Avec son look de Transformers, la Suzuki B-King devait choisir son camp. Mais entre destruction et protection, son - gros - coeur balance... Et si, finalement, le nouveau "Muscle roadster" de chez Suzuki était capable des deux à la fois ? Test !
À l'instar d'une récente Citroën, la Suzuki B-King aurait pu figurer sans aucun souci dans le tout dernier blockbuster de Steven Spielberg, Transformers, dans lequel les gentils "Autobots" affrontent les méchants "Deceptions"... De là à faire intervenir une "Motobot" Suzuki B-King...
Car la dernière Suz cultive un look "Goldorak" frappant : son optique acéré ferait parfaitement office de poste de pilotage, son réservoir proéminent lui dessine de colossales épaules et son double échappement démesuré laisse présager de performances explosives !
D'abord proposé en tant que concept bike lors du Salon de Tokyo en 2001 (lire Moto-Net.Com du 22 octobre 2001), puis dévoilé aux journalistes à Paris l'hiver dernier (lire Moto-Net.Com du 22 septembre 2006), présenté quelques semaines plus tard au grand public à Cologne (lire Moto-Net.Com du 12 octobre 2006) et enfin exposé dans la plupart des concessions Suzuki de France (lire Moto-Net.Com du 26 avril 2007) avant sa présentation officielle à Rome (lire Moto-Net.Com du 2 juillet 2007), le roadster Suzuki a longuement - et soigneusement - préparé son arrivée !
Mais l'heure est enfin venue de disséquer la bête et d'étudier son comportement sur les jolies routes varoises, où avait lieu sa présentation presse. Mais d'abord, pourquoi l'avoir appelé B-King ?
Le Roi des "B"
Littéralement, B-King signifie Roi des "B". Ainsi, dès les premiers balbutiements de son roadster musculeux, Suzuki tenait à ce que son concept bike soit champion dans trois catégories : Boost, Block&Beauty et Brain...
La première notion, "Boost", se traduit par la recherche des meilleures accélérations possibles grâce à un moteur puissant. La firme d'Hamamatsu n'a donc pas hésité à transplanter au coeur de son roadster le nouveau moulin de l'Hayabusa modèle 2008 !
Boost
En effet, qui mieux que le nouveau 4-cylindres de 1340 cc développant une puissance maxi de 183,5 chevaux à 9 500 tr/min et un couple gigantesque de 146,2 Nm à 7 200 tr/min pouvait équiper le Muscle Roadster que Suzuki voulait le plus méchant possible ?
Avec ses nouvelles soupapes en titane, ses nouvelles bielles en chrome molybdène, ses nouveaux pistons en alu forgé plus courts et plus légers et son taux de compression porté à 12,5:1 - contre 11,5:1 pour le modèle 2007 -, ce moulin atteint même les 198 chevaux dans sa version "sportive" Hayabusa !
Toujours équipé du système SDTV (Suzuki Dual Throttle Valve) qui fait fonctionner les premiers papillons directement via la poignée des gaz mais actionne la seconde rangée de papillons électroniquement, le moteur de la B-King possède également le système SDMS (Suzuki Drive Mode Selector) inauguré sur la GSX-R 1000 (lire Essai Moto-Net.Com du 14 juin 2006), qui propose au pilote un mode "A" et un mode "B".
Dans sa version française, la B-King est amputé de plus de 80 chevaux et atteint les 106 ch réglementaires à 9 200 tr/min. Cependant, le bridage a été "particulièrement travaillé par les ingénieurs japonais", insiste Pierre-Laurent Feriti, responsable de la communication chez Suzuki France. Ainsi, le Muscle Roadster ne perd que 20 Nm par rapport à sa version libre.
Mieux : la B-King française délivre son couple maximum (127,5 Nm) à seulement 5 600 tr/min ! Des valeurs qui la placent loin devant la GSX-R 1000 par exemple, qui même en version "foul", doit monter à 10 000 tr/min pour atteindre ses 116,7 Nm...
Après tout, le marché français est l'un des premiers visés avec 500 ventes pronostiquées avant la fin 2007 (contre 100 en Italie !) et 1 000 ventes en 2008. À suivre dans les prochains bilans marché de Moto-Net.Com !
