Avec son inédit Scrambler, Ducati plonge à son tour dans le passé afin de profiter du courant vintage, en ajoutant aux charmes des motos rétros le dynamisme offert par quelques solutions modernes. De quoi inquiéter l'indémodable Triumph Scrambler ? Duel.
A l'instar de BMW avec sa R nineT, Ducati investit avec son Scrambler le segment vintage en associant lignes anciennes et technologies récentes. Avec le même objectif : offrir un retour à l'essentiel de la moto et aux plaisirs basiques ressentis guidon en mains.
Bien qu'étroitement liée au passé, la démarche ne consiste donc pas à faire vivre - ou revivre - des classiques, comme le font notamment Moto Guzzi avec V7, Triumph avec sa Bonneville ou Kawasaki avec sa W800. Visuellement et techniquement, le Scrambler 2015 se veut l'extrapolation moderne du modèle éponyme produit par Ducati de 1962 à 1974, et non sa réplique.
Certes, les deux générations de Scrambler ont en commun des pneus à pavés, un guidon large et relevé, un long réservoir habillé d'écopes métallisées, un phare rond et la distribution desmodromique caractéristique des mécaniques de Bologne. Mais les similitudes s'arrêtent là.
Sans compter que la dernière née "recycle" le bicylindre refroidi par air de 803 cc des - pas si - anciens Monster et Hypermotard 796, alors que son aïeule était entraînée par un mono décliné en 250, 350 puis 450 cc. Dans ces conditions, la mention "Born Free 1962" (né libre 1962) gravée sur le cache-serrure du bouchon de réservoir de la nouveauté 2015 évoque plus l'artifice marketing qu'un véritable lien de parenté avec l'original...
La scission générationnelle s'intensifie en détaillant sur le Scrambler 2015 son moderne bras oscillant courbé en alu et sa fourche inversée de 41 mm d'allure sportive - bien que non réglable. Ses sophistiqués feux de position à LED à l'avant, son instrumentation digitale avec commande au guidon et son support de plaque déporté façon Diavel sont autant d'éléments qui l'ancrent définitivement dans le présent.
Et si la roue avant de 18 pouces et le simple disque de frein font effectivement "vintage" (chez Ducati en tout cas), l'étrier de frein à montage radial Brembo et l'ABS - de série et désactivable - n'ont rien de "has been" ! Pas plus que la pratique prise USB située sous la selle, où un bloque-disque peut se glisser aux côtés d'une jolie trousse à outils en tissu marquée "Scrambler".
La grande (et attirante) illusion
Visuellement, l'ensemble est plaisant à contempler et plutôt rafraîchissant en termes de style. Pour ne rien gâcher, la finition de l'italienne est léchée : les carters polis et l'intégration électrique soignée mettent en valeur la mécanique, tandis que la qualité des soudures inspire confiance.
Seule la butée "brute de fonderie" du câble d'accélérateur (au-dessus du démarreur) et l'absence de réglage du levier d'embrayage chagrinent en s'installant au guidon. Mention bien pour les rétroviseurs, aussi stylés qu'efficaces, et pour les poignées typées motocross, tout à fait raccord avec ce genre de moto.
Pour soigner l'ambiance, un sabot moteur aurait néanmoins été apprécié, d'autant que le débattement assez généreux des suspensions (150 mm avant/arrière) est une invitation à quitter le bitume. De même, l'absence de roues à rayons et d'un échappement relevé peut faire tiquer, surtout que le court silencieux évoque plutôt un roadster sportif qu'un Scrambler.
A l'opposé de cet attirant mélange des genres, la Triumph Scrambler 900 interprète à merveille son rôle de légende de la production moto. Sa silhouette indémodable renvoie aux années 60, à l'époque où les constructeurs ont commencé à greffer sur leurs motos de route un guidon large et des échappements hauts, ainsi que des pneus et des suspensions tout-terrain pour en faire de petites baroudeuses.
