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INTERVIEW MNC ZARCO
Paris, le 13 juillet 2017

Interview Johann Zarco : "Objectif podium à chaque course pour mériter une moto officielle"

Interview Johann Zarco : Objectif podium à chaque course pour mériter une moto officielle

Jamais un débutant aligné par un team privé n'avait réalisé un aussi bon début de saison en MotoGP que Johann Zarco sur la Yamaha M1 Tech3 ! MNC profite de la trêve estivale pour faire le point sur l'enthousiasmant parcours du pilote cannois, actuellement 6ème du championnat 2017 avec cinq incursions dans le top 5, dont une splendide deuxième place en France. Interview.

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L'Italie a Valentino Rossi, en France la nouvelle star de la vitesse moto se nomme Johann Zarco ! A  presque 27 ans (ce dimanche 16 juillet !), le double champion du monde Moto2 éclabousse la catégorie MotoGP de son talent, fort d'une adaptation et d'une vélocité incroyables pour un novice, sur une moto privée qui plus est. Ironie de l'histoire : le pilote Tech3 brigue la place du nonuple champion du monde transalpin dans le team officiel Yamaha (si elle se libère fin 2018), avec l'objectif de décrocher le titre suprême !

Et pourtant au départ, personne n'attendait Johann Zarco à pareille fête pour ses premiers pas au sommet de la course moto, ni ses rivaux ni son équipe : "nos ambitions étaient d'être dans le Top 10, avec des coups d'éclats quand les circonstances s'y prêtaient", nous avoue Hervé Poncharal, ci-dessous à droite, heureux manager de la structure française privée Tech3.

Or ces "coups d'éclats" interviennent presque à chaque course pour Johann, 6ème du championnat à la mi-saison et premier pilote privé avec 84 points au compteur derrière les motos officielles de Marquez (129 points), Viñales (124), Dovizioso (123), Rossi (119) et Pedrosa (103) ! Comble de bonheur pour le team varois : Jonas Folger suit son coéquipier français au 7ème rang, avec deux sixièmes places à son actif et surtout une magnifique deuxième place derrière Marc Marquez pour son GP national en Allemagne

Des débuts météoriques pour Zarco-corico !

Pour Johann Zarco, tout débute en trombe au Qatar : le rookie tricolore surgit de sa 4ème place sur la grille pour prendre les commandes de la course d'ouverture pendant six tours avant de chuter, semant la confusion parmi les leaders dont Valentino Rossi et Maverick Viñales sur les Yamaha d'usine. Un exploit plutôt inattendu dans la mesure où le français s'était certes montré rapide pendant les essais hivernaux, mais jamais suffisamment pour briguer les avant-postes.

Cinquième en Argentine puis à Austin, le pilote Tech3 monte ensuite d'un cran à Jerez (4ème) avant de décrocher la timbale chez lui, au Mans : porté par son public, Johann Zarco termine le Grand Prix de France à la deuxième place derrière Viñales, après avoir de nouveau mené les premiers tours (sept en tout) grâce à un choix osé de pneus tendres qui va devenir sa marque de fabrique.

En plus, aussi, d'un certain sens du panache, puisqu'il ne se prive pas de bousculer les cracks comme Valentino Rossi ! Au risque d'agacer la star transalpine : "nous ne sommes pas en Moto2, il doit être plus calme", s'est énervé le "Doctor"...

Septième en Italie et cinquième en Catalogne, le protégé de Laurent Fellon commet ensuite une petite erreur de stratégie sur la piste tantôt sèche tantôt mouillée des Pays-Bas - très excusable au regard de son manque d'expérience en catégorie reine - qui lui vaut de terminer 14ème suite à un retour au stand trop précoce et à l'utilité discutable.

En Allemagne, où s'achevait début juillet la première partie de la saison 2017, Johann Zarco signe la neuvième place à 21 secondes du vainqueur Marc Marquez, après être toutefois remonté comme un boulet de canon de sa lointaine 19ème position sur la grille ! Un nouvel exploit compte tenu de la nature étriquée du circuit du Sachsenring, qui complique singulièrement les dépassements. 

MNC s'est entrenu avec le natif de Cannes dans la foulée de ce Grand Prix d'Allemagne à l'occasion du premier Blu Cru Camp à Alès (30), un très intéressant stage de formation destiné aux jeunes pilotes de vitesse et de motocross Yamaha. Interview.

Interview : le point à mi-parcours avec Johann Zarco

Moto-Net.Com : Tu as sans doute déjà entendu cette question au moins 100 fois, mais t’attendais-tu sincèrement à de tels débuts en catégorie reine des Grands Prix ?

