Valentino Rossi, qui s'apprête à fêter ses 42 ans le 16 février, prétend encore à une dixième couronne en Grands Prix moto mais n'en fait plus une obsession : trois et douze ans le séparent respectivement de sa dernière victoire et de son dernier titre... Plus sage, le vétéran du MotoGP s'énerve en revanche toujours aussi facilement contre Marc Marquez ! Ambiance.
Auteur de sa pire saison en 2020 (15ème), Rossi aborde un nouveau chapitre de sa longue carrière débutée en 1996 : le génie des Alpages passe du team officiel Yamaha à l'équipe satellite Petronas-SRT, tandis que Fabio Quartararo fait le parcours inverse... Ce rétrogradage renvoie dans une certaine mesure à sa première année en catégorie reine (2000), avec sa Honda NSR500 aux couleurs Nastro Azzurro.
21 ans après ses débuts flamboyants en classe reine, le nonuple champion du monde est parfaitement conscient de la difficulté à se maintenir au sommet : Valentino Rossi ne s'est plus imposé depuis le GP des Pays-Bas 2017 et n'est monté sur le podium qu'à une seule reprise la saison dernière, au GP d'Andalousie.
Pourquoi ? "Parce que gagner c'est dur et que le niveau des pilotes est très élevé", avoue-t-il sans se voiler la face auprès de nos confrères italiens du Corriere della Sera. "J'ai raté au moins trois opportunités ces dernières années, à chaque fois pour un tout petit quelque chose. Il y a eu aussi un peu trop de chutes et de difficultés techniques".
La saison passée s'est effectivement montrée particulièrement chaotique : deux abandons sur problèmes techniques (moteur à Jerez et électronique à Valence), deux forfaits à cause du Covid-19 (Aragon) et surtout trois chutes consécutives en Italie, en Catalogne puis en France ! Résultat : sept résultats blancs en quatorze courses (!), auxquels s'ajoutent aussi deux décevantes 12èmes places à Valence et au Portugal...
Et pourtant, le pilote le plus âgé du plateau MotoGP ne désespère pas d'accrocher une dixième étoile à son palmarès hors norme, quand bien même son dernier titre remonte déjà à 2009 et que la victoire est devenue insaisissable depuis trois ans...
"Je cours parce que je pense réussir à le remporter (son 10ème titre, NDLR), mais ce n'est pas une obsession", décrit-il en modérant cet objectif qui paraît à ce stade difficilement réalisable faute de vitesse suffisante.
"Je serais content d'obtenir de bons résultats, de me battre, de faire des podiums et d'être parmi les hommes forts", reconnaît-il avec lucidité, conscient de s'être progressivement écarté de la voie du succès indispensable à l'obtention de la couronne.
Mais à bientôt 42 ans et quelque 115 victoires au compteur (89 en 500/MotoGP), quel autre pilote peut se vanter d'être encore une sérieuse menace pour des rivaux deux fois plus jeunes ?! Exemple avec son demi-frère Luca Marini, qui fait à 24 ans ses débuts en MotoGP sur une Ducati Avinitia soutenue par sa propre structure Sky Racing VR46.
"Quand je le regarde, si sérieux, je me dis parfois qu'il semble être le seul quadragénaire de la famille", s'amuse le Docteur qui se montrait beaucoup plus fantasque au même âge. "Luca possède un talent énorme et a toujours cru dans ses capacités : je m'attends à ce qu'il fasse de très bons résultats, même s'il lui faudra du temps pour apprendre à piloter la Ducati".
Rossi parle en connaissance de cause dans la mesure où sa tentative de dompter la diva italienne s'était soldée par un cuisant échec en 2011 et 2012 ! Fort heureusement, la Desmosedici s'est depuis radicalement améliorée et homogénéisée, au point de désormais jouer aux avant-postes avec plusieurs types de pilotes différents.
Dovizioso en retrait(e) ? "C'est absurde"
A l'aube de sa 26ème saison en catégorie reine, Valentino Rossi porte en tout cas un regard avisé sur ce milieu où il a grandi (et vieilli !), y compris sur les récents mouvements observés pendant l'intersaison...
