Conçue sur la base du scooter Integra, la NM4 Vultus (visage en latin) en diffère radicalement du point de vue esthétique grâce à son look futuriste, tout droit sorti de l'imagination débordante des designers Honda. Essai d'un engin pas comme les autres !
Chez Honda, on a de la suite dans les idées : huit ans après avoir démontré avec la DN-01 sa capacité à sortir des sentiers battus - quitte à risquer la sortie de piste commerciale... -, le blason ailé ressort sans crier gare un inédit deux-roues façon vaisseau de l'espace, la NM4 Vultus (relire MNC du 21 mars 2014 et MNC du 11 avril 2014).
A l'origine de la démarche, l'envie de donner libre cours à la créativité des jeunes designers maison - de 20 à 30 ans maxi sur ce projet selon Honda - afin de créer "quelque chose de spécial, pas simplement dans le domaine de la moto mais quelque chose qui soit unique au monde", explique Keita Mikura, responsable du développement de la NM4 Vultus.
Sur ce point, l'objectif est réussi : avec sa proue massive tout en en angles vifs en forme de "V" intégrant une optique bombée et des clignotants "full LED", la Vultus est effectivement très "spéciale" ! Incontestablement, ce cruiser futuriste donne un coup de "frais" à l'image du blason ailé, actuellement en manque de sex-appeal car associée à des solutions pragmatiques comme la boîte DCT et le partage de plateforme (série des CB500 et NC750, ou dans une autre mesure la Crossrunner sur base de VFR et les F6 dérivées de la Goldwing).
En revanche, si son design extravagant et sa silhouette aussi longue (2380 mm) que basse (650 mm de hauteur de selle) captent durablement le regard, la Vultus n'apparaît finalement pas si "unique"... Sans aller jusqu'à parler de "déjà vu", sa ligne renvoie inévitablement aux références stylistiques de la culture manga, notamment le célébrissime Akira sorti en 1982. Chassez le naturel, il revient au galop... même auprès de "d'jeunz" créateurs aux coudées franches !
Rendons néanmoins à César ce que renierait pas Albator (ou Goldorak, selon l'âge du capitaine !) : l'ensemble possède une forte identité et balance une bonne claque visuelle au "vultus" des personnes croisées à son guidon ! Surtout auprès des plus jeunes, pour qui cette nouvelle interprétation sur base de NC (après les NC S, X, Integra et CTX700) sort à coup sûr de Gotham City, la ville fictive où règne Batman. Marrant, mais faut l'assumer au quotidien...
Bienvenue à bord, capitaine !
Sous sa robe sombre subtilement rehaussée d'ouïes latérales en plastique imitant du métal brossé, la NM4 Vultus cache donc le châssis en tubes d'acier, le moteur et la boîte à double embrayage DCT en vigueur sur la dernière génération de l'Integra 750 (relire notre Essai MNC de l'Integra 2014).
La partie cycle connaît des modifications allant de pair avec l'impressionnant accroissement des mensurations constatées entre le scooter et la NM4. A l'image de l'empattement qui s'allonge de 1525 à 1645 mm, de la largeur sérieusement revue à la hausse (de 810 à 933 mm), du poids en augmentation de huit kilos (245 contre 237 kg) ou encore de l'angle de chasse, qui s'ouvre de 5 degrés pour atteindre 33°.
Fatalement, cette géométrie devenue "customesque" induit un comportement dynamique un brin pataud, surtout à très basse vitesse où la direction tend à engager. En toute logique, l'adoption - pour des raisons stylistiques - d'une jante avant de diamètre supérieur (18 pouces contre 17 sur l'Integra) dessert aussi la cause de la maniabilité, en net retrait entre le scooter et ce "Space cruiser".
Pour autant, la Vultus reste étonnement aisée de prise de mains grâce à une répartition des masses intelligente, à l'image de son centre de gravité bas placé. Hyper stable grâce à son empattement proche de celui de la Goldwing (seulement 47 mm à l'avantage de "l'aile d'or" !), la Honda donne l'impression de "flotter" sur le bitume, un sentiment renforcé par sa très faible hauteur de selle (140 mm de moins que l'Integra).