Johann Zarco, pilote Tech3 en MotoGP : Non, je ne m'attendais pas à être aussi performant dès le début de la saison. Mais c'est cependant l'objectif qu'il faut viser : être sur le devant de la scène et se bagarrer pour les podiums et les victoires. Donc tant mieux si ça se produit dès mes débuts dans la catégorie, car cela permet d'attaquer sur un niveau élevé... et à partir de là de viser plus haut encore ! 

M.-N.C. : Tes débuts en MotoGP sont les meilleurs jamais réalisés par un débutant aligné par une structure privée, meilleurs encore que ceux de Ben Spies chez Tech3 en 2009 et surtout que Casey Stoner chez Honda-LCR en 2006 ! Faire plus fort que le célèbre double champion du monde MotoGP australien, ça cause non ?! C'est quelque chose dont tu es fier ?

J. Z. : Pas particulièrement fier, non. C'est top, évidemment, il s'agit de bonnes références. Mais c'est pour moi encore plus signe qu'il ne faut pas mollir, car il y a quelque chose que je peux attraper, mais si je me crois arrivé, je n'y arriverais jamais.

MNC : En Moto2, catégorie dont tu es le premier à avoir décroché deux titres consécutifs, ta force résidait dans ta gestion optimale des pneus qui te permettait d’oublier tes adversaires en fin de course. En MotoGP, cela semble être l’inverse : tes mises en action sont incroyablement rapides, mais la deuxième partie est parfois plus délicate. Est-ce dû à la puissance supérieure des MotoGP, moins évidente à gérer, ou aux pneus Michelin (Dunlop en Moto2) ?

J. Z. : Les pneus sont différents, en effet : en Moto2, tous les pilotes courent avec les mêmes pneus alors qu'en MotoGP il est possible de faire des choix différents. Mes sensations étaient bonnes jusqu'à présent avec les pneus les plus tendres, ce qui m'a permis de partir fort et de finalement pas trop mal terminer mes courses. Mes adversaires, eux, ne parvenaient pas à boucler le Grand Prix avec le même choix de gommes ! Pour autant, avec le recul d'une demi-saison, j'essaie désormais de travailler avec mon équipe à la fois sur les réglages et sur mon pilotage pour pouvoir utiliser des pneus un peu plus durs afin d'être fort du début à la fin. 

MNC : Ton pilotage fluide te permet d’utiliser des réglages de fourche plus souple que les pilotes officiels Yamaha, ce qui expliquerait que tu es souvent en mesure d’adopter des pneus plus tendres. Dans quelle mesure tes réglages diffèrent des M1 officielles, sachant que tu peux comparer les données à moto égale en prenant les datas de l’année dernière ?

J. Z. : Je n'en ai aucune idée, je ne regarde pas du tout la technique. Je donne mes informations et je laisse l'équipe faire. Je fonce et à chacun son style !

MNC : Par trois fois déjà (Austin, Jerez et Assen), tu es allé au contact avec le même pilote, Valentino Rossi, dont tu t’es pourtant souvent dit grand fan. Est-ce une pure coïncidence ou une manière - même inconsciente - de faire ta place parmi l’élite ?

J. Z. : Je dirais plutôt la deuxième explication, se faire une place avec les ténors. Certes, Valentino est une idole, mais si on a un blocage par rapport à ça, on peut le traîner longtemps. Par conséquent, je suis content d'être parvenu à passer au-dessus et d'avoir tenté des manoeuvres, quitte à être allé au contact, car cela me permet de me "programmer" pour pouvoir à l'avenir toujours me bagarrer avec les hommes de tête.

MNC : Interviewé par un confrère italien, Rossi a déclaré en rigolant qu’il allait t’envoyer la facture de sa combinaison après le contact d’Assen ! L’a-t-il fait et si oui, lui rembourserais-tu les frais ou estimes-tu n’avoir strictement rien à te reprocher car il s’agissait d’un simple fait de course ?

J. Z. : Non (sourires)... Par contre, j'ai vu ce "constat à l'amiable" et ça m'a bien fait rire ! Il n'est pas question de facture, de toute façon : nous sommes tous aidés par nos sponsors, lui par Dainese et moi par Furygan. Mais si tel avait été le cas, je lui aurais peut-être donné un stylo jaune fluo pour faire une retouche sur sa combi !