Le deuxième thème abordé par Suzuki pour présenter sa B-King, "Block and Beauty", concerne le style. Par "Block", le constructeur entend les éléments qui composent son nouveau roadster : le large réservoir, le dosseret de selle et les échappements proéminents sont contrastés par l'optique avant, le garde-boue et la selle, d'allure plus ramassée.
Block and Beauty
Quant au côté "Beauty" de la bête, il s'apprécie selon Suzuki dans la "beauté de la simplicité". Mais ce point demeure par définition l'un des plus subjectifs - et donc discutables -, car l'aspect musculeux de la B-King est loin d'être aussi fluide et "simple" que celui d'une Hayabusa.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'en termes de design, la B-King se démarque de tout autre deux-roues ! Sauf évidemment sa partie avant, dont le style avait déjà été timidement repris par sa petite sœur, la GSR (lire Essai Moto-Net.Com du 31 août 2006).
Celui qui souhaite "voir et être vu" au guidon "d'une machine composée de blocks robustes et beaux", comme l'indique Suz, sera donc comblé : la descente sur la promenade du port de Saint-Tropez lors de notre test a pleinement validé cet objectif !
Le niveau de finition de la B-King est annoncé pour sa part comme "dépassant les standards de la production actuelle". Et force est de constater que les équipements, câblages, peintures et plastiques ont visiblement été soignés par le constructeur japonais.
Il est seulement regrettable que le feu stop et les clignotants arrières ne soient pas aussi bien intégrés à l'ensemble que les éléments avant. De même, certains trouveront la "console" chromée - située sur le réservoir - un peu trop scintillante à leur goût. Mais Suzuki - ou les accessoiristes - proposeront sans doute à leurs clients moult kits de feux arrière et autres consoles à finition mat ou carbone !
Dernière remarque concernant l'esthétique : entre la première version de la B-King (Tokyo 2001) et celle qui débarquera dans les concessions (première quinzaine de septembre), le pneu arrière est passé de 240 à 200 mm. Or ce qui passe pour un "gros boudin" sur une Superbike donne l'impression de n'être qu'un "vulgaire" 180 mm sous les échappements de la nouvelle Suz ! Tout est donc relatif...
Exhibée le plus souvent dans son coloris gris-noir avec garde-boue, réservoir, selle et dosseret bi-tons, la B-King sera également disponible en noir. Dans ce cas, le bras oscillant passe du gris alu au noir, le même que celui du cadre. Seuls les étriers, le carter droit du moteur, les repose-pieds et le haut du réservoir offrent des touches argentées à l'inquiétante monture, à laquelle Batman himself ne résisterait pas (et dont les virées nocturnes seront à découvrir dans le prochain Moto&Motards !)...
Brain
Dernier "B" maîtrisé par la B-King : celui de "Brain", "cerveau" en anglais. Suzuki souhaitait faire en sorte que la B-King "communique activement avec son pilote". Mais là aussi, les ingénieurs japonais ont dû revoir leur copie...
La B-King devait se doter d'un système original de démarrage : plus besoin de clé grâce à un capteur analysant vos empreintes digitales et ne mettant le contact que si elles correspondent avec celles du propriétaire ! En cas de tentative de vol, la B-King composait immédiatement le numéro de portable de son proprio et le mettant en contact avec le voleur, grâce au micro et aux haut-parleurs implantés sur le tableau de bord !
Toujours à l'aide de son téléphone, la victime devait pouvoir actionner klaxon et clignotants pour attirer l'attention sur le malfrat, tandis que le micro de la moto enregistrait tous les indices sonores pouvant permettre à la police d'identifier les voleurs. Et bien entendu, la B-King disposait d'un accès internet pour envoyer et lire ses emails ou recevoir les dernières infos météo...
"Nous avons admis que nous devions poursuivre nos recherches avant que de telles idées bénéficient réellement aux utilisateurs et nous ne les avons donc pas incorporées sur ce modèle", avoue Suzuki qui continue cependant à travailler pour permettre aux motards de lire Moto-Net.Com lors de leurs pauses au feu rouge !
