Au royaume des impératrices de la route, la BMW R1200RT et la Yamaha FJR1300 comptent parmi les plus souveraines des motos. En 2014, chacune fourbit et modernise méchamment ses armes pour régner. MNC les oppose dans un duel de tsars... Essai comparatif.
Malgré une hauteur de selle et une contenance de réservoir similaires (25 litres), l'accessibilité diffère grandement entre la FJR1300 et la R1200RT. Copieusement évidés, les flancs de réservoir de la BMW écartent déjà nettement moins les jambes, l'arcade qui en découle restant étonnamment contenue au vu de ses mensurations.
Un pilote d'1m75 pose ainsi les semelles de ses bottes à plat, tandis qu'il lui sera impossible d'être aussi solidement campé sur ses pieds avec la Yamaha. Signalons au passage que la hauteur d'assise varie facilement de 805 à 825 mm sur les deux motos, par l'intermédiaire de cales. Une possibilité dont on use volontiers sur la BMW afin de diminuer le repli imposé aux (grandes) jambes, plus prononcé que sur la FJR1300 à position de selle équivalente.
Positionné plus en avant et moins large (73 cm mesurés contre 80 pour la BMW), le guidon de la Yamaha occasionne une posture un peu plus inclinée que sur l'allemande. Pour autant, pas de quoi cataloguer la FJR1300AE au rayon "Sport-GT" : la position reste détendue - bras à l'horizontale et jambes à peine fléchies - et incite à enquiller de la borne !
Plus moelleuses, les selles de la R1200RT offrent un accueil digne d'un sofa au pilote et à son invité. La mousse de ses assises fait penser à celles utilisées dans les matelas haut de gamme à mémoire de forme, qui épousent parfaitement chaque contour de l'anatomie. Les passagers de la routière d'outre-Rhin goûteront aussi ses poignées de maintien plus faciles à appréhender, car offrant plus d'espace pour y glisser ses mains. Surtout avec de gros gants d'hiver !
De l'onctuosité, la FJR1300 AE en dispose aussi d'une sacré réserve, notamment au niveau de son moteur. Son 4-cylindres en ligne de 1298 cc est un véritable régal d'agrément, capable de descendre à 1000 tr/mn sur le cinquième et dernier rapport - soit à 30 km/h - sans émettre le moindre hoquet. Mieux : il repart ensuite en émettant un profond râle typique des gros "4-pattes" !
Sa transmission par cardan dévoile cependant les limites de sa transparence lorsqu'on flirte autant avec les sous-régimes, en délivrant quelques petits claquements réprobateurs. Sur la BMW, le Boxer de 1170 cc se montre - sans surprise - un peu plus "rugueux" en bas du compte-tours.
Pourtant, sa disponibilité impressionne pour un bicylindre puisqu'il peut descendre juste au-dessus de 1500 tr/mn en sixième, soit à 55 km/h. Assurément, les modifications moteur effectuées par rapport à la R1200GS lui offrent une élasticité et une "rondeur" supérieures. Son échappement spécifique lui confère en outre une sonorité plus reposante que sur le maxi-trail, car son accent rocailleux est plus feutré.
Quels que soient le régime ou les contraintes, aucun bruit ne s'échappe de sa transmission acatène. Son excellent rayon de braquage (5m38 mesurés pour faire demi-tour contre 6m07 pour la Yam') et sa commande d'embrayage incomparablement plus douce que celle de la FJR1300 AE facilitent la prise en mains de la R1200RT.
Ce sentiment de facilité générale - un peu moins prononcé que sur l'ancienne RT selon certains de nos essayeurs - est renforcé par sa stupéfiante maniabilité au regard de sa masse. Malgré ses 274 kg (15 kg de plus que l'ancien modèle), la routière BMW possède un degré d'aisance auquel ne peut prétendre la FJR1300 AE.
