La circulation interfiles (CIF) - ou remontée de files - à moto ou en scooter fait de nouveau l'objet d'une expérimentation depuis lundi 2 août, comme s'y était engagée la Délégation à la sécurité routière (DSR) après son premier test jugé pas assez concluant. L'étude s'étendra pendant trois ans dans 21 départements pour récolter davantage d'enseignements... Explications.
"À titre expérimental, à partir du 2 août 2021, la circulation inter-files (CIF) sera de nouveau autorisée pour les deux-roues et trois-roues motorisés circulant sur les autoroutes et les voies rapides, lorsque le trafic y est dense, dans 21 départements", annonce la DSR, comme prévu suite à une première phase de tests menés de 2016 à 2021.
Cette seconde "expérimentation" - actée en début d'année en concertation avec les associations deux-roues - intervient avec un peu de retard sur le prévisionnel de l'instance gouvernementale : Marie Gautier-Melleray, déléguée interministérielle à la sécurité routière, prévoyait initialement de la mettre en place "à partir du mois de juin".
Rappelons que la circulation interfiles est couramment répandue depuis l'invention du moteur à explosions (ou presque), mais que cette pratique favorable à la décongestion du trafic n'est pas légale puisque non prévue par le code de la route. La remontée de files est de fait "tolérée", sauf quand les forces de l'ordre reçoivent pour consigne d'arrondir les fins de mois du ministère de l'Intérieur de la verbaliser via des opérations "coûts de points" (de permis).
Résultat : la "CIF" fait l'objet d'un interminable bras de fer entre les gouvernement successifs et les usagers deux et trois-roues, qui s'indignent de risquer une sanction de 135 euros et un retrait de 3 points pour - au choix selon l'humeur du verbalisateur en chef - "dépassement par la droite", "changement de voie sans avertissement préalable" ou "non-respect de la distance de sécurité". Pour faire bonne mesure, Pinot peut même ajouter "vitesse excessive eu égard aux circonstances" !
Pour gagner du temps, la DSR s'était réfugiée derrière un réflexe burocratique : la mise en place d'une fastidieuse étude pour déterminer le rapport "risques-avantages" de la circulation interfiles. Programmé en 2012, ce test "grandeur nature" a finalement été reporté de... quatre ans (!) pour débuter le 1er février 2016 et courir jusqu'au 31 janvier 2021 dans les huit départements d'Île-de-France, les Bouches-du-Rhône, la Gironde et le Rhône.
A l'époque, la Délégation à la sécurité routière assurait que si "les règles de bonne conduite" édictées avec la Fédération française des motards en colère (FFMC) et le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) "font leurs preuves, la circulation interfiles pourra être généralisée dès 2020".
Quatre ans plus tard, sans véritable surprise, la DSR avait de nouveau botté en touche au prétexte que les résultats de cette expérimentation - objets d'un copieux dossier de 81 pages ! - comportaient des "zones d'incertitudes quant aux données analysées" par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).
Parmi ces "zones d'incertitudes", une évidence émerge : tous les accidents mortels survenus en interfiles se sont produits en infraction avec les règles de bonne conduite et de bon sens, essentiellement en situation de grand excès de vitesse : "le plus souvent la vitesse était très supérieure à la limitation à 50 km/h", pointe le CEREMA.
En clair : l'interfiles est dangereux quand on roule comme un dingue et sans aucun respect des règles élémentaires de sécurité : surprenant, non ?! Mais la Sécurité routière préfère pour sa part ne retenir que l'accidentologie "brute", en écartant les causes pourtant clairement identifiées par le CEREMA : "le résultat (de cette étude, NDLR) n'est pas à la hauteur de nos espérances", avait à l'époque tranché Marie Gautier-Melleray.
La remontée de files était donc redevenue une pratique "clandestine" jusqu'à ce lundi 2 août, date à laquelle a débuté une deuxième expérimentation portant cette fois sur 21 départements pendant trois ans : Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Isère, Loire-Atlantique, Nord, Rhône (y compris la métropole lyonnaise), Var, Alpes-Maritimes, Drôme, Vaucluse, Pyrénées-Orientales et les huit départements d'Île-de-France.
MNC du 8 septembre 2011 : La Belgique autorise la circulation interfiles à moto
"La circulation inter-files fera l'objet d'une signalisation dans les zones de l'expérimentation", précise la Délégation à la sécurité routière qui lancera "prochainement" une campagne de communication. Petite précision tacite : l'interfiles reste officiellement interdite en dehors des 21 départements concernés ci-dessus !
"Les conditions de la pratique de la circulation inter-files et des conseils de prudence pour tous les usagers seront également diffusés", prévoit par ailleurs la DSR avant de lister à nouveau ces règles de bonne conduite mises au point avec les associations d'usagers.
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