mais surtout pour la qualité de son moteur ! Les investissements principaux concernant la base sont réalisés aujourd'hui et le moteur est fiable et abouti, il reste juste à augmenter les volumes pour continuer la baisse des coûts ! Le montage d'un autre moteur coûterait aussi cher aujourd'hui pour adapter et tout homologuer à nouveau. Mais surtout, cela tuerait l'âme de Voxan !

Moto-Net : Aujourd'hui, qu'est-ce qui pourrait véritablement mettre Voxan sur la voie du succès ?
Jean-Pierre Bonato : La réponse n'est pas si simple... Il faudrait un véritable plan d'investissement sur le long terme, avec de vrais nouveaux modèles. Il faut un projet de grande envergure afin de développer des projets correspondant à l'attente des motards d'un côté, et en même temps développer un réseau européen afin d'augmenter les volumes de ventes pour baisser les coûts de production. Et enfin, il faut communiquer ! Le concept de modularité Voxan est extrêmement efficace. Il a un intérêt majeur : celui de permettre de décliner de multiples modèles sur la même base. Mais tout cela demande beaucoup de temps et l'obligation d'y consacrer des millions d'euros... Pour l'instant, il y a chez Voxan un personnel de très grande valeur qui va passer de très mauvaises fêtes en se demandant quelle connerie ils ont bien pu faire pour en arriver là....

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