Jonathan Rea se confie sur le MotoGP, le WorldSBK et son avenir...

Jonathan Rea est en passe d'accomplir un exploit inédit : remporter trois titres consécutifs en World Superbike ! En marge du Grand Prix de Grande-Bretagne ce week-end à Silverstone, le pilote Kawasaki "Number One" a abordé divers sujets avec la presse. En voici le compte rendu, par thèmes.

Motos de Grand Prix : "on ne peut pas maintenir un tel angle"

Durant une manche WorldSBK, j'ai beaucoup d'engagements en tant que pilote, mais également auprès des médias ou des sponsors. C'est donc vraiment amusant de venir ici pour apprécier la course, tout simplement. C'était bien car j'ai pu passer du temps à observer les pilotes et j'ai effectivement appris des trucs en regardant la manière dont travaillent.

Aux essais de novembre à Jerez, les pilotes WorldSBK avaient eu l'occasion de partager la piste avec ceux de Grand Prix. J'ai donc pu rouler à leurs côtés et voir où une MotoGP gagne du temps par rapport à une WorldSBK. Ce fut vraiment intéressant pour moi, mais à les regarder du bord de piste, c'est l'angle qu'ils arrivent à prendre qui impressionne !

Le style de pilotage avec le coude par terre ne fonctionne pas aussi bien avec une Superbike, et à moins de faire la taille de Baz ou de Redding, nous on ne peut pas maintenir un tel angle. Durant les qualifications, je m'étais placé aux virages n° 8 et n° 9 et l'angle de Marquez dans les grandes courbes était incroyable.

Nous n'avons pas le même niveau de grip avec nos pneus, car les Pirelli sont plus performants à l'accélération. Nous nous concentrons sur les freinages au point de corde pour ensuite redresser la moto en sortie. Ils ne freinent pas ou accélèrent particulièrement vite, mais ils maintiennent une vitesse de passage bien plus importante que nous. Tu dois piloter en fonction de tes pneus.

MotoGP : "je ne voudrais pas faire de la figuration"

C'était sympa de parcourir la pit-lane et de croiser des tas de gens que je respecte qui me disaient "tu devrais être là"... C'est agréable à entendre, mais ces gars-là sont les meilleurs du monde. Avant de débarquer ici et me comparer eux, je voudrais être sûr de disposer du bon matériel.

Je ne voudrais pas venir en MotoGP pour faire de la figuration. C'est un paddock sublime mais je ne veux pas y entrer à tout prix. J'apprécie vraiment le paddock du WorldSBK et le type de motos que nous pilotons. J'adore travailler avec Kawasaki et c'est actuellement ma meilleure opportunité.

Je me considère trop vieux pour le MotoGP, j'ai loupé le wagon. Hervé Poncharal a sélectionné Zarco alors qu'il a 27 ans et les gens pensaient qu'il était trop âgé, mais il se trouve que c'est la révélation de l'année. En ce qui me concerne, compte tenu de mon CV, mes 30 ans jouent contre moi.

Revenir en MotoGP m'importe peu, mais je sais que j'ai eu la chance de disputer deux courses en 2012 sur la Honda en remplacement de Casey Stoner (au GP de San Marin puis au GP d'Aragon, NDLR). C'était très dur pour moi car je roulais en WorldSBK un week-end et en MotoGP le suivant, mais j'ai apprécié. J'ai pu piloter l'une des meilleures motos et inscrire des points.

WorldSBK : "l'écart avec les autres est trop important"

C'est facile de critiquer de l'extérieur, mais l'affluence du public est en hausse, surtout le samedi, et en Italie le Superbike se développe de plus en plus grâce au travail fourni en dehors de la piste par Mediaset. Je pense que le plus gros problème concerne l'écart entre les Kawasaki et les Ducati avec le reste du plateau.

La période actuelle est incertaine car des modifications de règlement sont proposées et que personne ne sait vraiment où elles vont mener. J'ai fait partie des deux camp, soit rouler sur une moto compétitive, soit essayer de réduire l'écart. Il serait bon de demander à Bradl, Lowes ou Van der Mark à quel point leur machines à Suzuka était différente de celles du WorldSBK.

Si l'objectif est de faire en sorte que les motos se rapprochent de la version stock, alors il faut encourager les autres constructeurs à investir en WorldSBK. Il ne fait aucun doute qu'actuellement, deux équipes prennent le championnat au sérieux. Dès le début du WorldSBK, il s'agissait de motos de production. Puis, durant l'ère Fogarty, le championnat est devenu "spécialisé". Ce fut d'ailleurs la période où Honda a pris les choses très au sérieux avec la RC45, qui était une moto de production mais basée sur une machine préparée.

