Avec l'inédite R nineT, BMW jette un pavé soigneusement calibré dans la mare des motos classiques. Les savoureuses Honda CB1100 EX et Triumph Bonneville T100, subtilement retouchées en 2014, sauront-elles éviter les éclaboussures ? Essai comparatif rétro.
"Mais c'est pas une moto rétro ça ! Avec sa grosse fourche inversée et ses échappements courts superposés, on croirait une Ducati Monster 1100", s'exclame Marcos, notre "photographe-rouleur-voyageur", en voyant débarquer la nouvelle BMW R nineT...
Le scepticisme de notre collaborateur argentin monte encore d'un cran à la vue du fin et moderne feu arrière à LED de la moto célébrant les 90 ans de l'activité deux-roues de BMW. Et ce ne sont pas ses étriers radiaux similaires à ceux de la S1000RR - idem pour la fourche, les possibilités de réglages en moins -, son amortisseur de direction ou sa commande de défilement au guidon des infos de sa console de bord qui le feront changer d'avis !
Malgré son phare rond - doté d'un logo BMW au centre -, ses jantes à rayons, sa selle en cuir surpiquée et son moteur refroidi par air (ce bon "vieux" flat air-huile), l'Allemande dénote incontestablement par rapport à la Triumph Bonneville T100 et la Honda CB1100 EX, deux motos capables de passer pour d'authentiques "oldies" restaurées malgré leur statut de nouveautés 2014 fraîchement remodelées.
Et Marcos n'a pas tout à fait tort : avec son arrière court facilement transformable (lire notre Point technique sur la NineT) et ses périphériques sportifs, la BMW dégage à l'arrêt un dynamisme inattendu dans la catégorie rétro. En roulant ce n'est pas triste non plus, d'où l'appellation "rétro-active" donnée par MNC à la nineT après son premier contact en Andalousie !
Carrément classe les classiques !
A l'évidence, lorsque BMW, Honda et Triumph se penchent dans le "rétro", chacun n'y voit pas exactement la même chose. Du côté d'Hinckley par exemple, si la Bonneville surfe au sommet de la vague rétro, ce n'est pas parce qu'elle "fait" classique mais parce qu'elle l'est ! Bien sûr, l'icône britannique a évolué depuis sa sortie en 1959 et s'est même modernisée jusqu'à adopter l'injection en 2008 (lire notamment notre Duel MNC Bonneville SE Vs Kawasaki W800).
Mais les ingénieurs et les designers Triumph ont travaillé de concert pour que ses concessions au modernisme ne dénaturent pas son charme délicieusement suranné. La centrale de l'injection, par exemple, est dissimulée dans des corps de carburateurs factices, tandis qu'une fausse tirette de starter (qui sert en réalité à augmenter le ralenti lorsque la moto est froide) entretient l'illusion d'une alimentation par carbu.
Visuellement, ce trompe-l'oeil est suffisamment réussi pour semer le doute auprès d'observateurs mal renseignés. Résultat, avec ses pots "saucisson" et ses ailettes de refroidissement désormais fraisées sur les millésimes 2014, la "Bonnie" fait clairement plus que son âge !
Sur la Bonneville T100 retenue pour ce comparatif "classique", les carters du bicylindre en ligne sont en outre superbement chromés, la peinture adopte un qualitatif mariage deux tons, les roues sont à rayons (19 pouces à l'avant contre 17 sur la standard) et des soufflets recouvrent les plongeurs de sa fourche (non réglable).
Ajoutez à cela le nouveau badge Triumph façon années 60 sur son réservoir en goutte d'eau, son pare-chaîne et son arceau de maintien chromés, et vous obtenez une moto classieuse aux saveurs authentiques.
La CB1100 EX 2014 distille le même type de sentiments, d'autant qu'il apparaît au premier coup d'oeil que cette nouvelle version haut de gamme de la rétro Honda corrige tous les petits défauts stylistiques déplorés sur le modèle débarqué en Europe début 2013 (lire notamment notre Duel MNC CB1100 Vs XJR1300).
