C'est la mauvaise nouvelle de cette fin 2022 : les motos et scooters se dirigent bel et bien vers le contrôle technique obligatoire, de l'aveu même de la Fédération française des motards en colère. A moins d'un boycott généralisé, comme avec la vignette en 1980 ? Interview d'Éric Thiollier, animateur réseau et membre du secrétariat national de la FFMC.
Le contrôle technique pour les motos et scooters - évoqué depuis 2000 en Europe et 2007 en France - pourrait devenir une réalité dès "juin 2023", avait récemment prévenu le ministre des transports. Ce contrôle périodique prendrait dans un premier temps une forme "allégée" à partir de vérifications visuelles, selon Clément Beaune…
Cet énième rebondissement intervient sous la poussée du Conseil d'État, qui s'oppose au gouvernement sur ce sujet épineux : rappelons que la France - conformément à la directive européenne - poussait vers des mesures alternatives pour réduire l'accidentologie et les émissions polluantes des deux-roues plutôt que les soumettre au contrôle technique.
Forte de l'immense mobilisation motarde, la Fédération française des motards en colère (FFMC) s'est de nouveau entretenue avec Clément Beaune : il en ressort, hélas, que si le ministre comprend et même partage les arguments contre le contrôle technique moto, décision est tout de même prise de le mettre en place…
Éric Thiollier, animateur réseau et membre du secrétariat national FFMC, nous explique pourquoi en plus de révéler à MNC les avancées autour de nouvelles mesures favorables - cette fois - aux motards : l'autorisation d'utiliser un boitier éthanol sur leur deux-roues, ainsi qu'un accès élargi à la prime à la reconversion. Interview.
Moto-Net.Com : Qu'en est-il des mesures alternatives proposées par la France pour se soustraire au contrôle technique moto ? Selon nos informations, le ministre des transports aurait notamment parlé d'homologuer les boîtiers éthanol pour les deux-roues motorisés ?
Éric Thiollier, animateur réseau et membre du secrétariat national FFMC : C'est exact… sauf qu'il ne s'agit plus de mesures alternatives. Elles devraient bel et bien être mises en place mais sans incidence sur le contrôle. Toutes ces mesures sont désormais décorrélées du contrôle technique moto. Elles consistent d'une part à faire homologuer pour les motos l'usage d'un boîtier éthanol (kit Flexfuel compatible avec de l'essence contenant jusqu'à 85% d'éthanol d'origine végétale, NDLR) et, d'autre part, d'élargir l'accès à la prime à la conversion lors de l'achat d'un deux-roues moins polluant. Soit deux avantages dont seuls les automobilistes profitent : il s'agit donc de rectifier une injustice subie par les motards (le Superéthanol E85 est environ deux fois moins cher que le Sans-plomb 95, tandis que la prime à la conversion n'est à ce jour attribuée qu'à l'achat d'une moto ou d'un scooter électrique uniquement, NDLR). C'est aussi, de la part du ministre, une façon de mieux faire passer la pilule du contrôle technique…
M. N. C : Ce qui signifie que l'on s'oriente bel et bien vers la mise en place du contrôle technique pour les motos et les scooters ?!
É. T. : Oui, clairement. Le ministre est lui-même convaincu de l'inutilité du contrôle technique pour les motos, mais se dit contraint par la décision du Conseil d'État. Maintenant, comme c'est un homme de dialogue, Clément Beaune nuance ses propos… Mais en réalité, dans sa tête, il est décidé à se soumettre à la décision du Conseil d'État et donc à lancer le contrôle technique moto.
M. N. C : Comment réagit la FFMC à cette mauvaise nouvelle ?
É. T. : Eh bien… Nous sommes très en colère, bien sûr ! Nous allons continuer à nous mobiliser et à étudier toutes les alternatives. Parmi elles, pourquoi pas le boycott comme en 1980 pour la vignette moto ? Rendez-vous est donné aux motards en janvier prochain pour reprendre les mobilisations.
M. N. C : Dans une interview exclusive MNC, un contrôleur estime que le contrôle technique moto sera difficile à mettre en place avant, au mieux, fin 2023 faute des préparatifs nécessaires : qu'en pensez-vous ?
É. T. : J'ai lu votre interview et elle est très intéressante. Solliciter le point de vue d'un contrôleur technique est pertinent, d'autant que certains de ses propos corroborent des constats de la FFMC. Notamment que les centres sont loin d'être prêts à assurer le contrôle technique pour les deux-roues !
M. N. C : En plus de ne pas y être préparé, ce contrôleur nous assure également ne pas y être favorable en raison du soin apporté par les motards à leur moto…
É. T. : Sa réponse confirme nos propres remontées de terrain. La FFMC avait mené une enquête il y a un an ou deux via nos antennes locales. Nous leur avions fourni un courrier-type qu'elles devaient présenter dans les centres de contrôles. Résultats ? Ils n'étaient pas chauds du tout ! C'est plus une contrainte pour eux qu'autre chose.
M. N. C : Ce contrôleur estime que le permis moto ne sera pas forcément nécessaire pour contrôler un deux-roues motorisé, comme pour les poids-lourds. De quoi contrer l'argument de l'échéance 2023 difficile à tenir faute de temps pour former les contrôleurs et leur faire passer le permis A ?
É. T. : A titre personnel, je n'ai jamais vraiment pensé que la non-détention du permis moto était un argument suffisant pour remettre en cause la capacité à contrôler un deux-roues. L'opérateur peut se contenter de pousser la moto, sans la conduire. La preuve avec la voiture : le contrôleur n'a pas besoin d'avoir le permis B pour contrôler une auto (leur agrément les autorise à déplacer une voiture dans l'espace privé du centre de contrôle, NDLR).
M. N. C : Certes, mais une voiture est posée sur quatre-roues : maintenir une moto en équilibre requiert déjà un minimum de pratique !
É. T. : Nous sommes bien d'accord. Mais chacun ses problèmes : ce n'est pas la FFMC qui va aider à trouver des solutions aux problématiques soulevées par le contrôle technique ! Par ailleurs, cela rejoint ce que nous défendons depuis le début : les concessionnaires s'occupent déjà très bien des motos. Et compte tenu du kilométrage moyen, de l'ordre de 4 à 5000 km par an au doigt mouillé, les motos passeront plus souvent en révision qu'au contrôle technique (le contrôle moto, calqué sur l'automobile, interviendrait au bout de quatre ans puis tous les deux ans, NDLR). C'est n'importe quoi !
Et vous chers lecteurs, seriez-vous prêts à participer à un boycott massif du contrôle technique moto ? A la rédaction MNC, on signe des deux mains !
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