MNC : Tu as récemment fait connaître tes intentions à terme de briguer le titre MotoGP, et pourquoi pas avec la moto de Rossi dont le contrat avec Yamaha arrive à expiration fin 2018 mais qui se verrait bien continuer s’il est encore compétitif... Est-ce qu’il y a déjà eu des premiers contacts avec Yamaha dans ce sens ? Lin Jarvis, le boss du team officiel, t’a-t-il proposé quelque chose si tes résultats continuaient à suivre ?

J. Z. : Non, pas spécialement. Pour l'instant, je suis concentré à fond sur mon boulot avec Tech3, avec qui tout se passe bien et avec qui j'ai déjà re-signé pour l'an prochain et c'est important. Avec ce package à ma disposition, j'ai déjà la possibilité d'être sur les podiums à chaque course : à moi d'atteindre cet objectif pour mériter ensuite une moto officielle.

MNC : Cal Crutchlow vient récemment de reconduire son contrat avec LCR, mais avec le soutien direct du HRC. Un arrangement dans ce sens t’intéressait-il, à savoir récupérer une M1 d’usine en restant chez Tech3 où tu sembles parfaitement t’épanouir ? Un team français, qui plus est !

J. Z. : Oui, ça pourrait être une belle option. A voir... Je trouve cependant qu'il est encore tôt pour en parler, car on vient juste de passer la mi-saison de ma première année en MotoGP. Quand mes objectifs seront atteints, nous pourrons réellement aborder cette question.

MNC : Parallèlement à ta carrière de pilote, tu gères avec ton manager Laurent Fellon une école de pilotage, ZF Grands Prix, dont l'objectif est d'amener des jeunes au plus haut niveau de la compétition moto. Pourquoi t’es-tu lancé dans cette activité ?

J. Z. : Nous avons commencé à faire rouler quelques jeunes en 2012, notamment des copains d'école du fils de Laurent (Lorenzo Fellon, qui roule aussi en vitesse, NDLR). A l'époque, nous voulions trouver des moyens des les entraîner à coûts réduits, et l'aventure a démarré comme cela. Nous sommes alors arrivés au constat que nous pouvions leur inculquer une méthode de travail, car le sport moto nécessite de la méthode. Laurent s'est dit : "puisque je l'ai fait avec Johann, pourquoi pas avec d'autres ?"

Deux ans plus tard, en 2014, nos pilotes ont participé à leur première compétition et désormais l'école a grandi. Elle s'articule autour de deux catégories : la Coupe PW50 et la Coupe ZFM 150. Cette dernière se dispute sur des 150 cc 4-temps et s'adresse aux plus de 10 ans, pour commencer à s'entraîner sur des motos avec boîte de vitesses. Notre objectif est d'aider la France à remettre le pied à l'étrier vers la course moto, et montrer qu'il n'est pas nécessaire d'utiliser les motos les plus chères. 

MNC : A l’âge de 15 ans, je crois, tu as pris ton scooter pour rejoindre Laurent Fellon avec lequel vous aviez mis au point une méthode très cadrée, davantage axée sur les moyens d’obtenir les résultats que sur les résultats eux-mêmes. Avec deux titres en Moto2 et tes débuts en MotoGP, ça semble bien fonctionner ! Penses-tu que vos méthodes sont transposables à tous les types de profils ? Ou faut-il avoir, comme toi, une grosse envie de travailler et beaucoup d'humilité ?

J. Z. : Je ne suis pas le seul dans ce cas, tous les champions de haut niveau sont humbles et ont beaucoup travaillé. Et ils travaillent encore durement pour rester au top ! De mon coté, c'était à 17 ans que j'ai pris mon scooter pour aller chez Laurent car je voulais totalement m'investir dans la moto, quitte à ne pas avoir mon bac. Cela a fonctionné pour moi, mais je ne conseille pas pour autant à tout le monde de suivre cette voie et de sacrifier ses études : en créant de bonnes structures, il est possible d'allier l'école et le sport. Pourquoi pas même, si ZF Grands Prix continue à grandir, de suivre une filière sport-étude...

MNC : Tu as longtemps vécu chez Laurent pour te consacrer pleinement à ta carrière, avec tous les sacrifices que cela sous-entend en termes de vie sociale ou de relations avec une éventuelle petite amie... Qu’en est-il aujourd’hui ? 

J. Z. : Eh bien, "Jojo" a grandi (sourire) ! J'ai pris mon indépendance depuis trois ans, j'ai une vie sociale, mais je suis toujours très proche de Laurent et tout se passe très bien. Certes, c'était beaucoup de sacrifices, mais ça valait le coup au regard de ce que j'ai récupéré après. Cette expérience m'a fait énormément grandir.

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