Valentino Rossi reconnaît s'être obstiné à rester en MotoGP jusqu'à 42 ans par ambition de renouer avec le succès, puis pour le plaisir d'assouvir sa passion de la course moto. L'italien, jeune retraité des Grands Prix et également jeune papa, s'estime satisfait de ses choix et assure que la catégorie reine ne lui manque pas.
"J'aurais pu m'arrêter un an plus tôt, fin 2020", avoue le "Docteur" dans une longue interview au quotidien italien Il Giornale. "Mais c'était le Covid, une année à la gomme, avec souvent trois courses sur la même piste et en plus sans public. Je me suis dit : qu'est-ce que je fais ? J'arrête comme ça ? Non, c'est trop moche : allez, je fais encore un an".
Valentino Rossi le concède honnêtement : cette dernière saison chez Yamaha-Petronas - sa première dans un team satellite - était celle de trop, preuve en est sa lointaine 18ème place au général sans aucun podium. 2020 s'était déjà montrée particulièrement pauvre en termes de résultats, avec seulement une troisième place à Jerez (Espagne) à célébrer...
Des (contre)performances sans commune mesure avec l'éblouissant palmarès que s'est forgé le natif de Tavullia pendant ses 26 ans de carrière en mondial : 115 victoires et 235 podiums toutes catégories confondues, et pas moins de neuf titres répartis en 125 cc, 250 cc, 500 cc et MotoGP. Un parcours exceptionnel et unique.
Pourquoi avoir continué dans ces conditions, alors que son dernier succès remontait au GP des Pays-Bas 2017 et que plus de dix ans s'étaient écoulés depuis son dernier sacre (2009) ? "Parce que j'y croyais : je croyais pouvoir continuer à gagner. Certes, et c'est normal, je n'étais plus le Valentino de dix ans auparavant, mais j'y croyais", répond le génie des Alpages avec simplicité.
Conscient de son incapacité à jouer aux avant-postes, Valentino Rossi s'est dès lors accroché à "sa" Yamaha M1 dans l'objectif d'aller jusqu'au bout de sa passion pour la course moto. L'un des derniers privilèges offerts par son palmarès en or massif et sa notoriété tout aussi précieuse pour ses employeurs !
"Et puis j'ai quand même été très compétitif jusqu'à la moitié de la saison 2019", reprend-t-il dans un élan de fierté, avant de délivrer l'amer constat qui l'a forcé à se rendre à l'évidence : "c'est difficile à accepter, mais à 40 ans, on n'a plus cet instinct de tueur qu'on a à 25 ans. Je me suis pourtant battu jusqu'au bout".
Deux autres facteurs ont également scellé son retrait : la peur ressentie au Grand Prix d'Autriche 2020 - quand la moto de Zarco et surtout celle de Morbidelli l'ont frôlé -, puis l'arrivée de sa fille Giulietta, qui par une amusante coïncidence est née le jour des premiers essais du GP du Qatar. La première ouverture de saison sans Rossi depuis 1996…
Bien qu'il assure que le crash du GP d'Autriche n'est pas directement à l'origine de sa décision, Valentino Rossi reconnaît toutefois s'être remis en question après avoir revisionné les images et constaté à quel point la M1 de son protégé Franco Morbidelli était passée près de lui suite à l'accrochage à haute vitesse avec Johann Zarco.
"Ça m'a fait réfléchir", concède-t-il, alors que sa longue carrière compte pourtant d'autres épisodes traumatisants dont le pire est le tragique accident de son ami Marco Simoncelli qui est mort sous ses yeux sur le circuit de Sepang pendant le GP de Malaisie 2011...
"Je le savais déjà, mais j'ai eu à ce moment-là une nouvelle preuve qu'en course il ne suffit pas de faire attention : si on se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, on est foutu. Ça, oui, ça a été un moment difficile : je me suis demandé si ça en valait la peine, mais ça ne m'a pas fait dire "Ok, j'arrête".
