Les nouvelles suspensions de la Yamaha MT-09 SP lui offriront-elle la rigueur nécessaire pour tenir la cadence de la Triumph Street Triple R, référence des roadsters sportifs ? MNC oppose ces deux artistes de l'arsouille à moteur 3-cylindres : accrochez-vous, ça décoiffe !
Ce n'est pas un secret : malgré toutes ses qualités, dont son tempétueux 3-cylindres et sa vivacité sidérante, la MT-09 "tout court" a la "bougeotte" à allure soutenue. La faute à son ergonomie particulière - entre trail et roadster - et surtout à la mollesse de ses suspensions, retenues pour faire un bon "coût" (9199 €).
Yamaha a rogné sur la qualité d'amortissement pour mieux se lâcher sur l'équipement : éclairage à LED, étriers radiaux, antidribble, cadre et bras oscillant en alu, trois cartographies d'injection, antipatinage réglable et désactivable ainsi qu'un shifter, très rare de série dans ce segment. Un descriptif économiquement très favorable (détails en pages 2 et 3) !
Mais pour certains motards, parmi les plus exigeants, ça ne suffit pas : "d'accord, elle est bien achalandée et son moteur marche l'enfer", reconnaissent-ils. "Mais davantage de rigueur ne serait pas du luxe pour tailler des croupières aux plus sportives de ses rivales". Et parmi celles-ci : la Triumph Street Triple, qui rallie tous les suffrages en matière d'efficacité !
Le constructeur japonais se fend donc pour 2018 d'une inédite MT-09 SP, reconnaissable à son amortisseur Öhlins entièrement ajustable et à sa fourche Kayaba aux possibilités de réglages hydrauliques étendus. C'est tout ? Non : elle se pare aussi d'un coloris unique gris et bleu et de marquages "SP" sur ses jantes à dix bâtons. "SPèce" de frimeuse, va !
Affichée à 10 499 euros, cette nouvelle déclinaison se cale - comme par hasard ! - dans la même trajectoire tarifaire que la Street Triple R (10 400 euros). Les confronter fait d'autant plus sens qu'elles partagent la même architecture moteur - 3-cylindres en ligne - et développent une puissance similaire (115 ch pour la japonaise, 118 pour l'anglaise).
Triumph s'est fait une spécialité de bichonner la présentation de ses motos, et sa "Street R" ne fait pas exception : ce modèle de milieu de gamme - entre la Street S à 9100 € et la Street RS à 11 800 € - jouit d'une finition à tomber par terre, sentiment renforcé par la palanquée de belles pièces spécifiques à cette déclinaison "R".
L'anglaise, fine et élancée, reçoit notamment des qualitatives suspensions Showa entièrement réglables, quatre modes de conduite (Rain, Road, Sport et le mode personnalisable "Rider") et un tableau de bord couleurs de cinq pouces à matrice TFT particulièrement réussi (détails en page 2).
Très bien pensée et lisible, cette petite "tablette" s'active depuis un pratique joystick sur le commodo droit : certaines motos routières haut de gamme n'atteignent pas un tel degré de raffinement et de praticité ! L'instrumentation de la Triumph éclipse l'écran monochrome de la Yamaha, par ailleurs dépourvue de commandes au guidon pour faire défiler les informations.
La Street Triple R se distingue également par ses étriers radiaux Brembo monoblocs dignes d'une Superbike, qu'actionne un maître-cylindre lui aussi en position radiale. Ce dispositif relié à des durits tressées (en caoutchouc sur la MT-09) surclasse là encore celui d'Iwata, malgré ses élégants étriers dont les pistons en étoile polis renvoient aux premières R1.
Et l'avantage n'est pas que visuel : le freinage de la Street Triple R est meilleur tant en termes de puissance pure que de facilité à la doser. L'anglaise enfonce le clou via la réactivité supérieure de son ABS déconnectable (fixe sur la Yamaha), bien aidée sur ce point par l'adhérence "chewing-gumesque" de ses pneus d'origine Pirelli Diablo Rosso Corsa !
