MNC a participé à un événement organisé par KTM en Thaïlande autour de sa gamme Duke. L'occasion de mesurer la route parcourue depuis la 620 de 1994 à la bestiale 1290R, en passant par les 125, 200 et 390 fabriquées par son partenaire indien Bajaj.
Au début des années 90, KTM décide d'investir le segment de la moto de route pour diversifier son offre et élargir sa cible. Un pari audacieux pour la société Kronreif Trunkenpolz Mattighofen (KTM), orientée tout-terrain depuis le premier prototype conçu par son fondateur Hanz Trunkenpolz en 1953, la R100 (lire notre Historique détaillé de KTM)...
Vouloir sortir des sentiers (en terre) battus était en effet une démarche sensée stratégiquement parlant, mais très risquée et couteuse dans la mesure où elle impliquait de partir d'une feuille blanche face aux géants japonais et des marques européennes expérimentées, comme le "voisin" BMW.
KTM a souhaité éviter d'attaquer frontalement ses rivaux avec des produits similaires, conscient qu'il lui serait à ce stade difficile - voire impossible - de soutenir la comparaison techniquement et financièrement parlant. Triumph en fera l'amère expérience une dizaine d'années plus tard en investissant l'un des prés carrés des constructeurs nippons, les Superports 4-cylindres, avec sa TT600...
Notre vidéo en direct de Thaïlande |
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La marque de Mattighofen opte donc pour une approche détournée, basée sur ses énormes compétences acquises en tout-terrain sur l'architecture monocylindre. Les grandes lignes de son projet s'articuleront autour de son expertise du "mono", mais aussi sur son savoir-faire concernant les suspensions à grand débattement et les cadres treillis acier.
Baptisé "Terminator" en interne (croquis en noir et blanc ci-dessus), le premier prototype conçu en 1992 exhibe ainsi un monocylindre dérivé des modèles d'enduro, des jantes de 17 pouces, un disque de frein avant de 300 mm ainsi qu'une fourche et un amortisseur "XXL". Il s'agit en réalité d'une moto typée supemotard, soit un modèle tout-terrain modifié pour s'adapter à la route.
Le design agressif et taillé à la serpe de cette moto est signé Gerald Kiska, jeune designer autrichien qui "croque" depuis toutes les motos de la marque Orange. Deux semaines avant de révéler publiquement ce proto, KTM décide de le nommer "Duke", en l'honneur du sextuple champion du monde britannique Geoff Duke (4 titres en GP500 et 2 en 350 entre 1951 et 1955).
Fin 1994, la 620 Duke (ci-dessus) entre en production : son moteur "LC4" cube 609cc et développe 50 ch, ce qui en fait l'un des monocylindres les plus puissants du marché. La partie cycle est à l'avenant avec des suspensions de qualité White Power (WP), un disque de 320 mm pincé par un étrier avant Brembo 4-pistons et un poids contenu à 143 kg.
500 modèles seront construits, dont 50 équipés d'une version de 400 cc du LC4. La 620 Duke recevra plusieurs évolutions au fil des années (dont un précieux démarreur électrique en 1996 !) et cédera la place à la "Duke 2" en 1998. Plus puissante, la deuxième version conserve tous les attributs appréciés sur sa devancière et cube désormais 640 cc. 4000 exemplaires sortiront des chaînes autrichiennes.
De la Duke à la Super Duke
Conscient du champ d'action "mécaniquement" restreint de sa Duke, KTM planche sur une moto plus polyvalente, typée roadster, qui ne reniera pas ses fondamentaux ni sa devise "Ready to Race" (prêt à courir).
Ce projet se concrétisera en 2005 avec la Super Duke, une machine racée et sportive mue par un bicylindre en V à 75° à carburateurs. Performant mais gourmand, ce moteur dérivé de l'inédit LC8 de 942cc a été étrenné juste avant sur la 950 Supermoto et la 950 Adventure, premier trail routier de la marque autrichienne qui étoffe petit à petit son offre routière.
Aussi efficace dans le sinueux qu'exigeante au quotidien, la Super Duke reçoit le désormais "traditionnel" cadre treillis tubulaire renforcé au chrome molybdène et des composants luxueux et sportifs (freins Brembo, suspensions WP). KTM l'assagit en améliorant sa protection mais aussi sa stabilité, via une colonne de direction plus ouverte.
Le LC8 passe ensuite à l'injection et développe 120 ch grâce à un réalésage (999,7 cc), tandis qu'un réservoir plus gros (18,5 l) est installé en 2007. Autant de modifications qui résolvent en partie son plus gros défaut : une autonomie ridicule (moins de 150 km).
