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ESSAI
Paris, le 9 octobre 2015

Essai R1 2015 : la pistarde Yamaha à l'épreuve de la route

Essai R1 2015 : la pistarde Yamaha à l'épreuve de la route

De toutes les nouvelles motos sportives testées sur piste par MNC, la R1 2015 s'est avérée la plus ensorcelante. Le charme agit-il aussi sur route en 106 ch ? Quels sont les effets de sa radicale réorientation racing au quotidien ? Réponses après 850 km.

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Dynamique : efficacité et plaisir dans l'R...

C'est donc à l'aube et dans la fraîcheur de l'automne (6°C au tableau de bord) que MNC enquille ses premiers kilomètres sur route avec la R1 2015. Pour ne rien arranger, les bouchons parisiens nous font vite regretter de ne pas avoir opté pour un Tmax à la place du fleuron hypersportif de Yamaha...

Pour autant, l'expérience n'est pas si exténuante et s'avère surtout riche d'enseignements : quelques mètres suffisent par exemple à apprécier l'incroyable maniabilité et la précision du train avant, dignes d'une 600 cc. La comparaison n'a rien d'exagéré puisque l'empattement de la R1 est seulement 15 mm supérieur à celui de la R6 ! Et avec 199 kg tous pleins faits, la Superbike est un véritable poids plume.

Très saine à la mise sur l'angle, sans manifester cette tendance à engager à basse vitesse relevée sur bon nombre de motos sportives, la R1 possède une vivacité aussi utile pour avaler un pif-paf sur circuit que pour se faufiler dans les encombrements du périph'. Son guidon très bien dessiné, large mais sans excès, permet en outre de profiter d'un rayon de braquage correct... pour le genre !

Sans surprise, la position est toutefois du genre radicale : les demi-guidons fixés sous le té de fourche cassent les poignets tandis que la selle - dure comme de la pierre - est aussi haut perchée que les repose-pieds. Pour autant, la conduite ne vire pas au cauchemar grâce aux dimensions contenues, notamment l'étroitesse confondante entre les cuisses. Pertinemment évidé sur ses flancs, le réservoir de 17 litres de la R1 écarte moins les jambes que celui de 17,5 litres de la Kawasaki ZX-6R 636, par exemple.

En revanche, cette compacité uniquement partagée avec les RSV4 et Panigale chez les hypersportives s'accommode mal des pilotes de grande taille : au-dessus d'1m80, le repli exercé sur les jambes devient sensible et les coudes viennent au contact des genoux en position de recherche de vitesse (au taquet, quoi !).

Nez dans la bulle, on peste alors contre sa faible protection : une grande partie du casque et l'intégralité des épaules sont complètement exposées, même en position "limande". Quitte à jouer le mimétisme avec la MotoGP de Rossi, MNC aurait aimé que Yamaha greffe sur la R1 la bulle bien plus développée de son YZR-M1 !

Pour lutter contre le froid, on enserre d'un peu plus près les longerons du cadre périmétrique en alu car les nombreuses calories générées par le 4-cylindres s'y propagent, ainsi que sous les fesses ! Comme le modèle précédent, le Crossplane chauffe copieusement entre deux feux rouges et dépasse souvent les 100°C en ville malgré la fraîcheur de l'air.

Une caractéristique appréciable en cette matinée frisquette, mais qui deviendra inévitablement gênante en plein été... Sans compter que le bruit du ventilateur, presque constamment allumé dans les encombrements pour aérer le moteur, gâche un peu le plaisir.

Un moteur attachant et un châssis de folie !

Plein et disponible, ce moteur "CP4" accepte sans - trop - rechigner de descendre à 2500 tr/mn, là où nombre de bicylindres sportifs s'étouffent. Cependant, ce 4-cylindres à calage Crossplane n'a pas l'élasticité confondante d'un 4-pattes en ligne. Relancer sans heurt ses pistons de 79 mm de diamètre (pour 50,9 de course) est par exemple impossible en sixième au ralenti.

Presque trop étouffée par le court silencieux, la sonorité de ce moulin est toujours aussi singulière grâce à sa séquence d'allumage asynchrone (270° - 180° - 90° - 180°). Sèche et presque claquante gaz coupés - les cliquetis de distribution audibles au ralenti n'arrangent pas la donne... -, la bande-son du Crossplane devient nettement plus mélodieuse en prenant des tours.