Typée custom, la position pieds en avant et bras écartés se révèle assez naturelle. Merci le guidon de largeur raisonnable cintré vers l'intérieur, qui plus est monté sur de longs pontets ajourés généreusement recourbés vers le buste. Vu du dessus, on les croirait d'ailleurs tordus par l'Incroyable Hulk himself (voir montage ci-dessous) !
Cette absence d'aberration au niveau de la position est un véritable soulagement, tant les véhicules "conceptuels" offrent parfois d'inconfortables "délires" ergonomiques. Seuls petits reproches : l'habillage du réservoir - pourtant minuscule avec ses 11,6 litres - engendre une largeur conséquente à l'entrejambes, tandis que l'espace à bord est étonnamment compté pour un engin de cette taille.
Un pilote d'1m75 a ainsi du mal à étendre confortablement ses jambes une fois le bas du dos calé dans le dosseret formé par l'astucieuse selle passager. Réglable à la fois en inclinaison sur trois niveaux et dans l'axe longitudinal (sur + ou - 25 mm), cette "selle-Sissy-Bar" est une excellente trouvaille, tant sur le plan esthétique que pratique. Dommage qu'il faille utiliser la clé de contact pour la redresser en position dosseret, puis régler son inclinaison...
Autre bonne surprise : braquer à fond la fourche de 43 mm de la NM4 Vultus - 41 sur l'Integra - permet de faire demi-tour dans un espace raisonnable, tandis que son pneu arrière de 200 mm (160 mm sur la série des NC) n'affecte pas trop la mise sur l'angle.
Certes, passer rapidement d'un angle à l'autre demande du tonus dans le haut du corps (faut les bouger, les presque 250 kg de la bête !), mais la Honda s'inscrit en courbe de façon saine et prévisible, sans manifester cette tendance à s'incliner en deux fois ou à verrouiller de l'arrière souvent ressentie sur des motos équipées de gommards "king size".
En ville en revanche, si l'efficacité des rétroviseurs intégrés dans les flancs de sa tête de fourche est appréciable, on peste vite contre la largeur rédhibitoire de son intimidante face avant. Mieux vaut y réfléchir à deux fois avant d'activer les warnings dans l'idée de remonter une file de voitures...
Grâce à son assise creusée large et bien dessinée, la NM4 Vultus est suffisamment confortable de selle pour appréhender des courts et moyens trajets sans souffrir. Au-delà, seul le fondement d'un super-héros supportera le faible rembourrage de l'assise et surtout la sécheresse de la suspension arrière !
Identique à celui de l'Integra, le mono-amortisseur Pro-Link de la Vultus voit son débattement raccourci de 120 à 100 mm afin d'abaisser la ligne arrière, façon custom. Si visuellement la modification est enthousiasmante (même si le dessin arrondi de l'arrière manque un rien d'audace, comparativement à l'avant), elle l'est beaucoup moins dynamiquement parlant.
Souffrant d'un manque de progressivité lié à son faible débattement, la suspension peine à absorber les petits chocs. Lombaires fragiles s'abstenir... Dommage, car la fourche réalise de son côté un sans-faute, aussi bien en termes d'amorti des irrégularités qu'au niveau de la gestion des transferts de masses au freinage.
Le système de freinage, justement, est composé d'un simple disque à pétale de 320 mm à l'avant et de 240 à l'arrière et d'étrier à deux pistons (devant comme derrière), le tout encore une fois chipé à l'Integra. Comme sur le scooter, l'ABS est de série. Et comme sur l'Integra 750 et de plus en plus de deux-roues Honda, l'agréable système de couplage arrière-avant C-ABS n'est pas installé...
Malgré son apparence basique, voire chichement taillé à l'heure où le double disque à l'avant s'est généralisé sur les moyennes et grosses cylindrées, le dispositif de freinage remplit parfaitement son rôle. Le mordant n'est pas excessif, mais le dosage est aisé et la puissance suffisante à l'avant.
