Pas moins de 60 voitures banalisées équipées d'un radar vont sillonner les routes des régions Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire à partir de janvier 2020. Leur particularité ? Comme depuis un an en Normandie avec plus ou moins de réussite, elles seront conduites par un opérateur privé et non un policier ou un gendarme. Explications.
Une société privée chargée de constater les excès de vitesse via un radar planqué dans une voiture banalisée : ce n'est pas aux États-Unis mais bien en France, à l'initiative au printemps 2018 du délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe.
Mais que fait la Police ?! "Ils se consacrent à des tâches où il leur est indispensable d'intercepter l'automobiliste : contrôle d'alcoolémie, de stupéfiant, etc.", répond l'État pour justifier la privatisation de cette tâche traditionnellement dévolue aux forces de l'ordre. Jusqu'au jour où ces missions de prévention et de protection seront également du ressort d'une société privée ?!
Toujours est-il que cette "externalisation" apporte toute satisfaction, notamment - et surtout ? - sur un plan économique : ces fameuses voitures-radars nécessitaient auparavant deux fonctionnaires de police ou de gendarmerie, alor que désormais un seul opérateur privé suffit ! L'économie réalisée tombe sous le sens...
Sans compter que l'État en profite pour exiger un fort retour sur investissement volume de présence puisque "ces véhicules sont destinés à effectuer des contrôles de vitesse 6 heures par jour, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24". Une amplitude horaire impossible à atteindre par les forces de l'ordre chargées d'autres missions.
Confiées à la société Mobiom, les premières voitures-radars privées ont fait leur apparition en Normandie et vont bientôt être rejointes par "60 véhicules banalisés" répartis à parts pratiquement égales sur les régions Bretagne (19 voitures), Pays de la Loire (20) et Centre-Val de Loire (21).
Leur mise en circulation est prévue "à partir du mois de janvier 2020" et trois sociétés différentes - une par région - seront nommées via un appel d'offres pour "préserver la concurrence". Oui, comme pour l'attribution d'un chantier de construction !
"Comme en Normandie, les entreprises qui seront désignées à l'issue du deuxième appel d'offres seront rémunérées en fonction du nombre de kilomètres de contrôle effectués", rappelle la Délégation à la sécurité routière, (DSR) souvent attaquée quant à la transparence - voire la légalité - de ces contrôles externalisés.
"Les trajets réalisés et les plages horaires de contrôle sont fixés par les services de l'État (...) et ne sont en aucun cas laissés à la libre appréciation des entreprises ou de leurs conducteurs. De même, les entreprises ne sont pas rétribuées au nombre d'infractions enregistrées", se défend la DSR.
Mais si le ministère de l'intérieur - chargé de la Sécurité routière - se frotte les mains à l'idée d'étendre les zones couvertes par les voitures-radars privées, la question se pose de leur efficacité et de leur rentabilité...
Le premier bilan de leur déploiement en Normandie s'est avéré beaucoup moins reluisant que prévu, en raison d'une sous-utilisation des véhicules affectés et du faible kilométrage quotidien réalisé par les opérateurs externes. Loin du projet initial de flasher tous les jours en "H-24" !
La DSR évoque "des difficultés techniques inhérentes à toute innovation technologique" qui seraient désormais "résolues" par le "système actuel". Et livre d'impressionnantes données chiffrées pour appuyer son propos : "plus de 800 tournées" auraient été effectuées depuis le premier trimestre 2019 par ces voitures-radars privées, soit "environ 200 000 kilomètres de contrôle".
Ces contrôles ont généré près de "12 000 messages d'infraction", poursuit l'instance gouvernementale en calculant que la part des excès de plus de 20 km/h relevée par ces véhicules banalisés est "30% supérieure à celle des radars fixes". Ce constat constitue à ses yeux "la preuve de leur efficacité pour lutter contre les grands excès de vitesse".
Les voitures radars privés contrôlent - en roulant - la vitesse des véhicules croisés et qui les doublent via un radar spécifique placé à l'avant et orienté vers la gauche. Ce dernier utilise un flash infrarouge - contrairement aux cabines fixes - qui rend l'infraction indétectable par le contrevenant.
Ce radar détermine automatiquement l'allure à respecter grâce à un GPS embarqué, tandis que des caméras à l’avant et à l’arrière du véhicule lisent en temps réel les panneaux de signalisation pour confirmer l’exactitude de la vitesse à contrôler. Aucune intervention humaine n'est requise : il suffit d'allumer le dispositif et de s'insérer dans la circulation.
L'opérateur au volant - en tenue civile, aussi anonyme que la voiture banalisée - suit un parcours précis indiqué par un système de navigation GPS et n'a aucun accès aux données enregistrées : celles-ci sont transmises de façon cryptée au Centre national de traitement des infractions (CNT) à Rennes.
"De fait, lorsque la voiture-radar circule, son conducteur ignore tout de l'activité de constatation des excès de vitesse, totalement autonome", assure la Sécurité routière en ajoutant que l'entreprise titulaire du marché "ne peut ni accéder aux clichés de verbalisation, ni connaître le nombre d'infractions constatées par le biais des véhicules dont elle a la charge durant leur conduite".
La rémunération de ces opérateurs privés est basée sur un nombre de kilomètres à contrôler chaque jour. Le prestataire n'est donc pas directement payé "au flash" et n'obtient par ailleurs rien de plus en effectuant davantage de distance : "non seulement il ne verra pas sa rémunération augmenter mais il devra payer une lourde amende", menace même la DSR.
Et s'il en effectue moins ? Sa rémunération sera "diminuée d'autant", indique la Délégation à la sécurité routière qui détermine avec les préfectures concernées un nombre précis et limité d'itinéraires à effectuer chaque jour.
Rappelons que la marge d'erreur de ces radars embarqués est deux fois supérieure à celle des radars fixes : 10 km/h pour les dépassements de vitesse inférieurs à 100 km/h et 10% au-delà. Enfin, certains conducteurs en infraction accusent l'opérateur d'avoir sciemment roulé en dessous de la limitation pour l'inciter à le dépasser... et déclencher le radar !
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