Dès les mi-régimes, ses vocalises proches de celles d'un V4 changent de tonalité : plus profondes, elles semblent surtout s'accorder avec le sourd ronflement de la boîte à air, pour le plus grand bonheur des mélomanes ! L'ensemble gagne en intensité et en sportivité, mais sans jamais virer au bestial hurlement d'un 4-cylindres "traditionnel". Haut dans les tours, la R1 2015 évoque furieusement la sonorité d'une MotoGP : sacré compliment !

En revanche, si l'on apprécie le progrès apporté à sa prise de régime (nettement plus vive qu'auparavant), le "coffre" du moteur paraît moins impressionnant que sur le précédent modèle. Certes, les relances sont costaudes et sans temps mort, largement suffisantes pour décoller la roue avant d'un généreux coup de gaz. Mais sous 5000 tr/mn, elles nous semblent un tantinet moins viriles qu'avant.

Sensations confirmées en comparant les fiches techniques : bridée, la R1 2015 développe 83 Nm à 8000 tr/mn contre 90,3 Nm à 7000 tr/mn pour l'ancien modèle, forte de presque 7 Nm de couple 1000 tours plus tôt. La donne s'équilibre en versions Full Power, mais reste néanmoins à l'avantage de la version 2014 : 115,5 Nm à 10 000 tr/mn contre 112,4 Nm à 11 500 tr/mn.

Il faut y voir le revers du surcroît de chevaux trouvés dans les tours grâce au recours à des cotes toujours plus super-carrées : sortir 200 ch d'un bloc de 988 cc exige son lot de compromis, pour le coup surtout pénalisants dans le cadre d'un usage routier. Car sur circuit, rares sont les relances en dessous de 8000 tr/mn !

Pas conçue pour les espaces confinés, la transmission digne d'une moto de course place aussi la R1 à l'étroit : la première tire tellement long qu'on la conserve régulièrement en agglomération, les 50 km/h étant obtenus à 4000 tr/mn. La zone rouge débute 10 000 tr/mn plus tard (!), une douce régulation électronique intervenant... à 167 km/h. En France, vous entrez dans la catégorie "ennemi d'Etat" sans même passer la deux !

L'embrayage est ferme mais précis, exactement comme la sélection. Au quotidien, l'embout de sélecteur assez court exige un peu d'attention. Si la botte n'est pas parfaitement calée contre la platine - un réflexe sur circuit, mais pas sur route en conduite "détendue" - il n'est pas rare de passer à côté ! Même constat concernant la pédale de frein.

Toujours côté transmission, la R1 2015 reçoit un shifter qui permet de monter les rapports sans débrayer ni couper les gaz, un dispositif introduit pour la première fois de série sur une moto sportive japonaise. Pas aussi rapide que ceux des RSV4 et S1000RR et dépourvu de leur fonction "Downshift" qui autorise aussi les rétrogradages sans débrayer, ce système se montre en revanche plus doux.

Cette douceur permet de monter un rapport sur l'angle de manière "confortable", tant la perturbation sur l'assiette de la moto lors de la rupture de charge est maîtrisée. Agréable à l'arsouille comme en duo, pour enrouler sans heurt.

Cela compense en partie le léger manque de progressivité à la remise des gaz : la rugosité à l'ouverture de l'accélérateur est certes nettement moindre que sur le modèle précédent, mais elle n'est pas encore totalement éliminée. Sur ce point, le ride-by-wire de la BMW S1000RR fait preuve de plus de douceur et de précision, tout comme le bon vieux "full by câbles" de la Suzuki GSX-R1000 !

Testé par une courageuse passagère, le strapontin qui lui est réservé manque sans surprise de moelleux et de largeur. Mais au moins, il n'est plus surchauffé par les silencieux, comme sur le précédent modèle !

Position contraignante et mains accrochées au pilote sont naturellement de rigueur, en raison de repose-pieds haut placés et de l'absence de poignées de maintien. Notre invitée - jeune, donc tolérante ! - a néanmoins apprécié d'être installée suffisamment haut pour voir la route au-dessus du casque pilote. Toujours ça de pris...

Dans le sinueux, l'excellent équilibre et la réactivité des suspensions entièrement réglables font merveille. Certes, leur capacité d'absorption est fatalement limitée par leur tarage ferme et leur faible débattement (120 mm) : ce n'est pas une Super Ténéré, non plus ! Mais leur comportement reste irréprochable en toutes circonstances, sans "coups de raquettes" propres aux sportives excessivement rigides.