La MT-09 SP, pas sur le même "pneu d'égalité" avec ses Bridgestone S20 au profil moins sportif, marque néanmoins un précieux point grâce à son frein arrière beaucoup plus efficace. Pratique pour retendre une trajectoire ratée en milieu de courbe... ou gérer un de ces wheelings dont la Yamaha raffole !
Car la Yamaha est une joueuse invétérée, à la bonne humeur communicative ! La MT-09 SP est l'archétype de la moto "fun" avec laquelle chaque déplacement prend une dimension ludique. Cela tient en grande partie à son moteur de 847 cc, qui est un véritable concentré d'énergie.
Son "3-pattes" réunit toutes les qualités : souplesse, réactivité, allonge et punch, le tout agrémenté d'une bonne dose de caractère. C'est un moteur complet et vivant, plus encore que celui de la Triumph. Et l'exploit n'est pas mince, tant le trois-cylindres de 765 cc de la Street Triple - totalement remaniée en 2017 - est réussi !
Mais la MT-09 offre une consistance monstrueuse dès les bas régimes, favorisée en cela par ses 82 cc supplémentaires et son gros couple disponible très tôt (87,5 Nm à 8500 tr/mn contre 77 Nm à 9400 tr/mn). C'est la première à s'élancer à l'accélération, en plus d'être la plus généreuse en sensations : les réactions du moteur Yam' ont quelque chose de carrément bestial !
La Street Triple, plus linéaire jusqu'à mi-régimes, n'est pas aussi "féroce". Un peu moins réactive et démonstrative, la raffinée anglaise évolue dans un registre typé "gentleman sportif". Son bloc n'a cependant rien de policé et développe même une sacrée explosivité ! Seulement, celle-ci s'exprime véritablement dans les tours, où sa puissante allonge évoque alors la regrettée Daytona 675.
Une lutte palpitante se joue entre ces deux moteurs de feu, ponctuée de la superbe sonorité des 3-pattes ! La Street Triple R ravira les mélomanes avec sa bande-son crapuleuse : l'impressionnant ronflement qui s'échappe de sa boîte à air entre 9000 et 13 000 tr/m rend ses accélérations foudroyantes encore plus sensationnelles.
La Yamaha, à la tonalité moins grondante et plus discrète, présente néanmoins l'avantage d'être exempte de ce sifflement qui s'échappe invariablement des transmissions primaires des "3-pattes" Triumph. Des progrès ont été réalisés sur ce point, mais sans l'éradiquer complètement. C'est l'un des rares défauts du "Tripeul" d'outre-Manche.
En matière de progression, soulignons également l'évolution positive du contrôle de l'injection de la MT-09 SP. La connexion entre la poignée de gaz et le pneu arrière, sans être parfaite, s'est nettement améliorée : il est désormais possible d'éviter les à-coups en faisant preuve d'un peu de doigté en mode "Standard".
En mode "A", le plus sportif, la gestion de la remise des gaz reste en revanche trop chaotique, même si l'on apprécie alors le regain d'instantanéité dans l'arrivée de la puissance. Même topo avec la Street Triple R, dont l'accélérateur devient trop chatouilleux en mode "Sport".
Comme ces deux motos ne manquent pas de réactivité - loin s'en faut ! -, mieux vaut rester sur les configurations intermédiaires : "Road" sur la Triumph et "Standard" sur la Yamaha, au bénéfice du confort de conduite. Ou plutôt de "pilotage"...
Car l'affûtée Street Triple R et l'énergique MT-09 SP incitent plus à une conduite a minima dynamique qu'à la balade plan-plan... A leur guidon, les virages s'avalent tambour battant avec une gourmandise et un appétit non dissimulé pour les prises d'angles généreuses et les sorties façon catapulte !
Dans le sinueux, la Yamaha fait jouer son agilité de gazelle pour plonger avec davantage de facilité que la Triumph. Le roadster d'Iwata vire avec une promptitude déconcertante grâce à son poids plume (193 kg tous pleins faits) ! Par ailleurs, son guidon large et assez plat facilite son guidage dans les épingles, de même que pendant les manoeuvres.
