Depuis sa sortie en janvier 2016, la Honda Africa Twin rencontre un succès mérité qui suscite bien des convoitises : cette année, Ducati lui oppose l'inédite Multistrada 950 tandis que Suzuki met à jour sa V-Strom 1000... Moto-Net.Com a donc réuni ces trois trails 1000 cc pour un nouveau comparo.
Des trois motos réunies ce jour par MNC, l'Africa Twin est la plus typée tout-terrain, tout d'abord en raison de sa partie arrière haute qui demande une parfaite maîtrise du "coup de pied circulaire au niveau haut"... Les courts sur pattes vont lutter, que ce soit pour prendre place au guidon ou derrière le pilote.
Une fois le haut porte-paquet enjambé, le pilote de la Honda est accueilli par une selle haute (850 ou 870 mm) et assez fine mais convenablement garnie, ainsi que par des suspensions qui s'affaissent généreusement sous le poids du pilote, facilitant d'autant l'accès des deux pieds au sol : sur la pointe pour les moins d'1,80 m, sur les talons pour les "plus".
En se reculant bien sur sa longue selle typée "enduro" - comparée au style plus "GT" des rivales -, le conducteur peut ouvrir les genoux à 90° ou presque, tandis que ses cuisses ne sont que très peu écartées par le réservoir. On se croirait installé sur une confortable chaise !
A contrario, le guidon de la "CRF1000" écarte un peu plus les bras que les deux autres et se situe un peu plus haut. Cette position, loin d'être inconfortable, permet avant tout de gérer plus facilement la roue avant de 21 pouces (19" sur les deux autres motos).
Très différente, la position de conduite sur la Ducati n'a pas plu aux essayeurs MNC : certes, la selle en forme de cuvette ne se trouve qu'à 840 mm du sol, elle est assez moelleuse et l'amortisseur arrière permet de gagner quelques millimètres supplémentaires, faisant de la Multistrada la moto de ce comparo la plus accessible aux petit(e)s...
Mais les jambes - des grands pilotes - se retrouvent trop pliées une fois les bottes posées sur les repose-pieds ! Pour gagner un peu d'amplitude, la gomme - pleine et un peu glissante - peut rapidement être enlevée. À l'inverse, le levier d'embrayage (non réglable, comme sur la Honda) se trouve un peu loin du guidon et risque d'handicaper les petites minettes menottes.
Plus proche de la Honda en termes d'ergonomie, la Suzuki présente un guidon plus bas, un réservoir plus large et des suspensions plus sèches qui plairont sans doute aux motards qui descendent tout juste d'un maxiroadster et sont à la recherche d'une monture plus confortable sur le long cours.
Le pilote de la V-Strom 1000 profite d'ailleurs d'une selle à la fois plate et longue - comme sur l'Africa Twin - qui lui permet de détendre ses jambes, et aussi large que celle de la Multistrada 950, donc apte à répartir correctement la charge du popotin.
La Suzuki est en outre la seule des trois motos à disposer d'une commande d'embrayage hydraulique et d'un levier gauche réglable : l'ensemble est à la fois doux, précis et placé à une distance optimale du guidon ! La Ducati et la Honda doivent s'incliner, malgré leur agréable embrayage "câblé".
Les trois moteurs sont démarrés, mais on n'entend guère que celui de la Multistrada 950 qui sonne comme une 1200... Panigale ?! Vif et vrombissant, le L-Twin va séduire les amateurs de motos sportives tandis que les autres apprécieront certainement 5 minutes, mais seront soulagés de lui couper le sifflet après une journée de roulage !
À l'opposé se trouve le V-Twin Suzuki, dont le très gros pot muni de sa disgracieuse - et exposée - valve est le plus discret. Contre toute attente, c'est finalement le Twin parallèle de Honda qui offre le meilleur compromis : sage au ralenti et à bas régime, il hausse agréablement le ton par la suite et crépite même un peu à la décélération.
L'Africa Twin continue de marquer de précieux points en ce tout début de roulage grâce à sa surprenante maniabilité et à son meilleur diamètre de braquage : 4,5 mètres mesurés par le Journal moto du net. La Ducati requiert 45 cm de plus et la Suzuki 90, ce qui peut compliquer certaines manoeuvres dans les parkings.
À faible vitesse, la "CRF" se révèle aussi agile que ses deux concurrentes, en dépit de son train avant plus ouvert et de son empattement pile dans la moyenne (2 cm de plus que la DL, 1,9 cm de moins que la Multi)... Ses pneus plus fins permettent sans doute de compenser.