Plus lourde (292 kg tous pleins faits annoncés), la Yamaha demande plus d'efforts pour s'inscrire en courbe, sa direction tendant de plus à légèrement tomber à basse vitesse. La faute, bien sûr, à son surcroît de poids, mais aussi à son empattement plus élevé (1545 mm contre 1485 mm). Surtout, c'est du côté de son centre de gravité situé plus haut qu'il faut chercher les raisons de cette maniabilité en retrait.
Sur ce point précis, sa rivale profite de son architecture moteur (cylindres à plat) qui permet d'abaisser les masses et de mieux les répartir. D'où l'équilibre quasi parfait de la R1200RT, sur laquelle toutes les manoeuvres et les changements de direction sont plus évidents et plus fluides qu'au guidon de la FJR1300 AE.
Dynamique : la BMW cache mieux ses kilos !
Tant en agglomération qu'en balade, MNC a préféré utiliser les cartographies d'injection plus "tranquilles" ("Road" sur la BMW, "Touring" sur la Yamaha), en opposition avec les modes "Dynamic" sur la R1200RT et "Sport" sur la FJR1300 AE. La réponse à l'accélérateur y est plus douce, totalement dépourvue d'à-coups, ce qui n'est pas tout à fait le cas avec leur "mapping" réservé à une conduite moins enroulée.
Sollicitées en conduite apaisée puis dans leurs derniers retranchements, les deux motos impressionnent par leur efficacité générale. Nonobstant leurs allures imposantes, la BMW comme la Yamaha passent très facilement d'un virage à l'autre, avec une précision et une vivacité insoupçonnées de prime abord.
Profitant de son train avant neutre et plus facile à placer, la R1200RT prend d'emblée la tête des opérations, puis la conserve grâce à sa partie cycle plus rigoureuse. Réglées en mode "Hard", ses suspensions électroniques assurent un travail remarquable, absorbant les contraintes tout en réduisant de manière significative les transferts de masses à l'accélération et au freinage.
L'écart de comportement avec son mode "Soft" est tout simplement bluffant ! On passe d'une moto souple d'amortissement - presque trop à l'arrière -, sur laquelle les irrégularités du bitume n'ont absolument aucune prise, à une machine nettement plus rigide, capable de virer d'un bloc sans pratiquement aucun mouvement de suspensions.
Et ce même en essorant la poignée droite avec encore beaucoup de vitesse et d'angle en sortie de courbes, sa garde au sol beaucoup plus élevée que celle de Yamaha lui autorisant un angle d'inclinaison impressionnant !
La Yamaha FJR1300 AE profite pourtant elle aussi d'excellentes suspensions, sur lesquelles l'électronique a par ailleurs une influence positive. Quelques manipulations permettent d'affermir sa précontrainte, puis d'ajuster sur plusieurs niveaux (de -3 à +3) la détente et la compression. Au gré des envies, il est ainsi possible de passer d'un compromis orienté confort à un comportement beaucoup plus dynamique. Merci l'électronique !
Mais même réglé au plus dur, son amortisseur arrière n'a pas une courbe d'enfoncement aussi progressive que celui de la BMW, ce qui se traduit par des "dandinements" de sa poupe lors de fortes contraintes. De surcroît, sa direction se verrouille lorsque le levier droit est actionné en courbe, tandis que son inertie mécanique supérieure tend à pousser l'équipage vers l'extérieur.
Grâce à sa suspension avant Telelever, la R1200RT est pratiquement insensible à la prise du frein avant sur l'angle. Et c'est tant mieux, dans la mesure où son élément arrière n'est parfois pas suffisant pour remettre à lui seul les presque trois quintaux sur le droit chemin ! Couplé avec l'arrière, le dispositif avant offre de son côté une puissance colossale et un maniement exquis.
Tout aussi puissant mais moins évident à doser, le frein avant de la FJR1300 AE autorise lui aussi des ralentissements "trappeurs approved". Bonne nouvelle : son ABS finalement calibré (idem sur la BMW) entre rarement - et discrètement - en action. Contrairement à sa rivale d'outre-Rhin, la Yamaha propose un couplage allant de l'arrière vers l'avant qui se révèle très efficace. Dans les enchaînements ou en ville, on la conduit souvent "au pied" sans actionner le levier droit.
