Une analyse prévisionnelle du professeur d'économie Rémy Prud'homme publiée aujourd'hui par le Comité indépendant d'évaluation des 80 km/h montre que cette mesure largement décriée par les Français ne sauvera pas "400 vies" comme le martèle le gouvernement... mais devrait tout de même coûter au contribuable la bagatelle de 3,8 milliards d'euros ! Explications.
En pleine crise des Gilets jaunes, l'analyse prévisionnelle "coûts/avantages" que publie aujourd'hui le Comité indépendant d'évaluation des 80 km/h (CIE) risque de ne pas améliorer le lien de "confiance" entre les Français et leur gouvernement...
Jugez-en plutôt : le professeur Rémy Prud'homme, membre de ce comité créé cet automne par 40 millions d'automobilistes (40MA) avec d'autres associations, s'est basé sur les deux principaux impacts des 80 km/h : la réduction escomptée du nombre d'accidents de la route "dus à des vitesses excessives ou inadaptées" d'une part et la "perte de temps imputable mécaniquement à la diminution de la vitesse moyenne pratiquée sur le réseau routier effectivement concerné par la nouvelle limitation de vitesse" d'autre part.
Conclusion : côté coûts, l'étude évalue à "300 millions d'heures (l'équivalent de 200 000 années de travail ou de loisirs)" le temps perdu induit par la baisse de la vitesse moyenne (- 4 km/h sur les routes à double sens sans séparateur central), ce qui revient à un "coût conventionnel de 4,4 milliards d'euros par an".
Côté avantages, l'étude du professeur Prud'homme estime que "sur les 530 personnes décédées en 2017 dans des accidents de la route dus partiellement ou principalement à la vitesse, moins d'une centaine de morts sont susceptibles d'être "évités" sur le réseau à 80 km/h", ce qui représente un "gain" équivalant par convention à "600 millions d'euros".
Si l'on retranche ces 600 millions d'euros "économisés" aux 4,4 milliards d'euros perdus, "le coût final net des 80 km/h avoisine les 3,8 milliards d'euros par an", sans même compter les surcoûts "liés par exemple aux multiples modifications de la signalisation routière, également à la charge des contribuables", constate le Comité. Sans oublier le recalibrage des instruments de contrôle de vitesse, autrement dit les radars !
"L'abaissement de la vitesse de vitesse à 80 km/h ne permettra pas la réalisation de l'objectif gouvernemental d'une baisse de 400 tués sur les routes concernées", conclut Jean-Luc Michaud, président du CIE. "De plus, l'étude montre que cet échec prévisible sera aggravé par 200 000 années perdues en voiture, ce qui représente un coût final net de 3,8 milliards d'euros par an qui pénalisera principalement les habitants des régions les plus fragiles".
Les lecteurs de MNC - qui, comme chacun sait, sont un peu mieux informés que les autres - savent déjà que l'association 40 millions d'automobilistes, profitant de l'aveu d'Emmanuel Macron selon lequel les 80 km/h sont "une connerie", avait renouvelé sa demande d'annulation des 80 km/h. Aujourd'hui, le CIE regrette de "ne pas avoir encore pu accéder aux bases de données de l'accidentalité routière malgré la demande officielle adressée voici deux mois par son président au ministre de l'Intérieur".
C'est pourtant une obligation légale puisque depuis 2009, "la loi française impose que tous les grands projets d'investissement public fassent l'objet d'une étude d'impact chiffrée des effets bénéfiques et néfastes (exprimés par convention en valeur monétaire) induits par leur mise en œuvre", rappelle le CIE en soulignant que "cette évaluation doit déterminer si le projet est opportun du point de vue de l'intérêt général".
Certes, Christophe Castaner a eu d'autres chats gilets à fouetter ces derniers temps... Mais nul doute que le ministre de l'intérieur - qui gère aussi la Direction de la sécurité routière depuis Nicolas Sarkozy - accédera très prochainement à cette demande en toute transparence !
"Cette analyse est provisoire et fera l'objet de précisions et d'améliorations au cours des prochains mois et en fonction des données complémentaires auxquelles le comité pourra accéder à l'avenir (relevés des vitesses pratiquées sur le réseau, accidentalité routière constatée, part du facteur vitesse dans la survenue des accidents de la route, etc.)", conclut 40MA qui attend des pouvoirs publics "la plus grande transparence sur ce sujet sensible".
Jean-Luc Michaud, président
Pierre Chasseray, secrétaire et porte-parole
Bernard Darniche, porte-parole
Fabien Delrot, porte-parole
Denis Astagneau
Ingrid Attal
Teodoro Bartuccio
Francis Carrion
Jean-Baptiste Iosca
Marc Jeansou
Michel Le Guern
Rémy Prud'homme
Didier Renoux
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