Le tableau de bord reste donc finalement assez classique avec un large compte-tours dans lequel est placé un écran LCD où se trouvent les infos telles que l'heure, l'odomètre et deux trips journaliers, l'intervalle entre deux révisions, le temps de voyage, la vitesse moyenne, le niveau d'essence, la température moteur ou le mode de cartographie employé ("A" ou "B").
Sur la gauche se situent plusieurs témoins - point mort, feux de route, huile, surchauffe, etc. - tandis que sur la droite, un deuxième écran affiche lisiblement la vitesse et le rapport engagé. La clé s'insère dans la console du réservoir, sur laquelle se situent notamment les touches de sélection de cartographie ("A" ou "B").
Reste à savoir désormais ce que vaut la B-King sur route. Très impressionnant à voir, ce maxi-roadster l'est-il autant à piloter ? Et quelles intentions cache cette moto toute droit sortie de l'univers de Transformers : cherche-t-elle à nous protéger ou à nous détruire ?
Accessible !
En l'enfourchant - par dessus le haut dosseret et les sorties de pots -, on s'aperçoit avec joie que la selle ne culmine qu'à 805 mm du sol. Le roadster ménage ainsi la majorité des motards. Mais malgré tout, l'accessibilité de cette moto est limitée par son poids (235 kg à sec tout de même) et le volume déroutant qu'elle représente.
À l'arrêt, le train avant se montre lourd et les premières manoeuvres ne se font pas sans une certaine appréhension. Une anxiété qui s'envole cependant dès que la B-King se met en mouvement : à très basse vitesse, on intègre vite la lourdeur de la direction et se faufiler dans le trafic devient une simple formalité.
La position de conduite est bien plus agréable qu'elle n'en a l'air. Avant tout, les genoux ne sont pas si écartelés que ce que la largeur du réservoir laissait présumer sur les photos en studio. De même, si l'accès au sol est aisé pour les "courts sur jambes", les "longs fémurs" sont agréablement surpris de ne pas sentir leurs rotules buter contre les flancs de la Suz.
Le guidon quant à lui est suffisamment proche pour ne pas fatiguer les avant-bras et les repose-pieds - un poil haut - offrent une surface de contact large et stable. Les leviers sont réglables : quatre positions pour le levier d'embrayage et six pour celui des freins avant.
La selle manque d'épaisseur mais sa forme et sa taille permettent de se caler efficacement lors des grosses accélérations que délivre le nouveau moteur. Pour les moins aguerris, mieux vaut d'ailleurs sélectionner le mode "B" afin de prendre en main ce gros méchant roadster...
En appuyant sur le bouton "B" - à l'arrêt et au point mort obligatoirement -, le moteur de 1340 cc voit ses courbes de puissance et de couple lissées : "en version Full, le pilote bénéficie de 70% des capacités du moteur", explique Pierre-Laurent Feriti, à qui les concepteurs japonais n'ont pas précisé les valeurs de la version française...
Mode "B" : Protéger
Dans les faits, la version assagie du moteur bridé (sic) délivre des performances raisonnables de manière totalement linéaire. Inutile pour les amateurs de sensations fortes - la cible même de ce produit -, le mode "B" permettra aux novices qui ont tanné leur pote pour tester le monstre de ne pas se sortir dès le premier virage...
La B-King fait preuve ici d'un instinct de protection indéniable, d'autant que sa partie cycle est irréprochable ! Neutre en virage même en cas d'hésitation sur les freins de la part d'un pilote mal assuré, le gros roadster trace sagement sa courbe.
Le cadre et le bras oscillant en aluminium moulé sont non seulement jolis mais efficaces et offrent à la B-King une excellente tenue de route et une bonne motricité. L'amortisseur de direction veille au grain mais ne semble pas indispensable sur route.
Pour ceux qui souhaitent enrouler tranquillement, la nouvelle Suz fait preuve de bonne volonté avec ses suspensions Kayaba bien accordées et toujours efficaces malgré le poids important de l'engin et ses performances de véritable sportive en mode "A".
Dès 2 000 tr/min, le 4-cylindres reprend sans broncher et permet de flâner même sur les toutes petites routes. Pour partager ces promenades, le passager doit accepter de plier ses jambes et de porter un sac à dos contenant l'antivol - à éviter absolument ! - ou autres effets personnels. Contre le vent, il bénéficie toutefois de la protection du pilote, posté bien plus droit que sur une sportive.