Lorsque la vitesse dépasse les 35 km/h environ, l'inertie de la jante à rayons de 21 pouces postée à l'avant du - vrai ? - trail Honda se fait toutefois ressentir. Les jantes à bâtons de 19 pouces de la Ducati et de la Suzuki demandent ensuite un peu moins d'effort au guidon.
Au guidon de la Multistrada 950, on note d'ailleurs un petit désagrément, supérieur à l'inversion cligno/klaxon de la Honda : sur la Ducati, le pouce droit doit se contorsionner pour passer au-dessus de l'accélérateur et atteindre les warnings, dont il faut tirer – et pas pousser ?! - la commande vers la droite...
Le coup n'est pas évident à prendre et capte trop l'attention du pilote : gaffe aux premières remontées de files ! D'autant que le moteur Ducati est le moins discipliné des trois : on préfère le maintenir au-dessus des 3000 tr/min afin de ne pas brusquer la mécanique. On peut donc tout juste maintenir les 50 km/h en 3ème !
Les bicylindres japonais se montrent plus souples que l'italien, acceptant tous deux de descendre à 2000 tr/min, y compris sur les derniers rapports. Le moteur Suzuki prend toutefois l'ascendant grâce à des reprises bien plus consistantes que celles du Honda...
"Le couple de 101 Nm délivré bas dans les tours à 4000 tr/min donne du caractère à la moto", promet Suzuki sur son site officiel ? Promesse tenue ! "Une machine agile, confortable et puissante : voici ce qu’il vous faut pour franchir les dunes... ou aller vers le quotidien !", enchaîne alors Suz'. Et à l'instar de l'écrasante majorité des clients de trails de grosses cylindrées, MNC reste sur le bitume.
Lors de nos tests de reprises en quatrième, la V-Strom 1000 ne fait qu'une bouchée de l'Africa Twin : entre 3000 et 5500 tr/min, le bicylindre en V gavé de couple humilie le bicylindre en ligne. Le bicylindre en L, qui tire plus court, résiste mieux et vire même en tête lorsque la seconde moitié des compte-tours est entamée !
Créditée de la meilleure puissance maxi (113 ch), la Multistrada 950 dispose d'une étonnante allonge pour un trail ! Telle une sportive (MNC est resté en mode "Sport" d'ailleurs, aussi réactif que fin), l'italienne ne demande qu'à être cravachée. Le pilote peut attendre que les voyants de la zone rouge clignotent pour monter un rapport, ce qui n'est pas le cas sur la Suzuki.
Sur la V-Strom 1000 - et à plus forte raison sur cette version Euro 4 -, il suffit d'aller chercher une seule fois la zone rouge (9500 tr/min) pour décréter qu'il est préférable d'enchaîner les rapports lorsque l'aiguille dépasse les 8000 tr/min. La plage de - grosses - performances reste vaste, bien supérieure à celle de la Honda.
Pour profiter de franches accélérations sur l'Africa Twin, le pilote doit en effet veiller à demeurer entre 5000 et 8500 tr/min. Et pour rester au contact de ses deux camarades, il doit impérativement rouler sur le rapport inférieur. Au final toutefois, le caractère de ce moteur est loin d'être déplaisant.
Sage au début - trop, se plaindront certains -, le bicylindre parallèle bénéficie à mi-régime d'un agréable regain de vigueur qu'amplifient la boîte à air et le pot d'échappement. Plus rempli et performant, le bicylindre en V semble plus linéaire. Avec le bicylindre en L plus rageur, les clients ont l'embarras du choix niveau moteur. Et il en va de même pour la partie cycle !
Globalement, ces trois motos sont bluffantes d'efficacité dans le sinueux : les trails d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec les trapanelles d'antan au freinage médiocre et à la tenue de route approximative. Néanmoins, on détecte rapidement des différences de comportement qui guideront les Motonautes/clients vers l'une ou l'autre des machines...
La Suzuki brille particulièrement dans le sinueux : les transferts de masse sont bien moindres que sur les deux concurrentes, offrant ainsi un toucher de route nettement plus précis. La fourche a beau être la moins balaise sur le papier (43 mm contre 45 sur la Honda et 48 sur la Ducati !), elle guide mieux la moto et ne se raidit pas à la prise des freins sur l'angle.
Soulignons au passage que l'ABS Bosch de la V-Strom 2017 est combiné à une centrale inertielle - la fameuse "IMU", incontournable sur les Superbike - censée diminuer les risques de chutes en virage. Sur route sèche et propre, on peut effectivement sentir le système réguler la pression des pistons lorsqu'on serre - trop - le frein avant plein angle. À tester sur le mouillé !
En sortie de courbe, la rigueur supérieure du train arrière de la Suzuki autorise une conduite plus sportive. Le pilote a d'ailleurs intérêt à s'avancer sur la selle au maximum afin de charger l'avant et conserver la fonction directrice de la roue... Si, si, c'est plus pratique !
