Le ministère de l'intérieur, en charge de la Sécurité routière, annonce que 206 vies auraient été sauvées grâce à l'abaissement de la vitesse à 80 km/h depuis un an sur le réseau secondaire. Christophe Castaner en appelle à leurs responsabilités les départements qui préparent le retour aux 90 km/h...
Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, s'est livré mardi 9 juillet au premier bilan du gouvernement sur son impopulaire mesure d'abaissement de la vitesse à 80 km/h, un an après son introduction - aux forceps - sur les 400 000 km de routes secondaires bidirectionnelles sans séparateur central. Bilan présenté devant le Conseil national de sécurité routière (CNSR), considéré comme le "parlement" de la sécurité routière.
"Notre volontarisme a produit des résultats", affirme le ministre de l'intérieur, qui s'est dans un premier temps réjouit d'observer que le nombre de morts sur les routes le mois dernier est équivalent à celui de juin 2018 (290 décès). Cette stagnation intervient cependant après plusieurs mois de hausse : +3,9% en janvier, +17,1% en février (!) et +7,3% en mars.
Le ministre de l'intérieur, qui sans surprise laisse de côté ces "détails", a ensuite présenté les données provisoires de l'Observatoire nationale interministériel de la sécurité routière sur les effets concrets de la mesure des 80 km/h. Selon l'ONISR, ce sont "206 vies humaines" qui auraient été épargnées "par rapport à la moyenne sur cinq ans (2013 à 2017)".
L'instance gouvernementale, qui ne s'est intéressée qu'aux décès sur les routes hors agglomérations, estime que "125 vies" ont été sauvées au deuxième semestre 2018 et "81" au premier semestre 2019. Des chiffres en contradiction avec le bilan dévoilé en juin par le Comité indépendant d'évaluation des 80 km/h, qui estime pour sa part que l'abaissement de la vitesse n'aurait eu "aucun impact significatif sur la mortalité routière"...
Anne Lavaud, déléguée générale de l’association Prévention routière, a de son côté aussitôt réagi auprès de France Info pour regretter que ce chiffre de 206 vies sauvées soit "sans doute bien en-deçà de ce que l'on pouvait espérer : s'il n'y avait pas eu de dégradations de radars, on aurait sans doute atteint les 400 vies, tel que c'était espéré".
Un point de vue partagé par Christophe Castaner, qui a indiqué que jusqu'à "75%" du parc des radars avait été endommagés au plus fort de la crise des Gilets Jaunes. Mais la grande majorité de ceux placés "sur les routes principales pratiquées dans l'axe de mobilité des vacances sont désormais opérationnels", prévient-t-il à l'attention des "juilletistes" !
Ce bilan positif quant à l'efficacité des 80 km/h forme une contraction avec la décision d'introduire un retour aux 90 km/h dans les départements qui le souhaitent, projet évoqué en janvier par le Premier ministre puis inscrit quelques mois plus tard dans la future loi d'orientation des mobilités (LOM).
Cet assouplissement sur les 80 km/h - adopté en première lecture le 18 juin par l’assemblée - doit encore être promulgué pour valider sa mise en application, prévue pour fin 2019. Il accorde aux maires et aux présidents d'intercommunalité la possibilité de relever sur certaines portions de leurs routes la vitesse à 90 km/h.
Plus de "60%" des départements souscriraient déjà à ce retour aux 90 km/h, contre sept seulement qui souhaitent rester à 80 km/h : les Ardennes, le Gard, la Loire-Atlantique, la Meurthe-et-Moselle, les Pyrénées-Orientales, le Rhône et le Var. L'une de leurs motivations est strictement d'ordre matérielle : les élus veulent éviter le surcoût lié au nouveau changement des panneaux de signalisation !
L'autre argument développé par ces départements opposés à un recul sur les 80 km/h est leur crainte de voir leur responsabilité engagée en cas de sinistre. Le gouvernement multiplie en effet les avertissements dans ce sens, appelant les responsables à bien prendre la mesure des implications d'un retour à 90 km/h.
Christophe Castaner - tout comme Edouard Philippe l'avait fait avant lui - a lourdement insisté sur ce point, en avançant que "la responsabilité de décider de cette augmentation de vitesse fera certes plaisir à quelques-uns, permettra de faire gagner une seconde par kilomètre, mais pourra aussi causer la mort de quelqu'un".
Cette perspective d'être tenu pour responsable en cas de sinistre sème sans surprise une forme de crainte auprès des présidents de conseils départementaux concernés, comme celui de l'Ardèche interrogé par nos confrères de 20 Minutes...
"J’estime que la responsabilité d’un retour à 90 km/h est trop lourde pour moi", avoue Laurent Ughetto. "Si la commission départementale de la sécurité routière rend un avis défavorable à cette mesure et qu’un accident mortel a lieu ensuite sur une route redevenue à 90 km/h, ma responsabilité pourra être engagée juridiquement et la famille du défunt pourrait se retourner contre moi".
Le ministre de l'intérieur a terminé son discours en évoquant deux mesures majeures en cours de discussion dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) : l'invisibilité temporaires de certains contrôles routiers sur les applications communautaires - telles Coyote et Waze - et la suspension du permis en cas "d'infraction commise en même temps que l'usage du téléphone portable tenu en main".
Concernant cette suspension de permis si une infraction dangeureuse est commise téléphone à la main, Christophe Castaner estime que la menace "réellement dissuasive, réellement utile et nécessaire", alors que "46%" des automobilistes téléphoneraient en conduisant. Et ce, malgré l'actuelle sanction d'un retrait de trois points et d'une amende forfaitaire de 135 euros.
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