En sixième, la B-King accroche les 90 km/h à 3 000 tr/min. Sur départementale, il est donc inutile de jouer de la boîte pour doubler. Du reste, les changements de vitesse s'exécutent facilement, sans nécessairement avoir recours au levier d'embrayage.
Sur autoroute, les 130 km/h réglementaires sont donc atteints bien avant les 5 000 tr/min. Et heureusement, car à ce régime précis apparaissent de désagréables vibrations dans les pieds, ainsi que dans une moindre mesure dans les mains. Le lest disposé sous chaque repose-pied ne suffit pas à éliminer totalement ce désagrément, que seuls les plus "rouleurs" noteront aux alentours de 150 km/h.
Car lors des accélérations, ce défaut passe quasiment inaperçu, surtout si le mode "A" est enclenché : le pilote est bien trop occupé à se concentrer sur la route et à s'agripper au guidon !
Mode "A" : Détruire !
En mode "A", la B-King dévoile une toute autre personnalité. Bien qu'il n'affiche pas un caractère aussi rageur qu'en version libre, le Muscle Roadster projette son pilote d'un virage à l'autre sans aucune retenue en faisant appel à son formidable couple.
Dès 3 500 tr/min, la Suz pousse déjà fort ! Beaucoup regretteront que cette accélération cesse aux alentours de 7 500 tr/min et pourtant, sur route ouverte, les performances de la B-King sont déjà phénoménales ! Avec son couple maxi situé à 5 200 tours, nul n'est besoin de brutaliser le 4-cylindres pour s'offrir de grosses sensations.
Au contraire, c'est bien souvent la B-King qui malmène son pilote et le contraint à sauter sur les freins aux abords d'un virage qui semblait lointain il y a quelques secondes... Dans ce cas de figure, mieux vaut faire preuve de sang froid car le poids de la bête et les deux disques avant de 310 mm - pincés par des étriers à fixation radiale Nissin quatre pistons - ont vite fait de surprendre le pneu avant !
Le frein arrière - simple piston de 260 mm - bloque lui aussi sans souci sa roue et peut entraîner de beaux dérapages, gérables grâce au guidon large et droit et au réservoir correctement coincé entre les cuisses. Pour éviter de perdre l'avant sur une route glissante, Suzuki a d'ores et déjà prévu une version ABS de la B-King qui arrivera en 2008.
Ces remarques prises en considération, la B-King permet tout de même de rouler fort à condition que le pilote s'en donne les moyens. Car la simple anticipation et le déplacement du buste du pilote ne suffisent plus lorsqu'il s'agit de plonger d'un virage à un autre !
La B-King, bien que maniable et stable pour sa cylindrée et son gabarit, offre un excellent entraînement pour qui veut bosser son ensemble "biceps - triceps - pectoraux - dos" ! Les efforts sont inévitablement proportionnels au rythme de conduite adopté et pour suivre une sportive, mieux vaut être affûté physiquement !
Ceci dit, avant les muscles du pilote, d'autres composants auront certainement crié halte au massacre. À commencer par les pneus car la gomme tendre des Dunlop Qualifier tient bien le pavé mais ne supporte que passablement un rythme très soutenu.
Même si le système anti-drible évite d'essorer le pneu arrière au freinage, rien ne peut contrer l'usure de la gomme due aux grosses accélérations que lui inflige la B-King, ou plutôt son pilote. Au contraire, il faudra beaucoup de dextérité au motard pour venir à bout des longs ergots de repose-pieds !
Autre victime potentielle des excellentes performances du roadster Suzuki : le permis à points... Car les limitations de vitesse sont très rapidement atteintes ! Si sur autoroutes l'absence de protection empêche les grands excès, sur petites routes en sortie de virages, il est bien difficile de se contenir et de ne pas profiter de la fougue de la B-King... Prudence et vigilance, donc !
Enfin, la tirelire des futurs acquéreurs devra obligatoirement être brisée : proposé à 13 699 €, le nouveau maxi-roadster Suzuki n'est pas à la portée de toutes les bourses. Ce qui est "malheureusement" logique au regard du matériel et des performances proposés par cette nouvelle Suzuki...
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