A l'arrière, le bilan est plus nuancé. Non pas sur le plan de l'efficacité - parfaite pour corriger une trajectoire - mais en raison du mauvais positionnement de la pédale droite, trop éloignée du marchepied pour être actionnée naturellement. On se console avec un ABS presque totalement transparent car finement calibré, comme souvent chez Honda.
Un visage pas comme les autres
Au chapitre de la motorisation, la NM4 Vultus reçoit le bicylindre en ligne de 745 cc commun à toute la série NC750. Ce moteur à simple arbre à cames faiblement comprimé (10,7:1) est installé tel quel sous l'habillage futuriste de la Vultus et reçoit de série - comme l'Integra ou la CTX700 - la transmission à double embrayage DCT (relire notamment notre Point technique MNC de la CTX700)
Ce twin parallèle longue course (77 x 80 mm) profite de particularités bien gambergées, comme l'entraînement de sa pompe à eau qui se fait via l'arbre à cames. Son régime maxi volontairement bas (6500 tr/mn) et ses frictions internes maîtrisées lui permettent d'allier de bonnes relances à de très faibles consommations (3,53 l/100 km sur ce modèle selon Honda).
Certes volontaire et sobre (moins de 4,8 l/100 km en moyenne mesurés durant notre essai), ce moteur apparaît toutefois bien sage et policé sur un engin aussi extravagant. Contrairement à son physique en effet, les 54,8 ch et les 68 Nm de la Vultus n'impressionnent guère, d'autant qu'ils sont délivrés de manière extrêmement linéaire comme sur toutes les NC...
Quasi dépourvu de vibrations - hormis à hauts régimes, soit à partir de... 4500 tours ! -, le bloc répond présent sans hoqueter dès 1500 tr/mn. Plus coupleux que l'ancien 700 cc entre 2000 et 4000 tr/mn, il offre des accélérations consistantes à défaut d'être sensationnelles, grâce à sa courbe de couple bien remplie.
N'attendez pas de lui en revanche la moindre once de caractère, bon ou mauvais : les graduations du lisible compte-tours digital se noircissent avec une régularité métronomique, sans temps mort mais sans réelle hâte. Cette linéarité apparaît assez frustrante pour ce type de véhicule censé impressionner à tous points de vue.
Capable de titiller un petit 190 km/h compteur malgré un sixième rapport désespérément long (à 90 km/h et à 130 km/h, le twin tourne à respectivement 2750 et 4000 tr/mn !), le bicylindre profite à plein des bienfaits de la boîte Dual Clutch Transmission (DCT), un système reposant sur l'accouplement de deux embrayages multidisques en bain d'huile (un pour les rapports pairs, l'autre pour les impairs).
Grâce à cette technologie, la fonction d'embrayage est automatisé et le passage de vitesses ultra-rapide, car le rapport suivant est automatiquement pré-enclenché. Fonctionnant soit en "tout automatique" soit en mode manuel (passage des rapports via des gâchettes au commodo gauche, comme une boîte séquentielle), le DCT pallie en mode auto ("AT") l'un des défauts structurels du moteur : son allonge "dieselesque" !
Devenue presque transparente dans son fonctionnement (sauf sur les deux premiers rapports un peu bruyants et secs, surtout au rétrogradage), cette troisième génération de DCT est réellement aboutie. MNC apprécie notamment sa réactivité devenue impressionnante, au point de gommer pratiquement tout phénomène de rupture de charge à l'accélération.
A l'usage, seul l'étalonnage des deux modes de conduite proposés en automatique peut selon les goûts prêter le flanc à la critique. La fonction D (Drive), préconisée pour une conduite "calme", pêche encore par manque de dynamisme, surtout en agglomération où les reprises sont plombées par l'empilage frénétique des rapports : à 65 km/h, la sixième est déjà enclenchée alors que le moteur tourne à peine à 2000 tr/mn !
