Nouveau look tranché, aspects pratiques améliorés, bicylindre de 689 cc aux normes Euro5 : la Tracer 700 évolue pour confirmer son succès chez les "petits" trails routiers. Mais la nouveauté Yamaha et sa rivale BMW F750 GS ont-elles les aptitudes nécessaires pour incarner la moto à tout (bien) faire ? Duel MNC.
Une seule moto, plusieurs possibilités à un prix raisonnable : la Tracer 700 s'inscrit depuis 2016 dans ce registre de moto polyvalente et accessible, sans négliger les sensations grâce son joyeux bicylindre et son poids contenu de 196 kg. Normal, puisque la Yamaha est en réalité un roadster MT-07 avec un semi-carénage, un grand guidon et quelques aménagements routiers !
Ce "petit" trail-GT - qui cube tout de même 689 cc - connaît sa première refonte Euro5 : son twin vertical satisfait aux nouvelles normes via un travail sur l'injection et l'échappement, tandis que sa transmission est raccourcie pour booster ses relances et pallier la légère baisse de puissance (73,4 ch contre 74,8 ch en 2019, couple identique à 68 Nm).
La Yamaha étrenne aussi - surtout ? - un nouveau look particulièrement audacieux avec ses phares à LED en amande et deux optiques lenticulaires, façon YZF-R1. Autres modifications : sa selle désormais d'un seul tenant s'épaissit (+5 mm), son guidon s'élargit (+34 mm), son instrumentation LCD - en blanc sur fond noir - se commande à la main gauche et sa nouvelle bulle s'élève sans outils sur 64 mm. A cela s'ajoutent de nouveaux tarages de suspensions visant à obtenir une rigueur qui faisait parfois défaut sur la précédente.
La F750 GS justifie davantage son appellation "trail" avec sa roue de 19 pouces (17 sur la Yamaha), son pratique porte-paquets de série et son large guidon (85 cm Vs 79). Plus sophistiquée, elle reçoit d'origine un antipatinage, un accélérateur électronique et deux cartographies (Rain et Road) qui influent sur le répondant de son bicylindre en ligne de 853 cc (164 cc de plus que la Tracer) conçu en allemagne mais assemblé en Chine par Loncin.
Bonne nouvelle : BMW installe désormais de série le superbe tableau de bord TFT couleurs de 6,5 pouces avec connexion Bluetooth et guidage GPS via une application dédiée, qui était en option quand MNC l'avait découverte au printemps 2018 (vidéo MNC ci-dessous). Mauvaise nouvelle : ce n'est pas un "cadeau de la maison" puisque son prix est passé de 9650 à 10 470 euros sur la même période, sans autre évolution !
Le prix de la Yamaha augmente également, mais pas dans les mêmes proportions : de 8399 euros à sa sortie en 2016 à 8799 euros aujourd'hui. L'une comme l'autre sont en tout cas légitimes pour briguer le titre de "moto à tout bien faire" : celles qui se font oublier sur les trajets "boulot-dodo" mais qui donnent le sourire lors des escapades "virolos-à-gogo". Pantoufles la semaine et baskets le week-end, en somme !
L'ergonomie de ces deux motos diffère assez notablement : la Tracer 700 est une moto étroite et courte (1460 mm d'empattement contre 1559), tandis que son guidon large et relevé semble fixé directement au-dessus de l'axe de sa roue en 120 mm (110 sur BMW). Son ADN de roadster reste palpable !
A l'inverse, la F750 GS exige de tendre davantage les bras pour saisir le guidon, tandis que son réservoir de faible capacité (15 litres contre 17 pour la Yam') écarte significativement les cuisses. En comparaison avec sa fluette rivale japonaise, la moto d'outre-Rhin paraît massive et longue.
La BMW évoque en fait une "grosse" moto quand la Yamaha présente la compacité d'une moyenne cylindrée, constat qui profite à l'accessibilité : on touche aisément le sol de chaque côté sur la Tracer 700, malgré sa selle pourtant plus haute (840 mm contre 815). L'allemande, plus large à l'entre-cuisse, met moins à l'aise les pilotes de moins d'1,75 m.
