Triumph et Moto Guzzi révisent leurs motos classiques en 2016, mais différemment : la V9 Roamer joue une partition traditionnelle quand la Bonneville - devenue Street Twin - entame un inédit concerto, rétro sur la forme et un peu moins sur le fond. Duel.
Contrairement à la plupart des moyens de transport, une moto vous transporte avant même le premier tour de roue. Les trails éveillent des désirs d'aventure, les sportives transpirent la performance, les routières invitent aux longues étapes, les customs illuminent le quotidien à chaque reflet du soleil sur leurs chromes... Et les utilitaires soulignent la nécessité de travailler pour s'offrir l'une d'elles !
Et les motos néo-rétros ? Elles vous replongent dans le passé avec leurs lignes élégantes mais sans les emmerd... contraintes liées à l'entretien et la conduite d'une authentique moto ancienne. Certaines dissimulent même des dessous très modernes sous leur robe "old school", à l'image des nouvelles Triumph Street Twin et Moto Guzzi V9 Roamer, dotées de l'ABS et d'un contrôle de traction - désactivable - malgré leur modeste puissance de 55 ch !
D'aucuns crieront probablement au scandale face à ces "vraies-fausses" vieilles, argumentant que toute la beauté du mouvement classique réside justement dans la remise - et le maintien - en état d'une moto d'autrefois, avec ces longues heures de restauration destinées à redonner vie aux mécaniques d'antan, souvent suivies de transformations faisant de sa moto ancienne un objet unique et authentique...
"Il faut vivre avec son temps", semblent leur répondre la Triumph et la Moto Guzzi en exhibant sans complexes une prise UBS (sous la selle de l'anglaise, sur la colonne de direction de l'italienne) et une riche instrumentation commandée depuis leur très - trop ? - moderne commodo (2 trips, rapport engagé, horloge, consommation, etc.). De quoi faire oublier l'absence commune d'un compte-tours... mais pas celle d'une jauge à essence sur la V9 (lire "Aspects pratiques et équipements" en page 3) !
La Street Twin pousse la démarche encore plus loin en exhibant un carburateur factice à l'intérieur duquel se dissimule son injection dernier cri reliée à un inédit accélérateur électronique ride-by-wire. Ce subterfuge déjà utilisé sur la précédente Bonneville en abusera plus d'un ! De loin, certains douteront même de son mode de refroidissement : malgré ses généreuses ailettes polies, ce bicylindre en ligne désormais calé à 270° (360° auparavant) est bel et bien refroidi par eau.
Classes, les classiques !
Bravo aux motoristes d'Hinkley d'avoir aussi bien intégré le radiateur et ses durits sur ce moteur cubant dorénavant 900 cc (au lieu de 865 cc). Ce moulin à 8-soupapes (4 sur la Guzzi) est un modèle d'élégance, valorisé par ses classieux antiparasites rouges au logo Triumph et sa visserie qualitative. A l'instar du reste de la moto, tout est parfaitement à sa place et harmonieux au regard.
L'optique ronde cerclée de chrome (comme la Guzzi), les soufflets sur la fourche de 41 mm, les superbes silencieux en métal brossé à sortie conique et les combinés amortisseur ajustables en précharge entretiennent par ailleurs l'illusion d'une vraie moto "ancienne". Pas de doute : Triumph est passé maître dans l'art de réviser ses classiques !
Cette présentation soignée dans ses moindres détails fait de l'ombre à la V9 Roamer, dont le charme délicieusement vintage est quelque peu desservi par une finition médiocre par endroits. On tique notamment face aux panneaux latéraux ajourés, dont l'ajustement perfectible le long du cadre tubulaire laisse entrevoir les câbles de la batterie côté gauche...
On soupire aussi devant l'aspect "cheap" du Neiman, dépourvu d'habillage sur sa partie inférieure, ou l'intégration peu discrète de certains câbles et durits (notamment de l'ABS vers la pédale de frein et autour des conduits d'admission). Et on peste carrément contre l'installation à la "va-comme-je-te-pousse" de la centrale ABS entre les deux cylindres, juste derrière un régulateur d'où pointent des fils jaune et rouge vifs !
Certes, la V9 Roamer constitue une entrée de gamme chez Moto Guzzi, mais c'est aussi le cas de la Street Twin pour Triumph. Sans compter que l'italienne n'est pas spécialement donnée : 9990 euros contre 8900 pour l'anglaise en noir "Jet" (+ 150 euros pour les autres coloris comme le rouge "Cranberry" de ce modèle d'essai). Raison de plus pour lui reprocher l'absence de leviers réglables et de serrure sur son bouchon de réservoir, inclus sur la "Bonnie"...
La Moto Guzzi a pourtant fière allure avec son magnifique réservoir sur lequel se déploie le célèbre aigle de Mandello, ses enveloppants garde-boue en métal (plastique sur la Street Twin) et ses très belles jantes aux bords polis. Les bâtons serrés de ses jantes en 19 et 16 pouces (18 et 17 sur la Triumph) évoquent même une "classique" roue à rayons, quand celles de la Street Twin sont assez quelconques.
Ses longs échappements - rutilants sous le soleil - s'accordent à merveille avec ses rétroviseurs chromés, dont l'efficacité est nettement supérieure à ceux de la Triumph qui sont trop petits pour offrir une rétrovision correcte. Et puis la V9 Roamer, comme toutes les Moto Guzzi, c'est une architecture moteur qui interpelle : deux cylindres face à la route, formant fièrement un "V" ouvert à 90°...
Quelque chose de sensuel s'en dégage, évoquant des formes trop généreuses pour être contenues dans un corset : la V9 déborde de charme mécanique ! Pour ne rien gâcher, son V-twin de 853 cc conserve un refroidissement par air malgré son homologation Euro4 : sacrée prouesse, tant satisfaire aux dernières normes de pollution mais aussi de bruit est délicat avec ce type de moteur (le liquide qui circule autour d'un "Water Cooled" absorbe ses bruits mécaniques).
Enfin, la V9 Roamer présente deux autres atouts de taille : sa transmission finale par cardan (chaîne sur la Street Twin, dépourvue de béquille centrale même en option...) et sa fabrication "à la maison", par opposition à la construction dans l'usine thaïlandaise de Triumph pour sa rivale.
Pensée et assemblée en Italie, près du Lac de Côme, la Moto Guzzi s'offre en outre le luxe de faire appel à des prestataires locaux, et non asiatiques comme la Street Twin : son étrier de frein avant Bembo à 4-pistons et sa fourche Marzocchi (non réglable) ont fière allure face au basique 2-pistons Nissin de la Triumph et sa fourche Kayaba !
De quoi faire - en partie - relativiser le millier d'euros qui les sépare (de 940 € à 1090 €, selon la couleur de la Triumph) ? Aux terrasses des cafés, l'argument aurait sans doute de la portée, surtout sur ce genre de motos dont le style fait tourner bien des casques ! Mais voyons en page suivante ce qu'il en réellement est guidons en mains...
.
.
CONDITIONS ET PARCOURS | ||
| ||
POINTS FORTS TRIUMPH STREET TWIN | ||
| ||
POINTS FAIBLES TRIUMPH STREET TWIN | ||
| ||
POINTS FORTS MOTO GUZZI V9 ROAMER | ||
| ||
POINTS FAIBLES MOTO GUZZI V9 ROAMER | ||
| ||
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.