Seule la BMW S1000RR 2015 offre à ce jour plus de progressivité sur le bosselé, grâce à ses suspensions semi-actives dont il est possible de définir la dureté depuis le guidon et qui s'ajustent ensuite en temps réel.

Virage après virage, le train avant étale toutes ses qualités : incroyablement vif et sécurisant, il offre un ressenti
exceptionnel dont on use et abuse avec un plaisir rarement atteint. L'arrière n'est pas en reste et jouit d'une motricité fabuleuse, à condition de bien faire chauffer la gomme des peu sculptés Pirelli Diablo Rosso Super Corsa SP dans des conditions fraîches.

Mais le plus bluffant est la stabilité impériale, jamais remise en cause. Car des motos sportives hyper agiles, MNC en a déjà testées un paquet. Mais rarement une machine aussi alerte ne s'est montrée capable de rester parfaitement en ligne comme la nouvelle R1, que ce soit dans une courbe à haute vitesse ou sur une bosse avalée à allure modérée ! Le compromis idéal, rien de moins.

Grâce à l'électronique, la référence d'Iwata s'avère en outre particulièrement sereine, même sur du "gras mouillé". Son anti-patinage est d'une finesse exquise et son ABS totalement transparent. De plus, le freinage couplé vers l'arrière réduit les risques de "croiser les skis" : si la pression sur les étriers avant est jugée trop élevée par rapport à l'angle, l'arrière est actionné automatiquement pour répartir l'effort.

Résultat : la R1 ne se rigidifie pratiquement pas lors d'une (re)prise du levier droit sur l'angle. D'autant plus utile que doser l'action des étriers monoblocs est légèrement moins aisé que sur certaines rivales, la faute à un levier au toucher dur en début de course. Constance et puissance sont en revanche bien au rendez-vous.

Verdict : une réussite ? Non, un chef d'oeuvre !

En 1998, le lancement de la première YZF-R1 avait fait l'effet d'une bombe. 17 ans plus tard, la dernière-née de cette remarquable saga s'inscrit dans la même tendance. Racée, incroyablement performante et sophistiquée, la R1 2015 rassemble absolument toutes les qualités attendues d'une Superbike moderne.

Mieux encore : elle introduit de nouveaux standards et repousse à des années-lumière certaines de ses concurrentes japonaises en attente d'une vraie refonte. On ne peut qu'admirer l'audace de Yamaha, surtout à une époque où le marché des motos sportives chancelle sous les contraintes combinées de la répression routière et de la crise économique...

Pendant que certains se complaisent dans le consensus mou et les motos "pas-drôles-mais-pas-chères" assemblées en Asie, le blason d'Iwata a fait un pari fou, totalement improductif sur le plan comptable : celui de nous faire rêver, d'écarquiller les yeux devant le dessin hors normes de cette singulière R1, de savourer les envolées magiques de son Crossplane, d'halluciner devant son degré de sophistication...

Bien sûr, la Yamaha n'est pas exempte de défauts, notamment dans le cadre d'un usage sur route. On peste notamment contre ses dégagements de chaleur, son confort spartiate, sa protection nulle ou sa transmission un poil rêche. Autant de désagréments peu ou pas importants sur circuit, pour lequel elle a en priorité été conçue.

La somme de ses qualités dynamiques est cependant telle que les motards sensible à ses charmes n'y prêteront probablement aucune attention. Du moins, dans un premier temps : à l'usage, le côté cassant d'une hypersport en a usé plus d'un...

Autre petits détails regrettables : son nuancier limité (bleu ou rouge uniquement) et les deux campagnes de rappel dont elle a déjà fait l'objet. La première à cause de la suspension arrière sur la version M, la seconde pour un risque de fuite d'une durite d'huile moteur. A ce niveau de prix et de performances, c'est un peu ballot...

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CONDITIONS ET PARCOURS

  • Modèle d'origine en 106 ch, sans option
  • Kilométrage : 1435 km au départ
  • Parcours : 850 km
  • Route : nationales et départementales
  • Circuit : Carole
  • Pneus : Pirelli Diablo Supercorsa SP
  • Conso : 6,59 à 7,8 l/100 km (route uniquement)
  • Problèmes rencontrés : RAS

POINTS FORTS R1 2015

  • Refonte totale et réussie
  • Performances en nette hausse
  • Agilité et stabilité bluffant

POINTS FAIBLES R1 2015

  • Bulle franchement passable
  • Selle extrêmement dure
  • Sélection et accélérateur un peu rugueux