Chassez le naturel, il revient à moto : Honda s'oriente à son tour vers le maxi-trail à fort contenu technologique avec sa nouvelle Africa Twin 2020, quatre ans après avoir fait l'éloge de la simplicité et de la juste mesure sur son ancienne CRF1000L. Essai.
Chère cousine Germaine,
J'ai suivi tes conseils pour devenir plus populaire, quitte à réévaluer mes principes : me voilà ultra-branchée et connectée avec mon écran TFT de 6,5 pouces couleurs - avec retour tactile, STP ! -, ma centrale à inertie qui agit sur mon ABS et mon antipatinage selon l'inclinaison, ainsi que mes six modes de conduite, mon anticabrage inédit, mon contrôle de frein moteur et mon régulateur dorénavant de série (détails en pages 2 et 3).
J'ai également fait de la musculation, consciente de l'attractivité avérée du "toujours plus" : mon bicylindre vertical grimpe à 1084 cc et développe 102 ch et 105 Nm (contre 95,1 ch et 99 Nm l'an dernier). Certes, ton flat twin cube 1254 cc et crache 136 ch et 143 Nm, mais on ne se refait pas : une certaine mesure me semblait nécessaire pour rester efficace sur tous les terrains.
J'en profite pour suivre ta piste en matière de positionnement et d'équipements : auf wiedersehen l'ancienne CRF1000L pragmatique et accessible, willkommen à la nouvelle CRF1100L plus dépouillée et haut de gamme ! Exemple ? Une courte bulle fixe remplace mon ancien pare-brise enveloppant, au prétexte bien commode d'améliorer la visibilité en tout-terrain...
Pour gagner du poids, ma nouvelle boucle arrière est en alu et s'allège surtout du porte-paquets et des poignées passager, ainsi que des supports de valises ! Tous ces équipements deviennent optionnels, sauf sur ma déclinaison Adventure Sports sur laquelle mon père japonais mise beaucoup : objectif 70% des ventes en France contre 30% en version standard.
Enfin, comme en 2019, la béquille centrale pour entretenir ma chaîne reste en option, tout comme les jantes Tubeless (de série uniquement sur l'Adventure Sports). Je conserve néanmoins de série ma selle réglable en hauteur sans outils, mon sabot en métal, mes roues à rayons, ma molette de réglage de précharge et une pratique prise USB dans le cockpit.
Je te laisse, très chère cousine : les premiers essayeurs vont prendre mon guidon en version standard, qui prend 900 euros pour atteindre 14 499 euros (13 599 € en 2019). Je reviendrai ultérieurement te parler plus longuement de ma déclinaison Adventure Sports à 16 799 €, qui culmine à 19 499 € avec options coloris tricolore (+ 300 €), double embrayage (+ 1000 €) et suspensions pilotées par électronique (+ 1500 €) !
Premières impressions positives au contact de l'Africa Twin standard, qui améliore son ergonomie par le biais d'un guidon légèrement relevé, un réservoir redessiné et une selle plus étroite de 40 mm. L'écartement entre les cuisses diminue sensiblement, au profit de l'accessibilité : les pilotes d'1,75 m touchent le sol des deux côtés malgré des valeurs identiques de volume d'essence (18,8 l) et de hauteur de selle (facilement ajustable de 850 à 870 mm).
Le large guidon tombe toujours aussi aisément entre les gants et procure un contrôle précis et franc de la roue avant haute (21 pouces) et étroite (90 mm). La moto a conservé son fabuleux équilibre et sa prise en mains instinctive, à l'origine de placements sur l'angle naturels et fluides. Ouf !
L'inévitable inertie provoquée par les dimensions "off-road" de sa jante Tubetype ne se perçoit qu'à faible allure ou dans de brusques changements de direction, via une légère résistance à l'inclinaison. Mais ce phénomène peu perturbant s'apprivoise vite tant l'Africa Twin est homogène et évidente.
La CRF1100L reste d'une maniabilité épatante au regard de sa hauteur intimidante (1395 mm) et de son empattement de 1575 mm (comme en 2019). Son agilité sensationnelle est renforcée par sa perte bienvenue de 4 kg : l'Africa Twin 1100 standard passe de 230 à 226 kg, loin, très loin des 260 kg dépassés par certaines rivales !
Extrêmement stable et bien amortie, la Honda supporte sans broncher les entrée en courbe sur les freins et les sorties de virage explosives. Les transferts de masse sont idéalement gérés malgré ses forts débattements (230 et 220 mm, comme en 2019), évitant le phénomène de "cheval à bascule" et offrant une énorme motricité.
Le confort et l'efficacité de ces éléments "mécaniques" sont remarquables, alliant à merveille douceur d'amorti et tenue de route rigoureuse. A bon entendeur : les suspensions à tarage électronique installées en option sur l'Africa Twin Adventure Sports n'atteignent pas un tel niveau, quel que soit le réglage adopté... Le mieux n'est donc pas toujours l'ami du bien !
Le freinage est au diapason de cet étalage de qualités, surtout à l'arrière : sur route et sur piste de terre, la puissance et le dosage très fin convoquées par la pédale sont irréprochables. Un gage aussi de confort pour les balades en duo.