Malgré ses suspensions à très grands débattements (230 et 220 mm), l'Africa Twin n'est absolument pas perdue sur route : à l'instar de la Ducati, la Honda gomme d'ailleurs mieux que la Suzuki les imperfections du bitume. Le curseur des deux "Rouges" pointe délibérément plus vers le confort que vers le sport.
Sur la Rouge de Bologne, on regrette que l'amortisseur peine à encaisser les assauts de son bouillant Testastretta et stabilise assez mal son train arrière sur le bosselé. En accélérant fort - très fort -, le train avant s'allège considérablement et le guidon secoue beaucoup : pas évident d'ouvrir en grand sur petites routes cabossées !
La Rouge de Tokyo au contraire se montre parfaitement homogène sur chaussée déformée et plus agréable à (mal)mener... Les plus faibles contraintes infligées par le Twin parallèle facilitent le travail de la partie cycle de la Honda, certes, mais il faut saluer la qualité de ses suspensions.
Au freinage, on note que la fourche de l'Africa Twin s'enfonce d'abord généreusement puis ralentit progressivement la plongée avant de revenir posément à sa position initiale. On intègre vite son fonctionnement et on attaque plus volontiers qu'aux commandes de la Ducati, décidément plus turbulente.
Mais même à allure raisonnable, la Multistrada 950 se révèle moins agréable à conduire. La faute, encore une fois, à sa déconcertante ergonomie : pour aller chercher la pédale de frein, la cheville droite doit s'accommoder de l'encombrant carter d'embrayage. On freine donc de l'arrière le pied en travers...
Aucun problème du côté de la Honda qui dispose du meilleur frein arrière du trio : la pédale est parfaitement accessible et la puissance finement dosable, ce qui permet d'asseoir la moto sur les gros freinages. On peut aussi se passer du frein avant en utilisation "pépère", ce qui prévient toute plongée de la moto... et plaira à "mémère" assise derrière !
Avec sa pédale toujours un peu trop dure et sa puissance en retrait, le frein arrière de la V-Strom 1000 est bien moins satisfaisant. Tout le contraire de son frein avant qui est le plus franc des trois : les étriers Tokico offrent plus de mordant que les Nissin de la Honda et serrent leurs disques de manière plus consistante que les Brembo de la Ducati.
Idéales pour comparer les accélérations, éprouver les tenues de route et tester les freins, les conditions de roulage estivales et idéales de notre comparo compliquent "malheureusement" l'étude des ABS et antipatinages. La propreté des routes - merci les averses et la DDE - et le bon grip des pneus aussi !
L'hiver dernier, lors de la confrontation R1200GS Vs Africa Twin Vs Tiger 800, les pertes d'adhérence du pneu arrière de la Honda avaient quelque peu refroidi les ardeurs de MNC. Cette fois, sur tarmac bien chaud et sec, les Dunlop Trailmax montés d'origine n'ont manqué de grip qu'à de rares occasions. Les Pirelli Scorpion Trail II de la Ducati et les Bridgestone Battlewing de la Suzuki n'ont quant à eux jamais déclenché les contrôles de traction.
Autre sujet d'étude qui captivera au moins autant les acheteurs potentiels : la voie rapide ! Car si les constructeurs taillent leurs trails pour les spéciales rocailleuses ou sableuses de rallye raid, ils savent pertinemment que les longues liaisons sur autoroutes et nationales seront aussi - surtout ?! - au programme.
C'est pour cette raison, par exemple, que le guidon de la Multistrada 950 "a été monté sur des socles antivibratoires qui atténuent les vibrations". Le Journal moto du Net approuve cette décision, puisque les battements du L-Twin sont quasiment imperceptibles au niveau des mains.
En revanche, des grésillements apparaissent dans le fessier à partir de 110 km/h et deviennent gênants lorsqu'on cale la moto à 130 km/h compteur (juste en dessous de 5250 tr/min). On regrette à nouveau que la selle en forme de cuvette - qui plie déjà pas mal les jambes - empêche de changer de position.
Sur la V-Strom 1000, les masselottes en bout de guidon ne barrent pas le passage aux fourmis qui envahissent les mains lorsqu'on cruise à 130 km/h, soit juste au-dessus de 4500 tr/min en 6ème. Sur l'Africa Twin enfin, le moteur tourne environ 250 tours plus haut et ne distille que d'infimes grésillements dans le guidon.
Non réglable, la bulle de la Honda protège les deux tiers du casque et la moitié des épaules. Ses ingénieux découpages évitent tout effet de vide ou d'appel d'air. Sur la Ducati, la bulle en position haute offre une protection similaire. Postée proche du pilote, elle ménage elle aussi une bonne zone de confort.