Ce n'est guère différent aujourd'hui, mais il est aussi crucial de savoir que le Superbike vit dans une ère où tout est plus standard que jamais. Quelque chose doit se passer, mais qu'importent les changements apportés, que ce soit du Superbike ou du Stock je serai sur la grille prêt à en découdre. Les tops pilotes vont très vite  : Davies, Melandri, Sykes et moi-même sommes tous rapides, mais l'écart avec les autres est trop important.

Grille en seconde manche WSBK : "c'est comme rouler dans du sable profond"

Mes débuts en motocross se sont avérés utiles pour la deuxième course, quand il faut se frayer un chemin parmi tous les rivaux. On doit réagir aux autres et à ce qui se passe autour de soi. Certains estiment que c'est comme rouler dans du sable profond en motocross : le but est de rejoindre les avant-postes le plus vite possible ! Si vous vous retrouvez coincé, vous perdez un temps précieux.

Mon père m'a toujours dit en motocross que lorsque je rattrape un de mes rivaux, je dois le passer. Si vous restez trop longtemps derrière lui, vous roulerez à son rythme. Ce fut amusant en Allemagne, car mon départ n'a pas été parfait alors que la suite du premier tour l'a été.

J'espère qu'ils vont soigneusement étudier le règlement et voir s'il fonctionne. Je pense que le nouveau règlement m'a donné un avantage et que cela a joué en défaveur de Chaz, qui parfois n'arrive pas à remonter. Cela n'a pas généré plus de batailles devant, à part une poignée de courses dont celle d'Aragon avec Lowes ou Misano avec Torres. Je pense qu'ils ne devraient pas se focaliser sur ce genre d'artifices, mais plutôt rendre les autres constructeurs plus compétitifs.

Préparation des pilotes : "le succès est arrivé lorsque je suis devenu une personne plus équilibrée"

Il y a plein de domaines sur lesquels nous pouvons travailler pour progresser. Mais pour moi, je pense que le succès est arrivé lorsque je suis devenu une personne plus équilibrée. En grandissant, ma vie s'est arrêtée de ne tourner qu'autour des motos et j'ai pu surmonter des problèmes qui m'auraient davantage gêné par le passé.

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Ce n'est pas seulement une question d'entraînement, il s'agit aussi de la façon dont l'électronique a aidé à prévenir les chutes. Il n'y a plus beaucoup de highsides et les motos sont plus sûres, ce qui a clairement permis de prolonger les carrières. Si vous discutez avec Kevin Schwantz, il vous parlera de l'ère des 2-temps et des pilotes qui étaient tellement froissés à la trentaine qu'ils devaient arrêter.

Pere Riba, son chef mécanicien : "je le voudrais toujours à mes côtés"

C'est génial de travailler avec Pere ! Peu importe où je termine ma carrière, je le voudrais toujours à mes côtés. C'est un ancien pilote et il comprend. Cependant, lorsque vous regardez Iannone rejoindre Suzuki avec son chef mécanicien et que ça ne fonctionne pas pour lui, les gens commencent à le pointer du doigt...

Cela montre qu'emmener les gens avec vous présente à la fois des avantages et des inconvénients. Pour moi, ce n'est pas seulement Pere, c'est tout le groupe avec lequel je travaille. Ils sont incroyables et je sais que j'ai beaucoup de chance de les avoir.

Rétrospective 2017 : "la deuxième course à Laguna Seca reste probablement ma préférée"

Je me suis fixé l'objectif cet hiver de gagner le championnat, mais aussi de vaincre Chaz en Aragón et Tom à Donington. Chaz a chuté au MotorLand et ça m'a aidé, mais j'étais là durant les deux courses.

J'ai battu Tom à Donington, mais la victoire lors de la deuxième course à Laguna Seca reste probablement ma préférée cette saison car je me suis installé en tête et j'ai imprimé un excellent rythme.

Prochaines saisons : "le mercato 2019 risque d'être amusant"...

Je suis sous contrat encore un an avec Kawasaki. Je ne veux pas poursuivre ma carrière trop longtemps, mais je pense qu'un nouveau contrat de deux ans serait parfait. Je pilote mieux que jamais. Je pense que l'expérience compte énormément dans les sports mécaniques. Le mieux pour moi serait de rester avec Kawasaki et de construire l'avenir avec eux. Mais je ne me projette pas trop, je suis déjà chanceux d'avoir mon contrat pour l'an prochain.

L'été prochain, mon manager va certainement s'amuser dans le paddock. Une grande partie de la grille MotoGP sera ouverte à la fin de l'année prochaine et il en sera de même en WorldSBK. Tous les teams officiels seront libres fin 2018 : le mercato risque d'être fun pour tout le monde !