Le départ d'Andrea Dovizioso de chez Ducati, notamment, l'interpelle alors que son compatriote se dirige vers une année sabbatique : "pour moi, c'est absurde : Dovi" est rapide et expérimenté ", tranche-t-il. "Mais il faudrait lui poser la question : peut-être qu'il n'avait plus envie. Si c'est son choix, alors tout va bien".
Autre absence regrettable à ses yeux : celle de Davide Brivio, team manager de Suzuki qui part rejoindre Alpine en Formule 1. Le n°46 est d'autant mieux placé pour en parler que Brivio a été son manager dans les années 2000, avant de rejoindre la marque d'Hamamatsu : l'italien est même l'un des artisans du transfert de Rossi du HRC à Yamaha en 2004 !
"Je suis déçu qu'il ne soit plus en MotoGP", admet Rossi. "C'est un manager qui a élevé le niveau général et une personne que j'ai toujours eu plaisir à croiser dans le paddock. Mais je suis content pour lui car son nouveau poste constitue sans doute un point d'arrivée pour ceux qui font ce métier."
Cette longue interview aborde enfin le sujet inévitable de cette intersaison : la convalescence prolongée de Marc Marquez, qui a manqué toute la saison dernière après s'être blessé au bras lors de la course d'ouverture en Espagne et dont la date de retour sur la Honda est encore incertaine.
Opéré à trois reprises à l'humérus droit, Marquez doit composer avec une rééducation particulièrement longue car perturbée par une infection : cela fait presque sept mois que l'octuple champion du monde n'est pas monté sur sa RC213V, ce qui ne manque pas de questionner sur son niveau à son retour...
"Je suis vraiment désolé qu'il ne puisse pas courir", compatit Rossi assez sportivement, avant de délivrer un avis à la fois inquiétant et encourageant : "s'il guérit - ce que pour le moment personne ne sait, pas même lui -, il sera à nouveau aussi fort qu'avant". A condition qu'il guérisse, donc...
Interrogé sur l'acharnement de Marquez à vouloir revenir aussitôt sa première intervention, Valentino Rossi pointe une "erreur" de son rival mais s'interroge aussi sur les conditions de la validation de son retour. Et comme beaucoup d'observateurs, le transalpin désigne une part de responsabilité du corps médical et des dirigeants.
Marc Marquez avait beau faire des pompes quelques jours après sa fracture, Rossi avoue ne pas comprendre "comment ils ont pu autoriser que ça arrive". Et se dit d'autant plus surpris que Dorna avait mis "des verrous" pour éviter ces prises de risques excessifs "après le retour express de Lorenzo", quand le majorquin avait repris le guidon deux jours après s'être cassé la clavicule au GP des Pays-Bas 2013.
"Mais dans le cas de Marquez, tous ces verrous ont sauté d'un coup : qui sait pourquoi ?", s'interroge le pilote italien peu convaincu par les explications officielles. Le nouveau coéquipier de Morbidelli "oublie" cependant un peu vite qu'il a lui-même pris d'énormes risques pour revenir à la compétition après sa double fracture tibia-péronné de la jambe droite en 2017 !
Mais qu'on ne s'y trompe pas : Valentino Rossi se montre davantage préoccupé par Marc Marquez lui même, qui blessé ou pas incarne toujours à ses yeux le responsable du beau gâchis de la fin de saison 2015, quand le tristement célèbre "clash de Sepang" avait mis le feu aux poudres entre ces deux immenses champions.
"Lui pardonner ? Impossible : ce qu'il m'a fait n'est pas pardonnable", affirme-t-il sans chercher à cacher son ressentiment derrière des propos politiquement corrects en réaction aux complications préoccupantes auxquelles doit faire face Marquez. L'espagnol est blessé ? Rossi ne fera pas semblant de pleurer sur son sort !
"Quand je repense à ces jours-là, j'ai les mêmes sensations qu'à l'époque", s'étrangle encore le pilote italien qui continue à penser que Marquez l'a volontairement privé du titre en faveur de Jorge Lorenzo. "Six ans ont pourtant passé, mais il me semble difficile que ça puisse changer".
