Suite à un accord signé avec l'Automobile Club de l'Ouest (ACO), Yamaha Motor France est partenaire principal des 24H Moto du Mans jusqu'en 2015. Qu'en pensent les principaux acteurs du championnat du monde d'endurance ? MNC a mené l'enquête... Réactions.
"L'endurance est en souffrance : notre engagement aux 24H Moto du Mans traduit tout d'abord une volonté d'encourager les organisateurs, de donner un signal positif qui s'inscrit sur la durée", explique Eric de Seynes, PDG de Yamaha Motor France, lorsque Moto-Net.Com lui demande les motivations de la filiale française à vouloir devenir le partenaire principal des 24H Moto du Mans pour les trois éditions à venir (lire MNC du 8 juillet 2013 : Yamaha partenaire des 24H du Mans).
La démarche de Yamaha apparaît donc louable, voire salutaire : malgré tous ses attraits, le championnat du monde d'endurance a effectivement un grand besoin de soutien(s) : la disparition de plusieurs épreuves et le manque de courses (seulement quatre en 2013 dont deux en France) illustrent cruellement les difficultés rencontrées par l'une des plus belles disciplines de la compétition moto.
Les causes de cet essoufflement sont essentiellement d'ordre économique. En raison de la crise, les principaux acteurs de l'endurance doivent rationaliser leurs investissements (le team officiel Suzuki est déjà passé de deux motos à une seule). Quant au public, la baisse du pouvoir d'achat des ménages diminue en toute logique le budget "sorties" : les événements sportifs comme l'endurance en pâtissent.
De 92 000 personnes comptabilisées en 2010 par l'Automobile Club de l'Ouest (ACO, organisateur), la fréquentation des 24H Moto du Mans sur le circuit Bugatti est ainsi passée à 82 200 en 2011, puis à 66 700 en 2012... Avec pratiquement un tiers de spectateurs de moins en seulement trois ans, il devenait difficile pour l'ACO d'équilibrer son budget et de séduire les sponsors. D'où l'intervention de Yamaha Motor France, que l'on peut interpréter comme une sorte de "réamorçage" de la pompe.
Dans l'intérêt du sport... et du marketing
Si l'importateur français de la marque d'Iwata a pris le parti de s'engager de la sorte, c'est aussi pour préserver une discipline très importante aux yeux des constructeurs moto. Disputée avec des sportives visuellement très proches des motos de série, l'endurance constitue une vitrine très attractive pour ses acteurs : la réputation d'invulnérabilité des 4-cylindres Suzuki, par exemple, doit beaucoup aux douze titres mondiaux remportés par les GSX-R du Suzuki Endurance Racing Team (SERT) !
En devenant partenaire principal des 24H du Mans, Yamaha Motor France offre aussi "un bon coup de publicité pour la marque", ne manque pas de remarquer Marcel Driessen, directeur général de BMW Motorrad France, interrogé par Moto-Net.Com.
Car si Yamaha voulait simplement soutenir l'épreuve dans le seul intérêt sportif, d'autres solutions étaient envisageables : chaque constructeur s'investit déjà financièrement en fournissant du matériel et des moyens aux teams engagés à ses couleurs. Le blason d'Iwata pouvait donc apporter plus de soutien aux organisateurs de manière indirecte, en renforçant notamment son engagement auprès des teams alignés en YZF-R1.
"C'est exact : un constructeur n'a pas pour vocation de devenir le partenaire principal d'une course, puisqu'il s'investit déjà au travers du matériel et des pilotes", reconnaît Éric de Seynes avant de dévoiler ses autres motivations. "Grâce à cet accord, on achète aussi des prestations techniques qui vont nous servir de supports de communication auprès de nos clients et de notre réseau : notre présence sur l'affiche, une coupe YZ125R, la présentation en avant-première de la MT-09, des loges "VIP" Yamaha, etc.".
Autant d'arguments marketing susceptibles de déplaire aux concurrents de Yamaha, qui risquent de modérément apprécier de voir l'un de leurs adversaires "en haut de l'affiche". "Je ne le pense pas, car nous ne recherchons pas une situation de monopole", répond le dirigeant de la filiale française. "Regardez l'affiche des 24H du Mans 2013 : il n'y a pas qu'une Yamaha dessus, nous ne cherchons pas à "cannibaliser" l'épreuve", nous assure Éric de Seynes.
Partenariat Yamaha France / 24H du Mans : le point avec l'ACO |
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Un point de vue naturellement partagé par l'ACO, que Moto-Net.Com a contacté pour connaître les détails de cet accord et ses implications (lire encadré ci-contre).
"Je ne pense pas que ce partenariat éloigne les autres constructeurs : non seulement Yamaha ne fait pas dans la "surenchère", mais surtout cela ne change rien en termes d'équité sportive", répond Philippe Jaubin à la question de savoir si la mise en avant de Yamaha ne risquait pas d'inquiéter - voire de rebuter - ses concurrents.
Dominique Méliand, team manager du Suzuki Endurance Racing Team (SERT), estime lui aussi qu'il "ne faut pas tout mélanger : cet accord porte sur les aspects "marketing" de l'épreuve et n'a absolument rien à voir avec son règlement sportif ni son déroulement. S'il s'avérait que c'était le cas, j'arrêterais tout et je partirais à la pêche !", lâche le dirigeant de l'équipe championne du monde en titre !
"Regardez ce qui se passe avec les manufacturiers pneumatiques engagés sur l'épreuve : Dunlop est l'un de nos partenaires majeurs et possède un virage et une passerelle à son nom", renchérit Philippe Jaubin. "Pourtant, c'est Pirelli qui a remporté les trois dernière éditions des 24H du Mans, tandis que Michelin s'investit fortement. Et de toute façon, à un moment, il faut bien avancer...", conclut le porte-parole de l'ACO.
La fin justifie donc les moyens, même si la situation est potentiellement génératrice de conflits. Et justement, que pensent les autres participants de cet accord ? Pour le savoir, MNC s'est tourné vers les principaux constructeurs concurrents de Yamaha en endurance : retrouvez leur position officielle et leur avis en page suivante.
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