En contrepartie, l'espace à bord est vaste sur la F750GS et tous les gabarits trouvent leur place. Ce n'est pas le cas sur la Tracer 700 : la posture est plus "regroupée", presque trop pour un pilote d'1,80 m et plus. La faute à sa selle plus creusée et surtout à ses reposes-pieds assez hauts et reculés, qui engendrent un important repli des jambes. Sur la BMW, les pieds sont confortablement placés dans l'axe du buste.
Sur longue distance, la Yamaha prend néanmoins l'ascendant en grande partie grâce à sa nouvelle selle qui concilie à merveille moelleux et maintien : l'un de nos essayeurs a roulé 3h30 d'une seule traite sans douleurs ni gênes. Et ce sur des routes pas spécialement bien revêtues et avec un lourd sac à dos sur ses épaules... faute de pouvoir l'arrimer sur le porte-bagages proposé en option !
La BMW fait moins bien avec sa selle plutôt ferme, sans se montrer inconfortable pour autant. Elle compense par ailleurs sa moindre épaisseur de rembourrage par l'absorption infiniment plus douce de son amortissement : les nouveaux réglages d'amortisseur de la Yamaha lui confèrent effectivement des réactions sèches, voire cassantes, sur des successions de petites irrégularités.
La Tracer 700 fait également valoir sa nouvelle bulle, dont le nouveau mécanisme de réglage - via une poignée - est simplissime à utiliser d'une seule main en roulant. Dommage que le pare-brise soit trop court pour offrir la protection espérée : la déflexion en position basse s'arrête au buste et au cou, soit finalement à peine mieux que le saut de vent façon "string" de la F750GS. Un comble !
L'avantage est plus marqué en position haute sur la Yamaha, mais reste insuffisant pour affronter sereinement les voies rapides : seule la mentonnière du casque d'un pilote d'1,75 m est à l'abri, soit un tiers du visage. Par ailleurs, le format étroit et échancré de la bulle japonaise laisse les épaules exposées : MNC en a fait l'amer constat sous la pluie… La BMW fait sans surprise encore pire sur ce point.
Les protège-mains de la Tracer 700 - très esthétiques - ne sont guère plus convaincants : pas assez enveloppants et fixés trop bas, ils laissent exposés le dessus des mains. Toujours mieux que sur la F750GS avec ses pare-mains en option : vous avez dit "trail", vraiment ?!
Concernant le bas du corps, ces deux trails-GT font jeu égal : leurs carénages dissimulent une partie des jambes, mais pas suffisamment pour repousser une averse. L'extérieur des genoux, les pieds et les tibias sont en première ligne face aux intempéries et au froid : un rien décevant pour ces motos à vocation baladeuse (voir la liste des aspects pratiques en page 2).
La disponibilité mécanique de la F750 GS est satisfaisante : le bloc calé à 270° reprend à 1750 tr/mn sur les premiers rapports sans rechigner, mais se montre moins conciliant sur les vitesses supérieures. Circuler en quatrième à 50 km/h à 2000 tr/mn en agglomération est à sa portée, mais pas plus : la Yamaha, elle, fait la même chose... en sixième !
La BMW est non seulement un peu moins disponible, mais surtout moins alerte : malgré sa cylindrée, le CP2 de la Tracer 700 jouit d'un répondant immédiat incroyablement vif entre 3000 à 5000 tr/mn ! Bien vu Yamaha d'avoir ajouté deux dents à la couronne, comme sur la Ténéré 700 qui partage ce même moteur de MT-07.
Aux régimes usuels, la légère Yamaha (196 kg) distance largement la plus lourde BMW (224 kg) du second au quatrième rapport malgré son couple en retrait (68 Nm contre 83). La donne s'inverse entre 5000 et 7000 tr/mn, quand le "gros" twin assemblé par Loncin se décide finalement à faire parler la poudre alors que la fougue de la Yamaha décroît.
La Tracer 700 donne tout à bas et mi-régimes - avec un panache stupéfiant ! -, puis commence à baisser le pavillon vers 8000 tr/mn. L'allemande fait exactement l'inverse : moyennement fougueuse sous les 5000 tr/mn, elle délivre ensuite une robuste poussée vers l'avant presque sportive, façon coup de pied au cul. Un comportement à deux visages récréatif dans les tours, mais assez décalé par rapport à sa cylindrée et sa vocation routière.