Extrêmement prisé, ce genre baptisé "Scrambler" cédera durant la décennie suivante la place à des "trails" aux aptitudes off-road supérieures, comme la cultissime Yamaha XT500. Bichonnée dans ses moindres détails, le Scrambler 900 offre une qualité de réalisation au-dessus de tout soupçon, à l'image de sa visserie de qualité (une constante chez Triumph), de son sabot en aluminium ajouré et de ses traitements de surface soignés.
Son réservoir bombé de 16 litres doté de grips de genoux, sa selle matelassée, ses soufflets de fourche ou encore ses combinés-amortisseurs chromés transportent au premier regard plusieurs décennies en arrière... Avant qu'un coup d'oeil plus attentif détecte l'injection ingénieusement camouflée dans de faux carburateurs !
Qu'importe ce subterfuge : la magie opère et les fans de Steve McQueen rejoueront même sous leur casque l'impressionnante scène culte de la Grande évasion de 1963, quand l'acteur américain (ou plutôt sa doublure, Bud Ekins) saute au dessus d'une barricade avec une TR6 maquillée en moto de l'armée allemande !
Ce "retour vers le passé" imaginaire se poursuit à la vue du splendide logo chromé en relief "Triumph" sur le réservoir, des ailettes partiellement polies, des roues à rayons (en 19 à l'avant) et du garde-boue arrière enveloppant. Le contacteur placé derrière le tube de fourche gauche et le blocage de direction situé au même endroit de l'autre côté feront même naître un sourire empreint de nostalgie...
Ce rictus se figera inévitablement au quotidien tant cette disposition s'avère peu pratique. Même constat pour le bouchon de réservoir dépourvu de charnière et de serrure, la béquille pénible à déplier (comme sur l'italienne) et l'absence d'espace de rangement sous la selle ! On se consolera avec son instrumentation analogique, certes moins fournie mais bien plus lisible que le cadran déporté de la Ducati et ses chiffres minuscules.
Identique techniquement à la Bonneville, la Triumph Scrambler s'en distingue essentiellement par son calage moteur : son bicylindre à refroidissement air-huile de 865cc est calé à 270°, et non à 360° comme celui des "Bonnie" et Thruxton. Au passage, la puissance du Scrambler 900 s'établit à 59 ch - contre 68 ch pour les deux autres représentantes de la gamme "Classic" Triumph.
Ce calage différent affecte aussi la sonorité du bloc monté rigide dans le cadre simple berceau en acier, la rendant légèrement moins "ronde" et plus pétaradante. Rien de reversant toutefois, car la sympathique bande-son reste très - trop - étouffée malgré les améliorations théoriquement apportées dans ce domaine l'année dernière.
Cette timidité sonore est d'autant plus frustrante que notre modèle d'essai était équipé en option d'une ligne complète d'échappement "2-en-1" homologuée, y compris au niveau pollution grâce à des sondes lambda spécifiques. Pas excessivement cher (1029 € hors pose), cet équipement est spécialement conçu par Arrow pour le Scrambler Triumph et conserve par conséquent les collecteurs "croisés" devant le cylindre avant.
Dommage qu'il ne donne pas plus de voix au moteur (en tout cas avec la chicane "DB Killer" requise pour l'homologation...), car cet échappement est tout simplement magnifique. Et si d'aucuns préfèrent le charme de la double sortie d'origine mais pestent contre ses dégagements de chaleur, qu'ils se rassurent : l'un comme l'autre brûlent autant la cuisse à l'arrêt !
Gare d'ailleurs aux pantalons en textile plastifié qui peuvent fondre sur les tubulures de la ligne Arrow, faute d'une plaque de protection thermique suffisamment longue. Un désagrément vécu par MNC et son pantalon d'hiver...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS DUCATI SCRAMBLER ICON | ||
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POINTS FAIBLES DUCATI SCRAMBLER ICON | ||
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POINTS FORTS TRIUMPH SCRAMBLER 900 | ||
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POINTS FAIBLES TRIUMPH SCRAMBLER 900 | ||
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