Le ministère de l'intérieur livre le premier bilan officiel des voitures radars confiées à l'opérateur privé Mobiom depuis le 23 avril 2018. Résultat : elles sortent peu, roulent en moyenne moins de quatre heures par jour et relèvent un nombre limité d'infractions. Pour l'instant... Explications.
Le gouvernement, jamais à court d'imagination pour réduire ses coûts et maximiser ses profits, présentait au printemps 2018 un projet controversé : confier à des prestataires privés la conduite de voitures équipées de radars de vitesse, pour réorienter policiers et gendarmes vers des tâches jugées "plus qualifiées".
Cette mesure est entrée en phase d'expérimentation le 23 avril 2018 dans les départements de l'Eure (27) et de la Seine-Maritime (76) avec cinq voitures conduites par des agents de la société Mobiom (groupe Challancin), avant d'être étendue aux autres départements de Normandie à partir du moins de septembre.
En pratique, ces voitures banalisées "flashent" de manière indétectable les véhicules en excès de vitesse, puis transmettent les données au Centre automatisé de constatation des infractions routières (CACIR) du Centre national de traitement (CNT) situé à Rennes (35). Le tout avant même d'avoir le temps de se dire : "tiens, je suis peut-être un poil au dessus"...
Cette procédure étant entièrement automatisée, l'opérateur au volant n'intervient - officiellement - à aucun moment sur le processus de verbalisation. Son rôle est "limité à la simple conduite du véhicule sans aucun paramétrage du radar ni choix des itinéraires de la part du prestataire privé", martèle le ministère de l'intérieur qui vient de délivrer le premier bilan de cette externalisation.
Cette publication fait suite à une demande formulée le 18 octobre 2018 par Michel Raison, sénateur (Les Républicains) de la Haute-Saône (70), connu pour ses positions défavorables au "tout-répressif" en général et à l'abaissement de la vitesse à 80 km/h en particulier.
Michel Raison s'interroge notamment sur "le nombre de véhicules en infraction flashés par les voitures radars conduites par l'opérateur externalisé" et sur le nombre de "contraventions adressées à ce jour par l'officier de la police judiciaire" depuis le début de cette opération qui inspire un sentiment général de rejet sur le thème "moins de flics, plus de fric".
Trois mois et demi plus tard (!), voici la réponse du ministère de l'intérieur en charge de la sécurité routière : "en octobre 2018, 190 sorties de voitures radars ont été comptabilisées avec en moyenne 200 km de parcourus par sortie, soit 3h55 de contrôle par sortie. Au final, 2 248 messages d'infractions ont généré 1 873 amendes pour excès de vitesse pour un montant moyen de 135 euros par amende".
Des chiffres étonnamment bas pour une période de six mois, même en incluant la phase d'expérimentation avec cinq voitures d'avril à septembre : à raison de 30 jours par mois, soit environ 180 en tout, cela donne une sortie d'un véhicule par jour ! A se demander à quoi peuvent bien s'occuper les 25 autres véhicules "privatisés"...
La durée de ces sorties interpelle également : moins de quatre heures en moyenne quand le ministère de l'intérieur annonçait fièrement au printemps dernier que les opérateurs privés devraient les faire rouler entre "six et huit heures" par jour ! Comme quoi Pinot n'était pas si inefficace - en plus d'être légitime, lui - dans ce rôle de contrôle...
Mieux vaut toutefois éviter de se réjouir trop vite, car cette mesure n'en est qu'à ses débuts et ne s'étend pas encore à tous les véhicules banalisés disponibles (environ 340 actuellement). Nul doute que le gouvernement va par ailleurs exiger une amélioration de ces résultats, comme le fait n'importe quel client auprès d'un prestataire. L'avantage de la privatisation, ma p'tite dame !
Rappelons que la Fédération française des motards en colère (FFMC) et 40 millions d'automobilistes se sont élevées contre la légalité de cette décision de confier à des opérateurs privés la conduite des voitures radars, tandis que plusieurs maires refusent de les laisser circuler. L'association Anticor évoque également du "favoritisme" dans le choix de la société Fareco (groupe Fayat), qui fournit l'équipement de ces fameuses voitures radars.
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