Le championnat du monde de Superbike devrait subir dans les années à venir de profonds remaniements. En attendant la publication des règles techniques, Moto-net.Com s'est entretenu avec Christophe Guyot du GMT94, qui courait en WSBK en 2008 et 2009.
Le World Superbike s'apprête à changer de physionomie : sans entrer dans les détails, la Fédération internationale de motocyclisme(FIM), Dorna (promoteur du WSBK) et la MSMA (association des constructeurs) annonçaient début juin travailler sur une évolution du règlement en trois étapes.
"Le but était de viser la réduction des coûts et de fixer un prix maximum pour la moto et ses composants, qui baisserait dans les trois années à venir", déclaraient officiellement les instances dirigeantes du WSBK : "un projet de nouvelles règles techniques sera publié prochainement".
Un mois plus tard, dans une interview accordée à nos confrères de La Gazetta Dello Sport, le président de Dorna, Carmelo Ezpeleta, précisait qu'en 2014 naîtrait une (sous ?) catégorie baptisée EVO, qui serait au WSBK ce que le CRT est au MotoGP...
Selon le big boss espagnol, cette nouvelle famille se composerait de motos plus proches de la série, ce qui permettraient à des équipes privées - de budget ! - de s'aligner en World Superbike. Pour les appâter - car rien ne les empêchait de s'engager avec une moto "stock" jusqu'à présent ! -, un classement Evo serait établi en marge du général.
En attendant l'annonce officielle des changements apportés au WSBK, Moto-Net.Com a contacté une icône du Superbike en France : Christophe Guyot. En répondant à nos questions, le team manager du GMT94 expose son point de vue clair et précis sur la question de l'avenir du World Superbike.
Pour lui, la réponse est simple, "il faut revenir à l'esprit originel : une moto stock, un règlement pour apporter les modifications et des instances indépendantes (FIM) pour les contrôler"... Explications.
Moto-Net.Com : Le GMT94 a participé à deux saisons de World Supersport (2006 et 2007) avant de monter en World Superbike pendant deux nouvelles saisons (2008 et 2009). Quels souvenirs conservez-vous de ces quatre années ?
Christophe Guyot : Il y en a beaucoup ! Les premières lignes en Italie, en France, en Hollande en Mondial Supersport ou encore la deuxième ligne en WSBK aux côtés de Carlos Checa à Magny-Cours en 2008.
MNC : Nourrissez-vous des regrets ?
C. G. : Celui d'être passé au mauvais moment en SBK (l'électronique y faisait son apparition) alors que nous réalisions de belles choses en Supersport.
MNC : La "wild card" de votre nouvelle recrue Maxime Berger pour l'épreuve française du World Superbike à Magny-Cours cette année est-elle confirmée ?
C. G. : Pas encore. Nous avons des essais à effectuer.
MNC : Le fait que le championnat du monde se dispute sur Pirelli (et que vous chaussiez des Michelin en Endurance) est-il un frein à votre participation ?
C. G. : L'esprit sportif est prioritaire chez Michelin. Les dirigeants déplorent la règle du manufacturier unique, mais ils n'empêcheront pas un compétiteur de courir.
MNC : La FIM, Dorna et MSMA planchent actuellement sur une évolution en trois étapes du WSBK afin de diminuer les coûts... mais tarde à exposer ses plans. Quels types d'orientations pourraient vous motiver à réintégrer cette discipline ?
C. G. : Pour l'instant, notre priorité est de retrouver un titre mondial en endurance. C'est sur ce point que nous sommes focalisés.
MNC : Les dirigeants du championnat de Superbike mondial cherchent à fixer un prix maximum pour la moto. Selon vous, quelle somme doivent-ils viser ?
C. G. : Instaurer un niveau de prix, c'est avouer que le règlement est mal fait et qu'il laisse la porte ouverte à des développements trop coûteux. Le prix d'une moto d'origine est fixé par l'importateur. Pour les accessoires (freins, suspensions etc.) il suffit d'imposer que l'on utilise des pièces que tout le monde a le droit d'acheter et les prix seront de facto raisonnables.