La Street Triple R (166 kg à sec) demande un effort sensiblement plus marqué en entrée de courbe, ce malgré ses valeurs géométriques extrêmes : avec 23,9° d'angle de chasse et 1410 mm d'empattement contre 25° et 1440 mm pour la Yam', la Triumph fait jeu égal avec des motos sportives "pur jus" !
Mais elle présente en parrallèle une position davantage portée sur l'avant, qui favorise - beaucoup - le contrôle du train avant au détriment - un peu - de la maniabilité. Son ergonomie n'a rien d'extrême ni d'inconfortable, mais le buste s'incline pour attraper son guidon plus étroit et plus bas que sur la MT-09. Les jambes sont en outre repliées vers l'arrière, en adéquation avec sa sportivité palpable !
La Triumph est effectivement ancrée dans le bitume sur son train avant hyper précis et très communicatif, qui donne l'impression de repousser toutes les limites d'adhérence. Elle est également impressionnante sur le plan de la motricité et surtout de la stabilité. Bluffant pour une moto avec une direction aussi fermée, qui plus est dépourvue d'amortisseur de direction !
Si l'effort à fournir pour plonger à la corde est légèrement supérieur que sur la MT-09 SP, le résultat en vaut largement la peine : l'anglaise avale les courbes avec une célérité et une efficacité quasi surnaturelles ! La Yamaha, bien qu'en nets progrès grâce à ses suspensions "SPortives", n'est pas aussi performante.
Son amortisseur Öhlins avec sa pratique molette de précharge déportée est hors de critique : son comportement est au moins aussi bon que le Showa de la Triumph, avec même une touche de progressivité supplémentaire qui lui donne un avantage de confort. Et ce n'est pas du luxe, tant les selles de ces deux motos ne sont pas des modèles de moelleux !
Le constructeur japonais a admirablement corrigé le tir avec cette suspension de qualité : la MT-09 SP ne s'affaisse plus à l'accélération et fait preuve d'une motricité infiniment supérieure à la version standard, le tout au profit de l'efficacité. En revanche, sa fourche manque encore de suffisamment de (re)tenue hydraulique pour égaler celle de la Street Triple R.
Le constat se fait sentir quand le rythme flirte avec les limites du judiciairement acceptable : la direction de la Yamaha - pas assez freinée en début de course - n'a pas la rigueur nécessaire pour oser entrer en courbe aussi vite qu'avec la Street Triple R. En contrepartie, la fourche japonaise absorbe moins sèchement les petites bosses !
La position davantage basculée sur l'arrière de la MT-09 SP et son large guidon n'aident pas non plus à charger l'avant de manière naturelle : c'est autant de mouvements de train avant supplémentaires qu'avec la Triumph, avec laquelle le pilote fait "corps" en plaçant intuitivement de l'appui sur l'avant.
La Street Triple R s'impose une nouvelle fois sur MNC, mais vaincre la MT-09 SP n'a pas été chose facile pour l'anglaise ! Certes, sa partie cycle est encore un cran au-dessus, de même que ses équipements et sa finition, mais son moteur n'a pas le "coffre" ni la hargne jouissive de sa rivale japonaise.
Les amateurs de grosses sensations mécaniques seront même tentés de céder aux charmes de la Yamaha, quitte à devoir composer avec son comportement moins rigoureux. La MT-09 SP reste une formidable "machine à baffes", sauf que désormais sa tenue de route est à la hauteur de son moteur génial !
On aime... mais on adore encore plus tracer des trajectoires au cordeau avec la Street Triple R, grisé par le sourd ronflement de son 3-pattes à l'allonge diaboliquement énergique ! La MT-09 SP est un authentique phénomène, la Street Triple R un véritable chef d'oeuvre... La nuance est mince, certes, mais le rendu final est favorable à la firme d'Hincley.
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS MT-09 SP | ||
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POINTS FAIBLES MT-09 SP | ||
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POINTS FORTS STREET TRIPLE R | ||
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POINTS FAIBLES STREET TRIPLE R | ||
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