A noter que la BMW remporte néanmoins notre test de reprise à 90 km/h en sixième grâce à sa boîte mieux étagée, qui comble son allonge limitée à 9000 tr/mn (10 500 tr/mn sur la Tracer 700). En revanche, sa sélection rugueuse ne facilite pas la tâche du shifter bi-directionnel installé en option. Celle de la Yamaha, pourtant pas exceptionnelle de douceur, est nettement plus agréable.
Au chapitre des vibrations, la Yamaha en distille de légères sous les fesses à 5000 tr/mn, mais très supportables au regard de celles de sa rivale : la F750GS chatouille méchamment la selle, le guidon et les repose-pieds dès 4500 tr/mn ! A hauts régimes, malgré les deux balanciers d'équilibrage, l'image renvoyée par les rétroviseurs est sérieusement troublée par ces trépidations.
La Yam' dispose également d'un ensemble "injection-transmission" plus doux, bien utile pour circuler souplement en ville et réaliser des manoeuvres sans à-coups. Notons que les deux motos sont à transmission par chaîne... mais que leurs béquilles centrales sont pourtant en option !
La sonorité est aussi à l'avantage de la Yamaha, plus entraînante avec son joyeux tempo saccadé qui s'accompagne d'un râle enjoué dans les tours. Les pétarades étouffées et monotones de la BMW évoquent à l'inverse une moto utilitaire : pas très valorisant.
28 kg séparent les deux motos… A cela s'ajoutent l'amortisseur de direction de la BMW, sa roue de 19 pouces et sa géométrie plus sage, qui brident la réactivité de son train avant. Pas besoin de vous faire un dessin : la F750 GS est incomparablement moins maniable que la Tracer 700 !
L'allemande demande de l'investissement physique moteur coupé et à faible allure alors que la japonaise se déplace sans effort. La Tracer 700 plonge en courbe mais la F750GS doit y être poussée ! Sa direction paraît collante, un rien pataude : il faut aussi y voir le revers de sa prise de poids de 12 kg par rapport à l'ancienne F700 GS, essentiellement dus au passage de l'alu à l'acier pour son cadre tubulaire.
La F750GS, moins rigolote et joueuse, abat cependant les kilomètres avec beaucoup de rigueur et de confort, bien aidée par son amortissement ô combien supérieur à celui de la Tracer 700. Un aspect important sur ce genre de motos destinées à s'acquitter de toutes les tâches !
Yamaha a forcé la mesure en rigidifiant sa nouveauté pour améliorer sa suspension jugée mollassonne. Résultats : la Tracer 700 est certes mieux campée sur son ressort, mais manifeste en contrepartie moins de progressivité. Par ailleurs, cet arrière durcifié manque de cohésion avec la fourche restée très souple : à la clé, des transferts d'assiette mal maîtrisés au freinage.
En résumé, la Tracer 700 2020 manque de finesse à l'arrière et de retenue sur l'avant. Par ailleurs, en conduite rapide, son train arrière tend à résister aux changements d'angle en raison du caractère trop "figé" de sa suspension. De fins réglages sur sa détente et sa précharge sont à prévoir pour espérer trouver le juste compromis entre confort et rigueur, qui a échappé à Yamaha...
A la fois onctueuses et rigoureuses, les suspensions de la BMW balaient tous les obstacles avec facilité et efficacité. Comme imperméable aux aléas du bitume, la F750GS est stable, confortable et prévenante : elle s'impose pour les longues distances d'autant qu'elle gère à la perfection les transferts de masses. Une vraie "GS", en somme !
Son grand écart en matière de polyvalence "suspentionnelle" (oui, ça n'existe pas mais c'est parlant !) est encore plus bluffant avec son amortissement piloté par électronique ESA en option, qui permet de faire varier la précharge au guidon et d'offrir un maintien hydraulique différent selon le mode engagé (Road ou Dynamic).
Seul bémol sur la F750GS : sa garde au sol limitée pour un trail, avec des repose-pieds qui entrent vite au contact du bitume. Gare à ne pas trop insister au risque de faire levier sur un point dur comme la béquille centrale, le sélecteur ou la pédale de frein... Expérience vécue par MNC (voir étincelles ci-dessus) : coup de flip assuré ! Sa rivale se joue de cette contrainte avec ses repose-pieds typés roadster.
