Le projet peut paraître surprenant, et pourtant : Honda et Yamaha accusent tellement de retard en MotoGP que le promoteur Dorna envisage de leur accorder des concessions réglementaires, initialement prévues pour aider les nouveaux projets en catégorie reine. Explications.
A situation critique, mesures critiqu(é)es : Dorna Sports, l'argentier du MotoGP, souhaite lancer une bouée à Honda et Yamaha pour les sauver du naufrage face à la concurrence européenne. Pourquoi ? Pour éviter qu'ils ne quittent le navire, pardi ! Comment ? En leur accordant des concessions réglementaires en 2024.
Pour mémoire, ces concessions ont été introduites en 2014 sous forme d'avantages aux constructeurs débutants et/ou en manque de résultats. Elles prennent la forme d'essais illimités avec les pilotes titulaires, d'une allocation moteur majorée (9 blocs Vs 7), d'une liberté de développement moteur (figée pour les autres) ou encore de davantage de wild-card (6 au lieu de 3).
Objectif ? Faciliter l'émergence de nouveaux projets face aux constructeurs établis de longue date en catégorie reine, tout en limitant les coûts nécessaires. Aprilia, KTM, Ducati mais aussi Suzuki en ont largement profité pour se mettre au niveau des prototypes de référence, à l'époque les Honda RC213V et Yamaha YZR-M1.
Mais l'équilibre des forces s'est totalement inversé : les marques européennes ont désormais plusieurs longueurs d'avance sur les acteurs historiques du MotoGP. Les RCV et M1 autrefois admirées et redoutées sont à la peine face à Ducati, et souffrent également de la comparaison avec les RS-GP italiennes et RC16 autrichiennes.
Le bilan à la mi-saison est éloquent : Fabio Quartararo - premier pilote Yamaha - est 9ème au général avec déjà 130 points de retard sur le leader après huit courses. Le français n'a pas remporté un seul Grand Prix, ni au sprint ni en course principale : sa meilleure performance est une troisième position au GP des Amériques, à ce jour son seul podium.
Son coéquipier Franco Morbidelli (11ème) n'est quant à lui pas monté une seule fois sur la boîte : sa meilleure course est le GP d'Argentine (4ème). Chez Honda, c'est encore pire : le premier pilote au provisoire est Alex Rins - actuellement forfait sur blessure - à la 13ème place, avec 147 points d'écart. Marc Marquez n'est que 19ème avec… 179 longueurs de retard !
Et pour cause : l'espagnol n'a pas marqué le moindre point en course principale depuis le GP de Malaisie l'automne dernier ! Le n°93 s'est uniquement illustré en course sprint : au Portugal, en Espagne et en France. Au point que le torchon brûlerait entre le HRC et Marquez, qui envisagerait d'aller voir ailleurs avant la fin de son contrat en 2024…
Résultats : Honda et Yamaha naviguent dans les profondeurs du classement constructeur, avec respectivement 89 points pour le blason ailé et 82 pour son rival d'Iwata. Soit trois fois moins que Ducati (285 pts), solidement installé en tête du classement par marque devant KTM (153 pts) et Aprilia (121 pts).
"Nous travaillons pour aider non seulement Honda, mais aussi Yamaha, l'autre constructeur japonais, afin qu'ils puissent redevenir compétitifs plus rapidement", réagi en conséquence le directeur sportif de Dorna dans une interview accordée à nos confrères de Catalunya Radio.
"Honda et Yamaha ont été très respectueux du règlement des concessions dans le passé, et ce fût vital pour que Ducati redevienne compétitif", se souvient Carlos Ezpeleta, par ailleurs le neveu du big boss Carmelo. "Ces concessions ont aussi profité à Suzuki et pour que KTM et Aprilia entrent officiellement dans le championnat du monde de façon compétitive (respectivement en 2017 et 2015, NDLR)"
"Honda est limité par la réglementation actuelle en termes de développement car il y a de moins en moins de tests officiels MotoGP", approuve le team manager de Honda-LCR. "Si vous n’avez pas de "concessions" et qu’aucune mise à jour n’est autorisée pendant la saison, rattraper le retard est plus difficile et plus lent", estime l'ancien pilote Lucio Cecchinello.
"Les autres constructeurs comprendront que notre position officielle à la Dorna est de mettre le système des concessions à jour", prévoit - un peu vite ? - Carlos Ezpeleta, qui souhaite amender le règlement de manière à ce que Honda et Yamaha puissent prétendre à ces fameuses concessions.
Car aussi mauvaises que soient leurs situations, elles ne leur ouvrent pas pour autant accès aux concessions d'après le texte actuel : les deux constructeurs ont respectivement à leur crédit la victoire d'Alex Rins à Austin et le podium de Fabio Quartararo durant le même GP des Amériques.
Or le règlement est formel : les concessions ne sont accordées qu'aux constructeurs qui n'obtiennent aucun point dits "de concession" pendant toute une saison. Chaque victoire et podium sont effectivement convertis en "points de concessions" : trois unités pour un succès, deux points pour une deuxième place et un point pour une troisième place.
Autrement dit : ni Honda ni Yamaha ne sont actuellement éligible au régime des concessions et à leurs avantages techniques et sportifs. C'est précisément ce critère de sélection que Dorna aimerait modifier en faveur des deux constructeurs japonais, par crainte inavouée de les voir déserter la catégorie reine à l'image de leur compatriote Suzuki…
Mais ce possible traitement de faveur ne fait pas l'unanimité chez leurs rivaux : oh, surprise ! A commencer par Aprilia, pour qui la question d'accorder des concessions à Honda et Yamaha en 2024 ne se pose même pas au regard du cadre réglementaire.