A l'avant, les étriers radiaux 4-pistons serrent vigoureusement les disques de 310 mm, mais l'attaque un rien brutale peut surprendre. Heureusement que l'ABS sensible à l'angle "veille au grain" : ce dispositif est bluffant d'efficacité, y compris sur des routes gravillonnées. Il autorise même de forts freinages de l'avant sur des chemins roulants : bluffant !
Seul bémol à ce stade : la bulle comme tronçonnée à mi-hauteur prodigue une protection indigne d'une moto de ce calibre, abritant seulement le menton et le buste. La majeure partie du casque, les épaules et les bras reste exposée, tandis que la déflexion est curieusement devenue insuffisante sur le dessus des mains...
MNC découvre effectivement que les pare-mains sont moins volumineux qu'en 2019 sur cette CRF1100L de base : passage par la case option nécessaire pour installer les déflecteurs supérieurs sur les fixations prévues à cet effet ! Même déception pour sa selle, qui offre également un confort en baisse car plus étroite de 40 mm. On arrête pas le progrès...
La qualité d'assise du modèle précédent était correcte, elle devient assez moyenne surtout sur long parcours : les étapes de plus de 200 km mettent en évidence un moelleux et un maintien perfectibles, qui incitent à changer de position pour préserver l'épiderme fessier. Consolation : cette selle redessinée accorde plus de liberté de mouvements !
L'une des principales évolutions de l'Africa Twin 2020 tient à son élévation de cylindrée, qui muscle avantageusement ses relances. Le bicylindre parallèle calé à 270° reconduit à l'identique son appréciable souplesse - 1500 tr/mn sur les premiers rapports sans hoquets - , mais délivre ensuite davantage de consistance.
Ses progrès se ressentent entre 2000 et 4000 tr/mn, balayant l'un des rares défauts reprochés à l'ancienne mouture : sa relative timidité en dessous de 4000 tr/mn, surtout en duo chargé. Les dépassements à 90 km/h en 6ème - à 3000 tr/mn - deviennent une formalité, quand la précédente exigeait un recours plus fréquent au sélecteur.
Le cap des 5000 tr/mn marque une transition vers une accélération soutenue jusqu'aux 8500 tr/mn du rupteur (assez brutal). Cette poussée extrêmement vigoureuse égaye un rendement autrement assez linéaire : l'Africa Twin 1100 produit davantage de répondant, mais moins de sensations. Pourquoi ? Car le manque de "coffre" de l'ancienne contrastait avec son énergie dans les tours, la rendant plus expressive.
Les normes Euro5 auxquelles l'Africa Twin est la première à se plier ne remettent pas en cause sa superbe sonorité, toujours aussi caverneuse au ralenti. La résonance ronflante venue ensuite de sa boîte à air accompagne à merveille cette bande-son un rien crapuleuse, toutefois mis en sourdine par les nouvelles normes : le volume passe de "78 dB à 73 dB", nous révèle Honda France.
En termes d'agrément, le twin réalise un quasi sans-faute : l'accélérateur électronique est précis à défaut d'être ultra-doux, tandis que les vibrations sont discrètes aux régimes usuels. L'action des deux arbres d'équilibrage devient toutefois insuffisante à partir de 6000 tr/mn, où mains et pieds sont "chatouillés". Mais à ce régime, la troisième amène déjà à 120 km/h ! Peu contrariant, donc.
Depuis son retour en 2016, l'Africa Twin fait valoir sa polyvalence exceptionnelle sur tous les terrain face à des "maxi" pour qui le tout-terrain se limite à une remontée de l'allée gravillonnée d'une résidence secondaire. Bonne nouvelle : la nouveauté n'a rien perdu en off-road, comme MNC a pu le constater avec une Africa twin standard équipée de pneus à crampons TK80 !
La ligne élancée, presque féline, de cette moto à la finition remarquable n'est pas qu'une vague évocation de ses racines en rallye-raid : la Honda se montre à la hauteur de son patronyme et de son statut de référence des grosses cylindrées en dehors des sentiers battus.
Sa fourche de 45 mm réglable en précharge absorbe les pires saignées avec maestria, tandis que son mono-amortisseur à précharge et détente ajustable ne talonne pas à la réception d'un saut. La précision directionnelle et les capacités de franchissement de la roue de 21 pouces sont extrêmement élevées, tout comme sa garde au sol de 250 mm.
La moto se dirige naturellement en position debout, les genoux correctement logés contre le réservoir et les mains placées à la bonne hauteur sur le guidon. Réglée en mode "Off-road", l'Africa Twin présente un répondant plus doux, mieux adapté à l'exercice du TT : gérer les dérives est plus simple malgré des performances trop élevées dans l'absolu pour du tout-terrain !
Le contrôle de traction est en cela un allié précieux : ce dispositif réactif et convaincant tend un filet de sécurité salvateur au besoin. Mais attention : ce mode "Off-road" est volontairement peu intrusif, même s'il conserve un minimum d'ABS avant-arrière et d'antipatinage. Les motards moins sûrs d'eux opteront plutôt pour le mode "Gravel", plus sécurisé.