En termes de motricité enfin, le grip offert par leur pneu arrière de 180 mm de large (Michelin Pilot Road 4 sur la BMW, Bridgestone BT-023 sur la Yamaha) est très difficile à prendre en défaut. Par conséquent, leurs contrôles de traction respectifs ne se déclenchent qu'à de rares occasions, essentiellement sur des bitumes glissants ou mouillés.
Sur ce type de revêtements, MNC a apprécié la douceur rassurante du système de la FJR1300 AE et son caractère peu intrusif : la centrale laisse patiner la roue une fraction de seconde avant de réguler l'arrivée de puissance via l'injection ou l'allumage. Sur la R1200RT, le dispositif manque de transparence en intervenant de manière plus préventive et plus brutale, sans laisser passer la moindre dérobade.
Il est vrai aussi que ce contrôle de motricité a tout intérêt à se montrer réactif tant le "flotte-twin" délivre de fortes accélérations, même en version française ! Méchamment bridée (146 ch et 134,4 Nm en Full contre 125 ch et 125 Nm pour la BMW), la FJR1300 AE ne peut que s'incliner lors de nos tests de reprise, surtout sur les derniers rapports.
Et la "boîte cinq" de la Yamaha ne peut être tenue comme seule responsable de cet écart de performances, puisqu'à 130 km/h la BMW tourne juste en dessous de 4500 tr/mn en sixième, alors que la Yamaha est juste au-dessus de 4000 tours sur son dernier rapport.
Très alerte mécaniquement parlant, la BMW se propulse avec vigueur dès le premier tiers de compte-tours, alors que la Yamaha attend environ 4000 tr/mn pour délivrer une réplique d'intensité égale. Mais tandis que la R1200RT continue à accélérer avec force passé le cap des 6000 tr/mn, la FJR1300 AE franco-française "s'essouffle" à ce régime à cause de son bridage.
Son accélération se lisse au fur et à mesure que l'aiguille s'approche de sa rupture d'allumage (9500 tr/mn), invitant à passer le rapport suivant pour replonger dans sa zone de couple maxi. Dommage, tant il est perceptible que le 4-cylindres a envie de continuer à exprimer toute sa force tranquille...
Verdict : la reine conserve sa couronne !
Malgré une belle opposition de la FJR1300 AE, la R1200RT 2014 sort gagnante de ce nouveau duel MNC : la BMW se montre plus polyvalente, plus confortable et plus dynamique que la Yamaha, et la distance aussi au chapitre de la protection.
En position haute, la bulle électrique de la R1200RT dresse un rempart pratiquement infranchissable derrière lequel sont abrités l'intégralité du casque, du buste et des épaules. En bas, le Boxer et les panneaux latéraux s'occupent avec la même efficacité des membres inférieurs. Plus fort encore : son énorme tête de fourche intègre des déflecteurs transparents qui protègent les avant-bras d'une bonne partie de l'air et de l'eau (testé et approuvé par MNC sous la pluie).
Malgré une excellente prestation dans ce domaine, la FJR1300 AE n'atteint pas ce niveau de protection "motaumobilesque", même avec la bulle plus haute de 103 mm par rapport à l'origine (en option à 235 euros) et les déflecteurs de pieds tout aussi optionnels (249 euros) comme sur le modèle testé ici.
En option justement, la R1200RT enfonce le clou en satisfaisant à pratiquement toutes les demandes, des plus "traditionnelles" (selles chauffantes, installation sono, indicateur de pression pneus) aux plus "futuristes" comme son assistant au démarrage en côte ou son shifter permettant de monter ET descendre les rapports sans débrayer. Autant d'équipements absents du catalogue d'accessoires Yamaha...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS BMW R1200RT | ||
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POINTS FAIBLES BMW R1200RT | ||
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POINTS FORTS YAMAHA FJR1300AE | ||
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POINTS FAIBLES YAMAHA FJR1300AE | ||
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