Moins d'un mois après son entrée en application, le décret censé permettre à l'État de bloquer temporairement les signalements de contrôles de police par les avertisseurs électroniques est annulé par le Conseil constitutionnel, saisi par Coyote. Explications.
A peine voté, déjà censuré : le Conseil constitutionnel invalide le décret n° 2021-468 qui permettait à "l’autorité administrative" d'interdire de façon temporaire "à tout exploitant d'un service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation de rediffuser au moyen de ce service tout message ou toute indication (…)" qui concernent exclusivement des contrôles d'alcoolémie, de stupéfiants et d'identités suite à des alertes enlèvement et attentat.
En clair : les "sages" retirent à l'État sa capacité tout juste acquise de mettre en veille des avertisseurs de radars "dangers" au prétexte de sa lutte contre l'insécurité routière, les kidnappings et le terrorisme. Autant de motifs a priori inattaquables pour justifier ces "zones blanches" âprement débattues depuis 2017, où les contrôles de police ne devaient plus être signalées en temps réel aux millions d'utilisateurs de Coyote, Waze, HereWeGo, etc.
Sauf que le Conseil constitutionnel, saisi le 16 septembre à la demande de Coyote, annule ce décret non pas sur le fond mais sur la forme : l'autorité en charge de la constitutionnalité des lois estime dans sa décision n° 2021-948 que les dispositions "qui permettent à l'autorité administrative de priver des utilisateurs de services de communication au public en ligne de la possibilité d'échanger certaines informations, portent atteinte à la liberté d'expression et de communication".
Parmi les points litigieux, le blocage de toutes les alertes dans ces "zones blanches" est jugé inconstitutionnel dans la mesure où les assistants à la conduite ne servent pas qu'à signaler des contrôles de police. Les communautés Coyote, Waze, etc. s'informent également des véhicules en panne, bouchons, travaux, animaux morts et autres dangers sur la route : les priver de cette fonctionnalité est jugé contraire à la liberté d'expression.
"Cette interdiction est susceptible de s'appliquer à de nombreuses informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police : dans ces conditions, cette interdiction porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi", avancent-ils.
L'annulation du décret prend effet immédiatement puisque "aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision (le 24 novembre, NDLR)", informe le Conseil constitutionnel.
Autre doléance exprimée par Coyote auprès du Conseil constitutionnel : l'impact économique de cette mesure, bien sûr ! "La société requérante (Coyote, NDLR) considère que les dispositions renvoyées priveraient d'intérêt ces services tout en entraînant pour eux des coûts exorbitants : il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques".
Cette argumentation a toutefois été écartée par les sages, sans réelle surprise : "les dispositions contestées ne méconnaissent ni la liberté d'entreprendre, ni le principe d'égalité devant les charges publiques".
Si cette décision du Conseil constitutionnel met - pour l'instant - un terme officiel au bras de fer entre l'État et les fournisseurs d'assistants à la conduite, l'annulation du décret intervient alors même que la mise en œuvre de ces "zones blanches" était de toute façon bloquée par les opérateurs qui traînaient les pieds au motif de difficultés techniques…
"C'est très complexe à mettre en œuvre et nous sommes très loin d'être d'accord sur la mise en œuvre opérationnelle", avait notamment signalé le directeur marketing France et Europe du Sud de TomTom, alors que son homologue chez Waze soulignait que "nous ne voulons pas stocker l'information des lieux de contrôles de forces de l'ordre".
Résultat : cette mesure "d'invisibilité" face aux avertisseurs qui serait mise en place au bon vouloir du législateur n'a en réalité jamais été opérationnelle ! Le 1er novembre, date supposée de son déploiement, le gouvernement avait ainsi annoncé que des "problèmes techniques" empêchaient sa mise en oeuvre.
Gare toutefois à ne pas crier victoire : l'État est une machine lente mais obstinée qui parvient la plupart du temps à ses fins. Le petit doigt de MNC lui souffle qu'une armée de juristes sont déjà à pied d'oeuvre pour reformuler le projet de loi afin de le rendre inattaquable devant toutes les institutions françaises, y compris le Conseil constitutionnel...
A noter par ailleurs que l'on retrouve d'anciennes "figures" de la politique française au Conseil constitutionnel, comme son président Laurent Fabius - mais si, souvenez-vous : l'affaire du sang contaminé en 1991 quand il était premier ministre - ou Alain Juppé, condamné en 2004 pour prise illégale d'intérêts dans une affaire d'emplois fictifs. Situation inédite en France, qui avait notamment valu une manchette accusatrice de L'Obs en 2019 : "Alain Juppé, premier homme politique condamné à entrer au conseil constitutionnel" !
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