Les amateurs éclairés seront tentés de déconnecter toutes les assistances, manipulation pas évidente à réaliser depuis le nouveau tableau de bord : on s'y perd dans les sous-menus, la faute à une navigation un rien complexe. Certains fonctions sont en outre accessibles de manière tactile, d'autres passent par le commodo gauche surchargé de boutons : c'est notamment le cas pour couper l'antipatinage et l'ABS.
Sans ses "filtres", l'Africa Twin 1100 demande logiquement plus d'expérience et d'attention, sans toutefois se montrer élitiste. Son équilibre réussi et le contrôle précis offert par toutes ses commandes sont les alliées d'une conduite engagée : ses seules limites proviennent de son poids trop important en tout-terrain, qui tend à embarquer dans les phases critiques.
Gare aussi aux réactions parfois contre-naturelles de son double embrayage proposé en option, qui perd le fil quand la moto est sérieusement malmenée en tout-terrain. Passage de vitesses parfois malvenus et surtout débrayage complet après un généreux dérapage déclenché au frein arrière sont à prévoir : flippant de perdre brutalement tout frein moteur, surtout en bas de cette saleté de descente en dévers !
Dans le cadre d'un pilotage moins engagé, le DCT offre en revanche une souplesse d'utilisation incomparable : c'est même très pratique de pouvoir monter et descendre au besoin les rapports depuis les gâchettes à main gauche, lorsque le besoin s'en fait sentir. MNC n'a en revanche pas ressenti les bienfaits de l'arrivée de la centrale à inertie sur le timing des passages de rapports : la gestion automatisée des vitesses déclenche encore parfois des rétrogradages à des moments inopportuns, notamment sur l'angle en entrée de virage…
Comme lors de notre essai de 2018, MNC lui a préféré l'option shifter à double effet qui permet de monter et descendre les rapports sans débrayer. Confortable et réactif dès les bas régimes, il laisse davantage de contrôle : le double embrayage, aussi étonnant soit-il, n'est pas - encore ? - en mesure d'anticiper les évènements et d'adapter son rapport en conséquence comme le fait le motard !
L'Africa Twin 1100 fait mieux que sa devancière dans plusieurs domaines clés : son moteur est plus performant, sa partie-cycle évolue dans le bon sens - bravo pour la perte des 4 kg ! - et la technologie s'invite à son bord pour répondre aux demandes du marché. Car c'est une réalité : les "trailistes" en sont friands, n'en déplaise à certains !
"Beaucoup de nos clients réclamaient le régulateur, c'était vraiment un élément qui manquait", nous assure ainsi Fabrice Recoque, directeur de la division moto de Honda France, qui nous apprend même que "55%" des précommandes d'Africa Twin Adventure Sports à ce jour concernent des modèles équipés des suspensions pilotées Showa !
Ce qui signifie que plus d'un acheteur sur deux a opté d'emblée pour le niveau de sophistication le plus élevé, sans aucune garantie préalable de l'intérêt de cet amortissement à gestion électronique. Or MNC estime justement les suspensions "mécaniques" supérieures. Ironique, non ?!
Concernant l'Africa Twin standard testée ici - Adventure Sports à venir : restez connectés ! -, le Journal moto du Net reste circonspect devant la tournure prise par ses évolutions : comment justifier la perte de ses équipements pratiques (poignées de maintien, porte-bagages, supports valises) alors même que cette moto augmente de 900 € ?
Et en quoi l'emploi de cette bulle trop courte était-il à ce point indispensable ? Un pare-brise réglable aurait facilement satisfait toutes les exigences : placé au ras de l'instrumentation en off-road et relevé d'une dizaine de centimètres pour affronter la route ! Enfin, que fait-on de la philosophie d'accessibilité et de simplicité prônées par Honda à la sortie de la CRF1000F en 2016 ?
Autant de questions restées sans véritable réponse lors de ce lancement, où tout était fait pour nous diriger vers l'Adventure Sports : l'Africa Twin standard n'a été testée que très brièvement et avec des pneus tout-terrain (TK80), alors que nous avons longuement roulé sur l'Adv. Sports qui sera - comme par hasard - la première disponible en concession !
Voilà qui en dit long sur les ambitions de Honda, qui prend le risque d'aller chasser la fameuse "GS" sur son propre terrain tout en laissant de côté une partie des fans de l'Africa Twin standard. De quoi faire les affaires de constructeurs qui font la démarche inverse, comme Yamaha avec sa Ténéré 700 ?!
Car rien ne dit que beaucoup de "Géhessistes" deviennent "Africa-Twin-istes" : l'allemande est une telle icône qu'elle en incarne pour certains un absolu à atteindre dans la vie d'un motard, voire une marque de réussite sociale. Pas sûr que la Honda, malgré toutes ses qualités, atteigne un jour ce rang prestigieux...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS CRF1100L AFRICA TWIN | ||
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POINTS FAIBLES CRF1100L AFRICA TWIN | ||
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