Le délégué interministériel à la sécurité routière a invité à déjeuner mardi les représentants des principaux titres de la presse moto afin d'échanger sur la politique à mener en matière de deux-roues motorisé en France. Compte rendu.
Le successeur de Michèle Merli (lire MNC du 1er juillet 2011 : "le fusible qui saute") au poste de délégué interministériel à la sécurité routière, Jean-Luc Nevache, a tenu à se rendre au déjeuner avec la presse moto... à moto ! En tant que passager certes - même s'il affirme avoir possédé plusieurs motos par le passé -, mais à moto tout de même.
En effet, d'après le nouveau délégué interministériel à la sécurité routière, cette "mise en situation" est décisive pour mieux aborder les problèmes du deux-roues motorisés, dont le premier est sans doute le nombre de tués chaque année...
Le deux-roues motorisé, dangereux par nature
"En 2010, 704 personnes ont trouvé la mort à moto et 248 sur des cyclos, ce qui représentait globalement près d'un quart des tués sur nos routes", souligne M. Nevache en indiquant qu'il faut "trouver les moyens de faire baisser cette mortalité".
En ce qui concerne le taux de mortalité, une chose pourrait très facilement améliorer le score des motocycles et cyclomoteurs : réévaluer correctement - à la hausse, donc - le parc roulant des deux-roues motorisé en France !
L'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (OSNIR) se base en effet sur une estimation d'1,4 million de véhicules établie par l'ACEM (l'organisation qui représente l'industrie moto et scooter en Europe) qui semble bien légère...
Outre cet artifice statistique, les utilisateurs de deux-roues motorisés doivent rabâcher aux autorités que la pratique du deux-roues est intrinsèquement plus dangereuse que celle de l'automobile : le manque de protection nous rend naturellement plus vulnérable.
Un argument que le délégué ne contredit nullement, bien au contraire : "il y a un réel souci au niveau de l'équipement du motard, notamment son prix qui est encore trop élevé", estime-t-il.
"Aujourd'hui, seul le port du casque est obligatoire", remarque Jean-Luc Nevache avant de nous demander s'il ne faudrait pas "peut-être étendre cette obligation à d'autres éléments comme les gants ou les bottes, par exemple ?"
Un équipement plus complet... et obligatoire ?
Effectivement, si protéger sa tête avec un casque est nécessaire (un décès sur deux est lié à un coup porté au crane), cet unique bouclier s'avère nettement insuffisant. Et les journalistes notent au cours de leurs roulages que les motards sont de plus en plus nombreux à revêtir des blousons et pantalons dûment coqués, voire à porter des dorsales réservées il n'y a pas si longtemps à un usage sur piste !
Le scooter moins dangereux que la moto |
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"Les motards français restent moins bien équipés que leurs voisins", observe toutefois le responsable de la sécurité routière. Mais si les Allemands par exemple sortent rarement sans leur cuir, c'est aussi parce que leurs assurances les y incitent fortement ! De plus, on n'utilise pas outre-Rhin les motos - et même les scooters ! - pour se rendre au boulot tous les jours ou chercher le pain, mais pour se balader et voyager.
Les Français accepteraient-ils de devoir chausser des bottes montantes et une dorsale - aux normes CE, SVP - pour passer prendre les croissants chauds du dimanche matin ? Certains adeptes du douloureux cocktail tongs / 125 ont déjà du mal à mettre une paire de chaussures pour se rendre à la boulangerie à pied...
Poursuivant sur sa lancée, le délégué évoque la possibilité de créer un "pack" équipement qui pourrait être acquis dès la formation ou au moment de l'achat de la première moto.
"Ce prix devrait être intégré par les pratiquants, et il faudra veiller à ce que les professionnels limitent au maximum le coût de cet ensemble, et je m'engage d'ailleurs à le faire lors de prochains rendez-vous avec eux", a solennellement déclaré Jean-Luc Nevache devant ses invités.
Ennemi public n°1 |
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Le délégué multiplie les entrevues avec l'ensemble de la profession du deux-roues : "pour vous dire, après la lutte contre l'alcool au volant (et aussi au guidon apparemment, NDLR !), le deux-roues est notre priorité".
Jean-Luc Nevache affirme ainsi passer environ un quart de son temps sur ce dossier capital. Et après bientôt quatre mois de travail, il commence à cerner la problématique du deux-roues en France.
"La sensibilisation des automobilistes est très importante", réalise le délégué : "nous devons casser cette logique d'affrontement "autos contre motos", qui sévit aussi d'ailleurs avec les vélos, les piétons, etc., et relancer les opérations "Motard d'un jour" par exemple".
Malheureusement, "l'image du motard est catastrophique en France" déplore notre hôte en toute sincérité. Une observation tout à fait juste : quel motard n'a jamais entendu de la part d'un proche : "Naaaan, toi on sait que tu roules bien mais les autres, ils sont fous, tarés, inconscients, à enfermer, me font peur, se font du tord (rayer les mentions inutiles, NDLR) !"
Le motard : jeune loubard ou vieux gaillard ?
Le motard n'est pourtant plus le jeune loubard en cuir noir des années 70 ! L'âge moyen du motard ne cesse de reculer et celui de l'acheteur de moto neuve frise désormais la cinquantaine. "Dans les statistiques d'accidents d'ailleurs, on s'aperçoit que cette tranche d'âge est très touchées car ils roulent moins et n'ont plus les mêmes réflexes"", note Jean-Luc Nevache.
"Afin de mieux le connaître les motards, le ministère de l'environnement va lancer une vaste enquête auprès de 20 000 motocyclistes. On aura une image précise sur le parc roulant et sur "qui est le motard français" (lire à ce sujet MNC du 15 octobre 2004 : enquête GE Money Bank sur les motards français, NDLR).
Or, "pour porter un discours positif sur le deux-roues, il sera nécessaire de faire du ménage dans les rangs", via - au besoin - de nouveaux règlements, prévient le délégué qui imagine notamment la possibilité de légiférer la remontée de files.
Les éternelles propositions en la matière refont donc surface : limiter la remontée à une seule file et contrôler les différentiels de vitesse - facile avec la technologie actuelle - notamment, afin de permettre aux motards responsables de décongestionner les villes... et aux moins raisonnables de renflouer les caisses de l'État en toute connaissance de cause, contrairement à aujourd'hui où le flou de la situation entraîne des amendes plus ou moins sérieusement "motivées".
CT et 100 ch ?
Un autre sujet sulfureux a également été abordé : celui du contrôle technique... Faute d'infrastructures adéquates, "celui des cyclos, évoqué pour des questions de débridage est reporté", tout bonnement. Quant à celui des motocycles (motos et scooters de 125 cc et plus), il n'est "même pas programmé" !
Quant à la loi sur les 100 chevaux, après avoir feinté la sourde oreille - "quels 100 chevaux ? Je vous parle sécurité routière et vous me parlez vitesse et puissance... on ne va pas s'entendre", plaisante le délégué -, Jean-Luc Nevache se contente de botter en touche : "un jour viendra, avec une directive européenne..."
Oh oui, "un jour, mon prince viendra" sur sa belle moto d'au moins 200 chevaux. Car pour rappel, cette valeur n'est en rien incompatible avec les 50 km/h à respecter en ville, ni même avec les 130 km/h sur autoroute... En rien.
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