Rappelons que ce contentieux remonte au Grand Prix de Malaisie 2015, quand l'italien avait accusé l'espagnol d'avoir sciemment ralenti la course précédente en Australie pour avantager Lorenzo. Rossi - en lice pour le titre - estimait que Marquez cherchait à se venger de leurs confrontations musclées en Argentine et aux Pays-Bas...
"J'ai revisionné la course à plusieurs reprises, examiné les chronos et c'est très clair", affirmait-il. "Chaque fois que je l'ai passé, il m'a redoublé et ralenti le rythme afin de laisser à Lorenzo du temps pour s'échapper. Tout en sachant qu'au final, il avait le potentiel pour remporter la course : Jorge a un nouvel allié qui s'appelle Marquez".
La tension qui en résulte est par ailleurs exacerbée par l'inévitable rivalité générationnelle entre ces deux immenses champions : Marc Marquez - titré en 2013 et 2014 - possède toutes les qualités pour succéder à Valentino Rossi, mais le pilote Yamaha n'est absolument pas disposer à céder son royaume à son cadet de 14 ans !
Leur mésentente passe à la dimension supérieure pendant cette fameuse course à Sepang (Malaisie), durant laquelle le n°93 et le n°46 jouent longuement au chat et à la souris en multipliant les dépassements agressifs. Leur prévisible accrochage au septième tour aboutit à la chute de Maquez, volontairement tassé par Rossi qui, excédé par la situation, le défiait ouvertement du regard...
La manoeuvre discutable s'accompagne par ailleurs d'un geste polémique de la jambe gauche de l'officiel Yamaha, que certains interprètent comme un coup de pied pour pousser la Honda hors de la piste. Chacun y va de sa propre expertise à grands renforts de ralentis vidéo et les choses s'enveniment : c'est le clash de Sepang !
Au final toutefois, Rossi perd gros : il est lourdement sanctionné par la direction de course qui le contraint à s'élancer de la dernière place lors de la finale à Valence (Espagne). Autrement dit : ses dernières chances d'accéder au titre se sont envolées en même temps que la RCV orange et noire dans le virage 14 du tracé malais.
Soutenu par Yamaha, le Docteur tentera de contrer la procédure au tribunal arbitral du sport (TAS), en vain... Affligé par ce revers, Valentino Rossi n'adressera plus la parole à Marc Marquez jusqu'au GP de Catalogne 2016, où les deux hommes se serrent la main sur le podium alors que l'Espagne et le paddock pleurent la mort de Luis Salom pendant les essais.
Cette trêve relative ne durera pas longtemps : Marquez percute Rossi au GP d'Argentine 2018 pendant sa folle remontée, provoquant la chute du n°46 ! L'italien fulmine et refuse d'accepter les excuses de l'impétueux catalan qui reconnaît pourtant ses torts : le pilote Yam' accuse carrément Marquez de "détruire le MotoGP" !
Un an plus tard, au même endroit, Valentino Rossi tendra cependant la main à son jeune rival sur le podium du GP d'Argentine 2019 : "le temps remet les choses en place", se réjouit alors Marc Marquez, heureux d'observer ce comportement positif "pour le sport en général".
Les déclarations de Valentino Rossi sur son incapacité à lui pardonner l'épisode de 2015 révèlent toutefois que la hache de guerre est loin d'être enterrée pour la star transalpine... Restez connectés !
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Plateau : Les pilotes et leurs motos 2024
10 mars : GP du Qatar
24 mars : GP du Portugal
07 avril : GP d'Argentine (annulé)
14 avril : GP des Amériques
28 avril : GP d'Espagne
12 mai : GP de France
26 mai : GP de Catalogne
02 juin : GP d'Italie
16 juin : GP du Kazakhstan (reporté)
30 juin : GP des Pays-Bas
07 juillet : GP d'Allemagne
04 août : GP de Grande-Bretagne
18 août : GP d'Autriche
01 septembre : GP d'Aragon
08 septembre : GP de San-Marin
22 septembre : GP d'Inde (annulé)
22 septembre : GP Kazakhstan (annulé !)
22 septembre : GP d'Emilie-Romagne
29 septembre : GP d'Indonésie
06 octobre : GP du Japon
20 octobre : GP d'Australie
27 octobre : GP de Thaïlande
03 novembre : GP de Malaisie
17 novembre : GP de la "Solidarité"
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