Peugeot est condamné à payer une importante amende et à stopper la production de son scooter à 3-roues Metropolis pour violation d'un brevet propre au Piaggio MP3. Quelles sont les réactions et recours du constructeur français face à ce jugement ? Le point avec son directeur commercial, marketing et communication dans le monde. Interview MNC.
La guerre de trois(roues) fait rage dans les concessions... mais aussi au tribunal : Piaggio, leader du marché (voir encadré ci-dessous), annonce avoir remporté en première instance son procès contre Peugeot Motocycles pour "contrefaçon d'un brevet européen relatif au scooter MP3" sur son concurrent français Metropolis...
Ce jugement des tribunaux de Paris et de Milan (Italie) contraint Peugeot à verser la coquette somme de 1,5 million d'euros de dommages et intérêts, mais aussi - surtout - à arrêter la production, la promotion et la commercialisation du Metropolis. En clair : c'est la survie même du scooter à 3-roues francais qui est en jeu !
Concrètement, Piaggio accuse son rival d'avoir copié son système breveté "Roll Lock" qui sert à verrouiller le train avant inclinable du MP3 pour le maintenir à l'équilibre sans mettre le pied au sol. Ce mécanisme appelé "Anti-tilting" chez Peugeot s'actionne électriquement pour camper le tripode sur ses deux-roues avant à l'arrêt et/ou faible allure.
Yamaha et Qooder ne seraient pas concernés puisque leurs scooters à trois-roues utilisent des technologies sensiblement différentes. Le "Standing Assist" du Tricity 300 "fige" le train avant sans totalement le bloquer, tandis que la manoeuvre s'opère naturellement sur le Qooder QV3 - ex Quadro - via ses amortisseurs hydropneumatiques (air-huile).
Interrogé par MNC, le Lion de Sochaux accuse le coup... mais sort ses griffes : Peugeot Motocycles - persuadé de sa légitimité - conteste le verdict en appel et se veut rassurant envers son réseau et ses clients. "Nous ne sommes pas inquiets et continuons à travailler", nous affirme son directeur commercial Matthieu Brinon ci-dessus.
Moto-Net.Com : Quelle est la réaction de Peugeot Motocycles à ces verdicts ?
Matthieu Brinon, directeur commercial, marketing et communication de Peugeot Motocycles dans le monde : En premier lieu, nous prenons acte de cette décision rendue par la justice française et italienne. Ceci étant, nous avons la conviction que la famille Metropolis s'appuie sur une technologie différente, raison pour laquelle nous contestons ces jugements en appel à Paris et à Milan. Notre système "Anti-Tilting" est différent, y compris dans sa géométrie. Maintenant, c'est à nous d'en apporter les preuves.
M. -N. C. : Pourquoi le tribunal de grande instance de Paris et le tribunal du commerce de Milan vous ont-ils condamné à de lourdes sanctions si vous êtes en mesure d'apporter ces preuves d'absence de violation de brevet appartenant à Piaggio ?
M. B. : Nous avons expliqué notre technologie devant la justice et nous avons présenté en détail les spécificités de notre savoir-faire. Mais l'appréciation des tribunaux est finalement différente... A nous de le démontrer de manière encore plus factuelle grâce à cette procédure d'appel, car nous sommes convaincus de notre bonne foi.
M. -N. C. : Ce procès a été initié par Piaggio en 2014. Que s'est-il passé pendant sept ans ?
M. B. : Ce contentieux n'est effectivement pas récent et concernait à l'origine cinq brevets, dont deux ont été révoqués par l'Office européenne des brevets. Piaggio a ensuite été débouté par la justice pour ses demandes portant sur deux autres brevets : c'est donc le cinquième et dernier brevet qui nous occupe aujourd'hui, celui concernant le verrouillage du train avant.
MNC du 23 avril 2015 : Peugeot serein face aux attaques de Piaggio
M. -N. C. : Êtes-vous confiant dans vos capacités à obtenir gain de cause devant la justice ?
M. B. : Oui. Nous ne sommes pas inquiets et continuons à travailler car, justement, l'historique de cette procédure plaide en notre faveur : Piaggio a déjà perdu sur quatre autres brevets. Pour nous, cette procédure constitue la dernière étape de ce contentieux et nous allons tout mettre en oeuvre pour prouver notre bonne foi. Nous sommes confiants.
M. -N. C. : Que se passerait-t-il si vous n'obteniez pas gain de cause ? Le Metropolis pourrait-il être retiré du marché comme le stipulent les verdicts de Paris et Milan ?
M. B. : Même si nous sommes convaincus de notre bonne foi et de notre capacité à prouver la légitimité de notre technologie, nous étudions naturellement l'hypothèse inverse. C'est un scénario qui existe : nous mettons tout en oeuvre dans ce dossier, y compris des "plans B". Nous travaillons là-dessus en interne pour garantir à nos clients et notre réseau la continuité de notre véhicule.
M. -N. C. : Le tribunal de Milan exige que "Peugeot Motocycles retire du commerce en Italie tous les véhicules en contrefaçon sous 90 jours". Les actuels possesseurs de Metropolis devraient-ils restituer leur véhicule si vous perdez en appel ?!
M. B. : Non : cette décision du tribunal italien ne concerne que les stocks de véhicules non immatriculés en concessions en Italie. Les Metropolis en circulation ne sont pas concernés. Et si nous étions contraints de retirer ces stocks en magasins, cela pourrait se faire rapidement car nous sommes en flux tendus avec l'Italie.
M. -N. C. : La production du Metropolis est-elle arrêtée, conformément aux verdicts rendus ?
M. B. : Absolument pas, car notre appel suspend toute la procédure. L'usine de Mandeure continue à tourner et nous suivons comme prévu notre plan de production. Nous continuons par ailleurs à enregistrer les commandes.
M. -N. C. : Comment réagissent vos concessionnaires et vos clients ?
M. B. : L'annonce de ces verdicts est très récente, donc nous avons passé les derniers jours à rassurer notre réseau composé de 340 concessions en France. Nous nous sommes montrés transparents avec eux et avons répondu à toutes leurs interrogations. A ce jour, aucun impact commercial ne se fait sentir et nous nous dirigeons même vers un bon mois de septembre.
Le marché des scooters à 3-roues en France et en Europe |
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