Incontestablement plus fun et sportive, la Yamaha enfonce le clou avec son freinage plus performant : ses étriers 4-pistons offrent plus de mordant que les Brembo à 2-pistons de la BMW, qu'il faut actionner fermement pour obtenir une puissance comparable. L'étrier arrière Yamaha est également fin et performant, à l'opposé de la BMW qui est spongieux et feignant.
Sur la BMW, on regrette une visserie moteur bas de gamme, des fils apparents dans le cockpit ou la bonbonne de suspension posée sans grâce au dessus du repose pied arrière. Par ailleurs, son nuancier est très limité et triste : blanc de série, jaune ou gris en option !
Ses valves coudées et durit tressées élèvent néanmoins le niveau, tout comme ses leviers réglables et son coffre assez vaste pour loger un antivol en U de petite taille. Sans parler de son instrumentation en couleurs à la fois valorisante, lisible et simple à commander via la molette sur le commodo gauche. Un must !
La Yamaha souffle aussi le chaud et le froid : elle expose quelques câbles ici et là, notamment sous ses optiques lenticulaires. Ses commodos sont basiques et la nouvelle plaque polie sur son collecteur n'est pas spécialement élégante… Son coffre ne révèle par ailleurs aucun espace et un petit cache sur sa commande d'injection ne serait pas du luxe.
Sa nouvelle barre de renfort au guidon - en plastique - apporte en revanche une touche "baroudeur" en plus d'offrir un point de fixation pour GPS, tandis que l'oeil apprécie ses disques pétales et son bras oscillant évidé à droite.
Les deux font l'impasse sur le sabot moteur, mais la BMW offre au moins la possibilité de désactiver son antipatinage et surtout son ABS pour des escapades off-road. En matière de tout-terrain, le "roadstrail" Yamaha et son ABS non débrayable est loin d'égaler sa "cousine" Ténéré 700 !
La Tracer 700 réunit de nombreux arguments favorables pour perpétuer son succès en 2020 et continuer à dominer le segment des trails routiers polyvalents (1209 immatriculations en 2019 contre 995 pour la F750GS). Sa simplicité de prise en mains, sa polyvalence et sa joie de vivre mécanique lui assurent la victoire face à sa rivale allemande.
La BMW lui oppose cependant une meilleure cohésion d'amortissement et une position de conduite moins contraignante sur longue distance, surtout pour les grands gabarits. La F750GS souffre au final de trois handicaps : son inexcusable absence de protection, son prix élevé (10 490 € contre 8799 €) et son comportement certes efficace mais effacé.
La comparaison avec la ludique Yamaha est saisissante, tant au niveau mécanique que dynamique. La F750GS est rigoureuse mais pas fun, alors que la Tracer 700 est rigolote mais insuffisament convaincante sur le plan de l'amortissement. Les deux partagent en tout cas un appétit de moineau : 4,76 à 5,09 l/100 km sur la BMW mesurés par MNC, contre 4,38 à 5,51 l/100 km sur la Yamaha. Qui dit mieux ?!
MNC regrette toutefois qu'aucune d'entre elles ne remplisse totalement le cahier des charges de la moto à tout bien faire : la Tracer 700 s'en approche de très près, surtout à ce prix, mais il lui manque une bulle plus généreuse, un vrai coffre et surtout des suspensions mieux coordonnées. Son moteur fantastique n'excuse pas tout !
Quant à la BMW, outre les remarques exprimées ci-dessus, son prix constitue un sérieux frein : la moto "full options" testée ici frôle les 14 000 euros (13 830 €) et fait pourtant l'impasse sur un pare-brise digne de ce nom. En définitive, feu les Honda CBF600S et autres Bandit 650S en proposaient autant - voire plus - pour moins cher, avant que les roadsters semi-carénés ne soient remplacés par les trails-GT.
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS BMW F750GS | ||
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POINTS FAIBLES BMW F750GS | ||
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POINTS FORTS YAMAHA TRACER 700 | ||
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POINTS FAIBLES YAMAHA TRACER 700 | ||
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