Cette Orange bien sanguine se doublera d'une version plus haut de gamme "R", avec suspensions et freins de qualité supérieure et assiette basculée sur l'avant (lire notre Essai MNC sur circuit)
La Duke à la sauce indienne
KTM aurait pu en rester là et continuer à produire des motos toujours plus sensationnelles, radicales et tranchées. Mais Stefan Pierrer, PDG de la marque, est conscient des limites de l'exclusivité de sa gamme : beaucoup de motards salivent devant les Duke, mais finalement assez peu acceptent de vivre avec...
Le big boss autrichien cède alors des parts de sa société au géant indien Bajaj (46% à ce jour, selon nos informations). Outre l'injection bienvenue de capitaux frais, l'intérêt principal de ce partenariat réside dans l'accès aux coûts de fabrication locaux, ou plutôt "low cost", proposés par Bajaj.
KTM en profite pour lancer en 2011 sa première moto de grande diffusion : la 125 Duke. Conçue en Autriche mais fabriquée en Inde, cette "mini-Duke" reste fidèle à l'esprit de la marque et arbore des composants de qualités (notamment un étrier de frein radial Bybre, filiale indienne de Brembo). Le tout pour un tarif très bien placé grâce au(x) coup(ts) de main (d'oeuvre) de Bajaj.
Le succès est immédiatement au rendez-vous et les ventes décollent, à la fois en Europe (meilleure vente 125 en 2014) et dans les pays émergents. KTM dépasse pour la première fois de son histoire le cap des 100 000 ventes sur l'exercice 2012-2013 : 40 ans avant, en 1992, la production ne dépassait pas les 7000 unités (6976). Sacrée évolution !
2012 marque aussi l'introduction de la quatrième génération de la Duke, dont le monocylindre de 690 cc développe la bagatelle de 68 ch et même 70 ch en version R. Une arme dans le sinueux, typiquement dans l'esprit Katoche ! La même année, la collaboration avec Bajaj débouche sur un second modèle : la 200 Duke, conçue sur la base moteur et châssis que la 125.
Comme de nombreux autres constructeurs (auto et moto), KTM a saisi tout l'intérêt du partage de plateforme et le prouve en 2013 avec la dernière-née de cette alliance "austro-indienne" : la 390 Duke. La "plus grosse des petites Duke" séduit par son look, son équipement (entre autres l'ABS Bosch de série désormais inclus sur toute la gamme) et ses performances étonnantes dues à son excellent rapport poids-puissance (139 kg pour 44 ch).
Encore une fois, le succès est au rendez-vous (meilleure vente KTM dans le monde) et la 390 Duke booste la croissance continue de la marque de Mattighofen : en 2014, KTM bat tous ses records avec 158 780 unités produites dont 16 337 Husqvarna (lire notre Analyse de l'exercice 2014 KTM).
Grâce à ces résultats, la marque Orange consolide son statut de premier constructeur moto européen devant l'éternel rival, BMW. Une réussite dont les Autrichiens ne sont pas peu fiers, même si leur trail routier 1190 Adventure ne parvient pas (encore ?) à éclipser la référence R1200GS.
Plus important encore : 20 ans après avoir décidé de "prendre la route", KTM a pour la première fois de son histoire écoulé plus de motos de route que de tout-terrain en 2014. Une (r)évolution en forme de consécration pour Katoche, ravi de montrer à tous la pertinence de ses choix.
Huit roadsters Duke en 2015 et une MotoGP en 2017...
Le plus impressionnant est que la marque reste parallèlement aussi compétitive en tout-terrain, avec les principaux titres en cross et en enduro ainsi qu'une 14ème victoire consécutive au Dakar 2015 pour le prouver. Toujours aussi investie dans le off road, KTM performe en deux comme en quatre-temps, mais aussi en électrique grâce à la Freeride E. Plutôt large, comme éventail de compétences !
Désormais devenu l'un des "Duke" du bitume, KTM s'appuie - comme en TT - sur la compétition pour assoir la notoriété de sa gamme routière. Logique, compte tenu de son crédo "Ready to Race" ! Deuxième du championnatMoto3 en 2014, la marque Orange intègrera aussi le MotoGP en 2017avec la RC16, prototype à moteur V4 et cadre treillis dont une commercialisation sous forme de luxueuse "réplica" est prévue peu après.
En attendant, KTM poursuit le développement de son emblématique gamme Duke, celle avec laquelle tout a commencé en 1994 et qui compte à ce jour six modèles différents (en incluant la version R de la 690). Avec en tête d'affiche la récente et bestiale 1290 Super Duke R, roadster de tous les superlatifs développant 180 ch et 144 Nm de couple...
Des motos que MNC a brièvement redécouvertes sur des petites routes et un circuit thaïlandais, dans le cadre de l'événement "Just Duke it" organisé par KTM. En page suivante, retrouvez les améliorations apportées sur la gamme 2015 et nos impressions, notamment celles concernant une sulfureuse version "Race" de la 1290 Super Duke R crachant 192 ch... Enjoy !
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