C'est désormais officiel : la France limite à 80 km/h la vitesse sur les routes à deux sens sans séparateur, soit près de 400 000 km de nationales et départementales, à compter du 1er juillet 2018. Mais le CISR réuni à Matignon cet après-midi a également annoncé 17 autres mesures, dont le renforcement des sanctions pour le téléphone au volant et le développement des éthylotests antidémarrage (EAD).
La baisse de la vitesse maximale à 80 km/h sur l'ensemble du réseau routier à deux sens de circulation sans séparateur central (soit près de 400 000 km de routes) sera donc bien effective le 1er juillet 2018. Ainsi en a décidé le premier ministre à l'issue du Comité interministériel de la sécurité routière, contrairement à ce qui se pratique ailleurs dans le monde et notamment au Danemark.
Après avoir transmis aux préfets une note confidentielle révélée par MNC pour les préparer aux 80 km/h tout en jurant que "rien n'avait été décidé", le gouvernement d'Edouard Philippe - qui se disait "favorable" à cette mesure, tout en s'étant fait flasher à 150 km/h avant de facturer aux Français 350 000 euros un vol Tokyo Paris - a tranché en faveur des associations de victimes et lobbyistes de tout poil, au mépris des arguments soulevés par des associations comme la Fédération française des motards en colère (FFMC), 40 millions d'automobilistes, des députés et même des sénateurs...
Au-delà du personnage, l'ambition affichée par ce gouvernement et les précédents - réduire le nombre de morts sur les routes en "sauvant des vies" - a ceci de terrible qu'on ne peut, a priori, que la partager. Mais si la baisse à 80 km/h permettait de passer de 3469 morts (chiffres 2016) à, disons, 3069 morts par an (la Sécurité routière estime que la baisse de 10 km/h permettra de "sauver" environ 400 vies), pourquoi ne pas la baisser à 70, 50 ou même 10 km/h ?
En marge du grand matraquage officiel à base de hashtags #SauvonsPlusDeVies et d'experts en tout genre (un regret toutefois : aucun "coeur avec les doigts" dans la communication du gouvernement), MNC s'est livré à un petit calcul parfaitement idiot - mais l'est-il vraiment beaucoup plus que ceux des pourfendeurs de la vitesse, qui ne parlent plus de "sécurité" mais de "délinquance" et de "violence" routière ? - montrant qu'avec un peu de bonne volonté, on ne se contentera pas de "sauver des vies" : on en créera !
Imaginez la scène : Cruchot s'assoit pépère dans sa Twingo, sans même la sortir du garage ni insérer la clé dans le démarreur, à peine le temps d'ouvrir son paquet de chips et bim : 131 lardons de génération spontanée - ou macchabées ressuscités façon Walking Dead ? - sur la banquette arrière ! Etonnant, non ?
Si l'on tente d'élargir un peu le débat, de réfléchir aux implications d'un tel "choix" - imposé contre leur gré à une majorité des Français - en examinant la réalité de cet objectif à la lumière d'autres raisons nettement moins fédératrices - comme la manne financière que cette baisse de 10 km/h va implacablement générer, y compris pour les sociétés privées chargées de conduire les radars embarqués -, l'inévitable "mettez vous à la place des familles" a tôt fait de clore toute velléité d'échanges : "bim dans ta face, délinquant routier sans coeur, et si c'était ta fille !"
Mais OK. Après tout, imaginons que vouloir à ce point "sauver des vies" - pardon, sauver "plus" de vies - soit réellement le désir le plus cher du gouvernement. Merci, c'est vraiment gentil. Mais pourquoi en priorité - pour ne pas dire en exclusivité - sur la route ? Pourquoi ne pas reprendre le contrôle des autoroutes et imposer leur gratuité, puisqu'il s'agit du réseau routier le plus sûr - et sur lequel, entre parenthèses, on roule le plus vite ?
Parce que c'est plus facile que d'éradiquer la misère, qui tue en France près de 2000 SDF chaque année et place des millions de gens en situation de survie ? Parce que ça rapporte des sommes colossales (920 millions d'euros en 2016, sans doute bientôt plus d'un milliard) ? Parce que gesticuler sur le terrain médiatique avec de bons sentiments permet de masquer l'impuissance du gouvernement sur les vrais problèmes ?
La misère, le chômage et les attentats sont-ils moins pénibles à 80 km/h ? Vous avez deux heures !
Quel que soit le but exact, c'est donner beaucoup de crédit à des statistiques basées sur des chiffres qu'on hésite à qualifier de dérisoires - douleur des familles, sans coeur, tout ça. D'une part, les bilans mensuels de la Direction de la sécurité routière (qui dépend du ministère de l'intérieur) sont basés sur les rapports établis sur place par les forces de l'ordre au moment de l'arrivée des secours, ces fameux bulletins d'analyse d'accident corporel (BAAC) à la fiabilité discutée.
D'autre part, ces chiffres - et leurs variations abondamment commentés, aussi infimes soient-elles - gagneraient à être analysés en regard des centaines de milliards de kilomètres parcourus chaque année en France par des millions de véhicules, des dates des vacances scolaires, des conditions météo, des grèves dans les trains ou les avions, de l'explosion du nombre de véhicules en circulation depuis 40 ans, des énormes progrès réalisés par les constructeurs en termes de sécurité passive ou de l'état des infrastructures...
Voitures, motos, camions et autocars défileront donc à la queue leu-leu, tous à la même vitesse, sur le réseau secondaire... Prochaine étape : les entasser directement sur un train ? Ou plus simplement, les mettre "en marche" à pied ? Ou plus sérieusement, les envoyer encore plus nombreux aux péages des autoroutes payer leur écot aux sociétés d'exploitation ?
Cette baisse de la vitesse à 80 km/h fera l'objet d'une évaluation le 1er juillet 2020 et "si les résultats ne sont pas à la hauteur, le gouvernement prendra ses responsabilités", assure Edouard Philippe avant d'annoncer d'autres mesures :
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