A l'inverse, la fonction S (Sport), plus punchy, répond aux attentes de la plupart des motards en mode arsouille car le frein moteur est plus marqué et les rapports sont nettement plus poussés, au bénéfice des relances. Mais en ville pour le coup, c'est un peu trop sportif !
Verdict : robe torride, moteur frigide...
Pour son audace visuelle digne d'un concept destiné à orner un podium le temps d'un salon, la NM4 Vultus ne mérite que des éloges. Ce n'est pas tous les jours qu'un constructeur généraliste met de côté ses plans "écono-marketing", juste guidé par l'envie de surprendre et d'oser défricher de nouvelles voies.
En cela, Honda n'a pas son pareil et le prouve avec ce digne descendant de l'incomprise - et pourtant excellente au niveau dynamique - DN-01. MNC apprécie aussi à sa juste valeur le soin apporté à la conception de cette "moto-scooter-vaisseau-spatial" : certes, il faut aimer les habillages "full plastique", mais celui-ci est épais et qualitatif au toucher et chaque partie s'intègre parfaitement.
Les détails flatteurs comme les clignotants arrière à LED en forme de pointe, la décoration bleuté autour du phare avant ou la surpiqûre rouge de la selle sont aussi bien agréables, tout comme le bras oscillant en aluminium de bonne facture repris sur l'Integra. Mention juste passable en revanche pour le silencieux chromé commun à toutes les NC, dont le look et la sonorité quelconques ne sont pas vraiment raccord avec l'allure générale futuriste.
Futuriste, la NM4 Vultus veut l'être aussi par quelques petites touches d'originalité, comme sa "selle-Sissy-bar" et ses deux vide-poches frontaux - avec prise 12V à gauche - dont l'ouverture se fait vers l'avant. Pas vraiment pratiques à l'usage car impossibles d'accès en position assise, ces boîtes à gants profondes mais étroites accueillent un smartphone et un étui à lunettes, mais guère plus.
Comme l'espace sous la selle est réduit à sa plus simple expression, le super-héros ne devra pas oublier de glisser des vêtements de pluie dans son sac à dos pour protéger son costume ! Quant au transport de l'antivol, passage obligatoire par le rayon "options" pour acquérir des valises... et tant pis pour le style !
Autre particularité de la Vultus : son instrumentation entièrement digitale dont la couleur de rétro-éclairage change en fonction du mode de conduite enclenché (rouge en manuel, rose en S et bleu en D). Cinq autres couleurs d'ambiance sont disponibles en pressant quelques secondes les deux boutons du tableau de bord, soit un total de 25 combinaisons.
Complète (heure, jauge à essence et rapport engagé notamment : voir fiche technique en page suivante) et facile à déchiffrer même en plein soleil, cette console de bord aurait cependant gagné à proposer des commandes déportées au guidon, un équipement dont la généralisation sur tous les deux-roues serait appréciable dans un futur... proche !
L'adoption d'une bulle électrique aurait en outre permis d'améliorer la protection franchement passable, tout en permettant de conserver intact le coup de crayon en position basse. Sans compter que cela aurait apporté une touche technologique tout à fait pertinente...
Enfin, dernier aspect à cause duquel MNC reste légèrement sur sa faim : le moteur. Avouez qu'avec un look pareil, un moulin puissant et noble comme le V4 de VFR1200 ou, mieux, le six-cylindres de la Goldwing, aurait été plus approprié, car plus à même de transporter avec panache ses propriétaires, au propre comme au figuré !
Bien sûr, le prix de la Vultus aurait alors grimpé en flèche. Mais à 11 599 € (2600 euros de plus que l'Integra), elle n'est de toute façon déjà pas spécialement donnée... Et dans la mesure où sa diffusion sera forcément limitée (Honda France n'en importera que 100 exemplaires en 2014), aurait-il été réellement risqué de pousser la démarche plus avant ?
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CONDITIONS ET PARCOURS |
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POINTS FORTS HONDA NM4 VULTUS |
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POINTS FAIBLES HONDA NM4 VULTUS |
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