Le blason ailé a ainsi rajouté un silencieux et des roues à rayons à sa lointaine descendante de la CB750 Four, tandis que son phare rond cerclé de chrome est désormais fixé 25 mm plus haut pour renforcer son allure rétro. La selle en cuir est aussi plus épaisse et capitonnée, un changement bénéfique pour le look mais surtout le confort d'assise, très décevant sur le modèle précédent.
La nouvelle instrumentation reçoit en outre un indicateur de rapport engagé et de consommation d'essence, ce qui en fait la plus complète des trois motos réunies par MNC (lire notre Tableau aspects pratique et équipements). Celle de la BMW informe par exemple sur la vitesse engagée mais fait l'impasse sur une jauge à essence, tandis que la Triumph ne donne que l'heure en plus des infos habituelles (trips, odomètre, vitesse, régime moteur).
Enfin, la Honda CB1100 EX exhibe un réservoir spécifique de 17,5 litres (14,6 sur la standard) et des caches latéraux redessinés. Dernier changement notable commun aux deux versions : le magnifique quatre-cylindres en ligne refroidi par air hérite d'un sixième rapport de type surmultiplié.
Calé à 130 km/h sur autoroute, le gros "4-pattes" de 1140cc ronronne dorénavant à 3700 tr/mn, soit 550 tr/mn moins vite que le Boxer BMW de 1170cc en 6ème. L'écart grimpe à 1100 tr/mn avec le twin vertical Triumph de 865cc, dont les pistons effectuent 4800 allers-retours par minute à la vitesse maxi en France sur le cinquième et dernier rapport.
Hélas pour la Honda, si cet "overdrive" est un atout en faveur de la consommation d'essence (5,3 l/100 km minimum mesuré durant cet essai contre 5,5 pour la BMW et 5,2 pour la Triumph : voir "Conditions et parcours" en haut à droite), elle plombe sensiblement ses relances sur le dernier rapport. Une incidence pas vraiment heureuse, dans la mesure où son moteur n'est déjà pas des plus nerveux...
Hyper disponible (rouler sur le dernier rapport à 50 est une formalité dont la CB1100 EX s'acquitte plus facilement que la R nineT, elle-même plus souple que la Bonneville T100), le 4-cylindres japonais est un régal d'agrément mais ses accélérations linéaires laissent quelque peu sur sa faim.
A bas régimes il manque même franchement de consistance puisque sous 4000 tr/mn, la Triumph lui tient la dragée haute malgré son couple inférieur (68 Nm contre 91), en grande partie imputable à son déficit de cylindrée de 275cc ! Et pourtant, le bicylindre de la Bonneville ne compte notoirement pas parmi les moteurs les plus fougueux de la production moto…
De fait, s'il souffre lui aussi de montées en régimes assez lisses, le twin anglais possède plus de coffre que la nippone dans le premier tiers du compte-tours. Il offre même un agréable petit regain de forme entre 5000 et 7000 tr/mn, fourchette à partir de laquelle ses vibrations deviennent dérangeantes dans les pieds et les mains. Dommage que sa bande-son légèrement pétaradante soit si étouffée par ses silencieux d'origine, pourtant remodelés en 2014 pour booster ses vocalises...
Totalement exempte de vibrations (tout juste un léger frémissement entre les cuisses entre 2000 et 3000 tr/mn), la CB1100 EX profite d'une allonge et d'une puissance supérieures (89,7 ch contre 68) pour reprendre ce qu'elle a perdu sur l'Anglaise passé le cap des mi-régimes. En revanche, elle s'incline de nouveau sur le plan acoustique tant ses silencieux prennent leur job au sérieux. Au ralenti, un motard un peu dur de la feuille devra tendre l'oreille pour savoir si le moteur tourne !
Sûr que des échappements adaptables lui éclairciraient la voix et plongeraient au passage le conducteur dans un environnement sensoriel plus captivant, car à capacités dynamiques égales, un moteur qui "ronfle" élégamment produit plus d'effet qu'un bloc aphone...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS BMW R NINE-T | ||
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POINTS FAIBLES BMW R NINE-T | ||
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POINTS FORTS HONDA CB1100 EX | ||
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POINTS FAIBLES HONDA CB1100 EX | ||
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POINTS FORTS TRIUMPH BONNEVILLE T100 | ||
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POINTS FAIBLES TRIUMPH BONNEVILLE T100 | ||
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