"Sur la moto, j'ai eu très peur : j'ai entendu le bruit de la moto de Zarco qui partait en morceaux, mais c'était assez loin. La télévision a tout aplati : les bruits, la puissance avec laquelle la moto arrivait en rebondissant à côté de Viñales. Là, j'étais déjà terrorisé… Mais le vrai danger, que je n'ai même pas vu, c'était la moto de Morbidelli qui m'a frôlé".
"Je suis rentré au stand et là, j'ai vu mes mécaniciens, et je me souviens en particulier de l'un d'eux, Alex, qui sanglotait. Je lui ai dit : 'Allez quoi, j'étais à trois ou quatre mètres quand même (de la Ducati en perdition de Zarco, NDLR)… Et il m'a dit : "Mais l'autre moto, tu l'as vu passer ?". Et moi de lui répondre sans comprendre : "Quelle autre moto ?" Oui, ce jour-là, j'ai joué mon joker".
L'été suivant, en 2021, Valentino Rossi s'est finalement résolu à annoncer sa retraite… juste après avoir appris que sa fiancée Francesca était enceinte ! L'idôle de toute une génération de passionnés des Grands Prix - voire plusieurs ! - allait troquer les gants et la combinaison contre les couches et la poussette !
Mamma e Babbo, sono al settimo cielo! Benvenuta Giulietta Rossi pic.twitter.com/0wR29Wom4v
— Valentino Rossi (@ValeYellow46) March 4, 2022
Happy to present the Yellow Audi no.46 for the 2022 season!
We will start in Imola the 3rd of April and we will race 10 times around the Europe for the @GTWorldChEu together with Frédéric Vervisch and Nico Mueller @followWRT pic.twitter.com/vlfAq2p6es— Valentino Rossi (@ValeYellow46) March 9, 2022
"Quand Francesca m'a dit qu'elle était enceinte, c'était précisément le moment où je pensais m'arrêter : je l'ai donc pris comme un signe du destin", confie-t-il, tout en assurant que sa décision était prise avant d'apprendre sa future paternité. "Je n'ai pas arrêté pour cette raison : si j'avais été compétitif, j'aurais continué même en étant papa".
"Giulietta est née le vendredi (4 mars, NDLR) à 4h du matin : ce jour-là, j'avais les essais en piste avec l'Audi pour préparer mes débuts en course auto, raconte le n°46. "J'ai passé toute la nuit à l'hôpital puis, à l'aube, je suis rentré dormir une paire d'heures.(...) De 14h à 17h le lendemain, j'étais en piste avec l'Audi R8 GT3 et, au retour, détruit, je suis retourné au lit. Je suis ensuite revenu à l'hôpital et, avec Giulietta dans les bras, on a regardé les premiers essais MotoGP ensemble".
A-t-il ressenti des regrets au moment où ses anciens rivaux ont pris la piste pour la première course de la saison au Qatar ? "Pas du tout : l'année dernière, je tenais vraiment à m'arrêter à Valence de façon joyeuse, et j'y suis arrivé. Donc maintenant je prends plaisir à regarder les Grands Prix dans mon canapé", répond le nonuple champion du monde.
The end of the @MotoGP race at the ValenciaGP was extremely emotional, as it was both our final time on track and @ValeYellow46's.
We were left with the memories of amazing scenes like this though...#MotoGP | #PSRTBestMemory pic.twitter.com/JvIkdquZcU
— PETRONAS SRT (@sepangracing) December 30, 2021
Même s'il est retiré de la compétition, Valentino Rossi garde un oeil attentif sur les Grands Prix pour suivre l'évolution de sa structure VR6 Academy qui débute cette année en MotoGP. Son implication n'ira cependant pas plus loin, prévient-il : hors de question, par exemple, de tester les Ducati de son équipe.
"Nooon, faut pas déconner : quand on monte sur une MotoGP, il faut le faire avec un objectif parce que c'est une grosse moto qui va super vite. Cela n'a pas de sens de rouler à 75%. Et de toutes façons, le MotoGP ne me manque pas".
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