"Les deux constructeurs japonais ne remplissent pas les conditions pour obtenir des concessions, donc nous n’accepterons pas", tranche le directeur du programme de compétition Aprilia, Massimo Rivola.
Son pilote phare, Aleix Espargaro, ne l'entend pas de la même oreille : "Je n'y suis pas opposé : nous en avons profité et je pense que c'est bien. Je veux voir des courses entre trois ou quatre marques qui jouent la victoire, comme il y a deux ans ou l'an dernier. J'espère qu'ils (les organisateurs, NDLR) feront une bonne proposition".
Chez Ducati, la position est nuancée : "je suis d'accord pour dire que le championnat doit être aussi équilibré que possible et qu'un compromis doit être trouvé afin que chacun puisse se battre aux avant-postes", reconnaît le directeur général de Ducati Corse.
"Mais il est clair qu'il y aura toujours un meilleur, car c'est le sport et le sport fonctionne comme ça. Cela me paraît juste d'aider les équipes en difficulté, mais il est juste aussi de le faire de manière équitable", prévient Luigi Dall'Igna avant de se montrer plus explicite.
"Honnêtement, nous avons un championnat magnifique et spectaculaire avec de belles courses : je suis fier d'y participer. Mais en arriver là a été très difficile, après de nombreuses années de sacrifices de la part de tous les employés Ducati", rappelle le dirigeant italien
"Cet aspect doit être pris en compte et reconnu : vous ne pouvez pas faire disparaître cela dans les années à venir à cause d'éventuelles concessions trop favorables aux autres", estime "Gigi" Dall'Igna.
En creux, le transalpin soulève une question éludée par Dorna : si Honda et Yamaha profitent des concessions en 2024 pour renouer avec la gagne, est-ce que le promoteur changera encore son fusil d'épaule pour éviter le décrochage de Aprilia, Ducati et KTM ? Après tout, ce serait équitable !
Pour MNC, la solution la plus simple serait en réalité… de laisser les choses en l'état : le championnat du monde existe depuis 1949, sans qu'il ne soit nécessaire de réécrire son règlement pour l'adapter aux forces et faiblesses de ses participants.
Honda et Yamaha sont en difficultés ? Qu'ils déploient les moyens pour redresser la barre : ce n'est ni au promoteur, ni à leurs rivaux de les y aider. Sans compter que le public risque de se lasser, faute de lisibilité. Difficile de s'y retrouver entre ces politiques à "deux vitesses" et les incessants changements de formats (Sprint, programme des essais, variateur d'assiette interdits à l'avant, etc.).
Position | Pilotes | Motos | Points |
1 | 1FrancescoBagnaia | Ducati | 194 |
2 | 89JorgeMartin | Ducati | 159 |
3 | 72MarcoBezzecchi | Ducati | 158 |
4 | 33BradBinder | KTM | 114 |
5 | 5JohannZarco | Ducati | 109 |
6 | 10LucaMarini | Ducati | 98 |
7 | 43JackMiller | KTM | 79 |
8 | 41AleixEspargaro | Aprilia | 77 |
9 | 20FabioQuartararo | Yamaha | 64 |
10 | 73AlexMarquez | Ducati | 63 |
11 | 21FrancoMorbidelli | Yamaha | 57 |
12 | 12MaverickViñales | Aprilia | 56 |
13 | 42AlexRins | Honda | 47 |
14 | 37AugustoFernandez | KTM | 42 |
15 | 49FabioDi Giannantonio | Ducati | 34 |
16 | 30TakaakiNakagami | Honda | 34 |
17 | 88MiguelOliveira | Aprilia | 27 |
18 | 23EneaBastianini | Ducati | 18 |
19 | 93MarcMarquez | Honda | 15 |
20 | 26DaniPedrosa | KTM | 13 |
21 | 32LorenzoSavadori | Aprilia | 9 |
22 | 94JonasFolger | KTM | 9 |
23 | 25RaulFernandez | Aprilia | 8 |
24 | 51MichelePirro | Ducati | 5 |
25 | 9DaniloPetrucci | Ducati | 5 |
26 | 36JoanMir | Honda | 5 |
27 | 6StefanBradl | Honda | 5 |
28 | 27IkerLecuona | Honda | 0 |
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Plateau : Les pilotes et leurs motos 2024
10 mars : GP du Qatar
24 mars : GP du Portugal
07 avril : GP d'Argentine (annulé)
14 avril : GP des Amériques
28 avril : GP d'Espagne
12 mai : GP de France
26 mai : GP de Catalogne
02 juin : GP d'Italie
16 juin : GP du Kazakhstan (reporté)
30 juin : GP des Pays-Bas
07 juillet : GP d'Allemagne
04 août : GP de Grande-Bretagne
18 août : GP d'Autriche
01 septembre : GP d'Aragon
08 septembre : GP de San-Marin
22 septembre : GP d'Inde (annulé)
22 septembre : GP Kazakhstan (annulé !)
22 septembre : GP d'Emilie-Romagne
29 septembre : GP d'Indonésie
06 octobre : GP du Japon
20 octobre : GP d'Australie
27 octobre : GP de Thaïlande
03 novembre : GP de Malaisie
17 novembre : GP de la "Solidarité"
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