MNC : Les éléments pris en charge pour l'élaboration de ce plafond sont les suspensions, les freins et la boîte de vitesses. Est-ce suffisant ?
C. G. : Ce n'est pas la question de fond. Que le promoteur fasse confiance à la FIM et les règles seront mieux faites et surtout mieux appliquées. Si l'endurance a un règlement adapté, bien fait et nullement remis en cause, c'est qu'il est d'abord conçu et suivi par les instances sportives. Ce qui n'est pas le cas en World Superbike.
MNC : Un nombre maximum de moteurs par pilote et par saison est également au programme. Ne vaudrait-il pas mieux limiter à la base les modifications apportées aux moteurs ?
C. G. : Oui pour un nombre maximum de moteurs. Entre 3 et 5 par saison est réaliste. Quant aux modifications moteur, encore une fois, laissons le pouvoir à la FIM pour les réglementer.
MNC : Dès l'an prochain, une catégorie baptisée EVO devrait faire son apparition en WSBK. En Grande-Bretagne, un format également nommé EVO a été validé en 2012 et comprend notamment un ECU unique dépourvu de contrôle de traction et d'aide au départ. Qu'en pensez-vous ?
C. G. : L'EVO pourrait être une bonne idée si tous les acteurs du championnat y étaient soumis. Le problème, c'est que le promoteur est tributaire de la volonté de constructeurs qui profitent du World Superbike pour se mettre en valeur alors qu'ils devraient pour moi être présents en MotoGP. Tant que le WSBK ne sera qu'une alternative au GP, on sera dans l'impasse. Remplir la grille en instaurant un championnat à deux vitesses ne donnera pas à la discipline le contenu que l'on devrait d'abord définir.
MNC : Les constructeurs présents en WSBK auraient donné leur accord pour fournir (en vente ou à la location) un minimum de motos préparées. Votre partenaire Yamaha Motor France pourrait-il convaincre les responsables japonais d'Iwata de réinvestir le WSBK ?
C. G. : Une moto préparée n'a pour moi pas de sens. Les prix resteront exorbitants. Il faut revenir à l'esprit originel : une moto stock, un règlement pour apporter les modifications et des instances indépendantes (FIM) pour les contrôler. Puis, élaborer un règlement en harmonie avec les championnats nationaux. Et enfin, redonner du souffle à la jeunesse au lieu de réinventer le MotoGP.
MNC : D'une manière générale, la FIM manque-t-elle de poids ou/et d'indépendance face aux autres instances qui gèrent le WSBK ?
C. G. : Je n'ai pas de réponse, mais un constat : dans toutes vos questions, vous évoquez les constructeurs, les promoteurs, les teams, mais jamais les instances sportives... Lorsque vous m'interrogez sur le championnat de France, c'est tout l'inverse.
MNC : Les meilleures équipes du championnat Supersport actuelles (PTR Honda, Mahi Kawasaki et Yakhnich Yamaha) lorgnent déjà sur la catégorie EVO en Superbike. Le GMT devrait-il de nouveau passer par la case Supersport pour intégrer ensuite le Superbike ?
C. G. : Permettez moi d'abord de me concentrer sur le titre mondial en endurance. Je n'envisage pas d'autre projet tant que nous n'aurons pas atteint cet objectif. Nous l'avons eu en 2004 (lire notamment MNC du 15 août 2004 : le GMT 94 champion du monde ! et MNC du 3 novembre 2004 : Christophe Guyot : champion du monde, et après ?, NDLR), nous sommes ensuite partis en World Superbike, puis nous sommes revenus en mondial d'endurance. Nous nous devons de retrouver le titre !
MNC : Pirelli est assuré de rester manufacturier unique du championnat du monde pour les deux saisons à venir. Là encore, votre partenariat avec Michelin pourrait-il vous freiner ou vous stopper dans d'hypothétiques démarches ?
C. G. : Nous avons déjà évoqué cette question plus tôt. Mais j'espère bien que le WSBK fera bientôt comme l'endurance, tant sur le plan de la réglementation technique que sur la libre concurrence entre manufacturiers...
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