Grâce à son "pare-brise", la Suzuki isole complètement les épaules et les trois quart du casque. Mais il faut pour cela avancer l'écran au maximum, tant et si bien que des remous s'immiscent dans le dos et autour du casque. Pas évident que sur de très long parcours, le pilote Suz' s'use moins vite...
À noter que par temps de pluie, la Ducati ne protège pas suffisamment ses arrières : la Multistrada 950 a non seulement abandonné le monobras de la 1200, mais également laissé tomber son garde-boue déporté... À la moindre averse, voire à la moindre flaque, l'italienne vous crache dans le dos. Cela n'arrive pas avec les respectueuses nippones.
Pour ne pas se faire repeindre le blouson, MNC conseille donc au pilote de la Ducati... d'embarquer un passager ! Ce dernier devra lui aussi supporter les vibrations du moteur - amplifiées le long de la boucle arrière -, la bande son trop présente et une légère gêne au niveau du pied droit (caoutchouc du support de valise). En revanche la découpe triangulaire des poignées Ducati est bien vue et le champ de vision est excellent.
Difficile à chevaucher - on l'a déjà signalé -, l'Africa Twin réserve ensuite un bon accueil au "copilote" : grandes poignées placées juste derrière les hanches, réservoir accessible pour contrer de gros freinages, bonne visibilité en se décalant légèrement et vibrations limitées. De plus, les suspensions de la Honda se figent moins que celles de la Ducati.
C'est finalement la V-Strom 1000 qui remporte le concours en duo : la selle est plus accessible et plus large que sur la Honda, les vibrations sont moindres que sur la Ducati, la visibilité est aussi bonne et la gomme striés des repose-pieds offre un grip parfait. Le passager est comblé, tout comme le pilote qui n'a quasiment pas à adapter sa conduite.
Mis à part quelques kilomètres en duo, Moto-Net.Com a parcouru l'essentiel de ces 450 km d'essai en solo, sans bagages et à des vitesses légales... tout en s'autorisant parfois quelques accélérations maxi ! Preuve de notre "bonne conduite" : nos motos ont consommé moins de 6 litres aux 100 km.
Avec une consommation moyenne calculée par MNC à la pompe de 5,5 l/100 km, l'Africa Twin se montre la plus sobre. Cela lui permet de parcourir la même distance avec un plein (18,8 litres) que la Multistrada 950 pourtant dotée d'un réservoir de 20 l (5,8 l/100 km). Question autonomie, la Honda et la Ducati peuvent parcourir un peu plus de 340 km. La V-Strom 1000, à peine plus gourmande que l'Africa (5,6 l/100 km), frôle les 360 km avec ses 20 litres.
Au final, le verdict de ce nouveau comparo MNC est limpide : il est impossible, à l'issue de leur propre essai en concession, que les potentiels acheteurs se trompent dans leur choix ! La Multistrada 950 se destine clairement à ceux qui bavent devant la 1200 mais n'ont pas les fonds - ou les cou... - nécessaires pour s'offrir la grosse Ducati.
Son L-Twin rageur, ses lignes épurées, ses suspensions confortables - un peu trop souples... -, son ergonomie "spéziale" et sa selle en cuvette la classent à part dans la famille des trails 1000 cc. Les aficionados adoreront... malgré les vibrations sur autoroute ?
Alors que la Multi fait bande à part, l'Africa Twin et la V-Strom 1000 se bagarrent et Moto-Net.Com peine à les départager... Sans doute, au fond, parce que ces deux trails 1000 cc japonais aux caractéristiques semblables ont finalement deux caractères bien distincts.
L'avantage pour les clients, encre une fois, est qu'ils n'hésiteront pas entre les deux : ceux qui souhaitent arsouiller sur route sans fatigue ni stress - elle a l'ABS sur l'angle ! - opteront pour la Suzuki, son moteur gavé de couple, sa partie cycle rigoureuse et sa facture allégée.
Plus charismatique et jolie, mieux finie et apte à gambader sur les chemins de campagne, l'Africa Twin sera adoptée par les motards au portefeuille un peu mieux garni. Moins puissante que ses deux rivales, elle ne manque toutefois pas de caractère ni de confort. Faites votre choix !
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS MULTISTRADA 950 | ||
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POINTS FAIBLES MULTISTRADA 950 | ||
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POINTS FORTS AFRICA TWIN | ||
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POINTS FAIBLES AFRICA TWIN | ||
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POINTS FORTS V-STROM 1000 | ||
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POINTS FAIBLES V-STROM 1000 | ||
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