Apparue en 1999 comme un OVNI franchissant allégrement la barre des 300 km/h, la Suzuki GSX 1300 R Hayabusa reste aujourd’hui l'une des rares motos jamais fondamentalement remaniée par son constructeur depuis sa sortie. Essai au long cours.
12 364 : c’est le nombre de kilomètres parcourus sur un GSX 1300 R de 2003 pour cet essai longue durée. Apparue en 1999 comme un OVNI franchissant allégrement la barre des 300 km/h, la Suzuki GSX 1300 R Hayabusa reste aujourd’hui une des rares motos jamais fondamentalement remaniée par son constructeur depuis sa sortie. Améliorée, oui, bariolée de multiples coloris plus ou moins réussis, oui, mais retravaillée en profondeur, jamais !
Faisons connaissance...
Le bouilleur de 1 300 cm3 développé spécifiquement pour cette machine reste aujourd’hui un cas à part dans le monde des très grosses cylindrées "grand public".
Routière ? Hypersport ? Engin inexploitable sur route ? Une chose est sure : avec ses 220 kg à vide, mieux vaut ne pas mesurer 1m50 pour 40 kg car sinon la "buse" risque de devenir très vite ingérable ! Le carénage, très imposant, offre une protection contre l’air imparable, fruit de très longues heures d'études en soufflerie. La bulle, en revanche, révèle rapidement ses limites si l’on mesure plus de 1m80. Les grands gabarits auront intérêt à la remplacer par un équivalent MRA (entre autres), parfaitement adaptable.
Concernant les commodos, rien à signaler : c’est du Suzuki. A la fois complets et simple, ils sont dotés d’un "warning" appréciable. Le starter est manuel. Le tableau de bord se compose principalement de deux énormes compteurs (tachymètre et compte-tours) sur fond noir, rétro-éclairés rouge.
Pour l’anecdote, depuis 2001, les célèbres compteurs gradués à 350 km/h (les premiers du genre sur une machine grand public) ont laissé la place à un compteur butant à 300 km/h. Esthétiquement, ça ne change pas grand chose... Mais moralement, les puristes ne s’en sont toujours pas remis ! A noter que la Kawasaki ZX 12R, grande rivale de l’Hayabusa, a subi le même lifting hypocrite...
Les Bridgestone BT 56 livrés d’origine s’avèrent efficaces. En effet, parmi les rares modèles de monte homologués pour ce type de machine, le BT 56 est certainement le plus polyvalent et donc le plus approprié pour débuter sur cette moto. Le freinage, avec un étrier avant six pistons, est en revanche franchement insuffisant. A moins d’essorer vigoureusement la poignée comme un trappeur canadien, on évitera les freinages tardifs à la corde ! Concernant l’arrière, il pourra à la limite servir de ralentisseur, mais pas davantage. On pourra donc dans un premier temps changer le couple durits + plaquettes, mais pour aller plus loin il faudra envisager un changement complet du système, avec en plus maître cylindre + étriers, voire disques pleins. Efficace, mais onéreux...
A noter enfin que l’Hayabusa est livrée d’origine avec un dosseret de selle, une poignée de maintien et un siège passager. A vous de choisir la configuration adaptée à votre conduite. La selle est confortable et le duo est excellent, de quoi abattre plusieurs centaines de kilomètres sans la moindre courbature. Les poignets du pilote ne sont pas trop mis à contribution non plus, grâce à une position de conduite mi-sportive mi-routière.
Et ça roule ?
Assurément ! Avec 11,6 Nm de couple (!) répartis sur 11 500 tours avant la zone rouge, Suzuki nous livre un moteur plein sur l’ensemble de sa plage d’utilisation. A nouveau, on est donc davantage dans une configuration routière que réellement hypersport, où la puissance se trouve souvent uniquement haut dans les tours. Ici, on repart sans problème en 6ème sur un filet de gaz à 2 000 tours. Embrayage et boîte de vitesses souples, précis, position du pied optimale : rien à redire concernant le pilotage. La direction repose sur une fourche inversée de 43 mm de diamètre au traitement cuivré du plus bel effet. Elle est assistée par un amortisseur de direction de série. La maniabilité est aisée, mais ne comptez tout de même pas vous faufiler entre les voitures, ce n’est pas un Vespa ! De plus le moteur, par sa surchauffe rapide (compensée par un ventilateur qui se déclenche très - trop ? - tôt, vous rappellera qu’il a tout de même besoin d’avaler du kilomètre pour s’exprimer. Enfin, l'expérience montre qu'une Hayabusa de 10 000 km chauffe moins vite qu'une neuve.
Le confort de l’Hayabusa ne doit cependant pas faire oublier son caractère diabolique : 175 ch en version libre et un record du monde de vitesse établi à plus de 357 km/h sur une Hayabusa turbo en 2002 par Nicolas Brisset... A 200 km/h (sur autoroute allemande naturellement !), le moteur ronronne tout juste tranquillement à 6 700 tr/mn ! Les deux gros pots procurent un bruit agréable et sourd, même si une ligne Akrapovic peut optimiser le rendement à la sortie du collecteur, grâce à un 4 en 2 spécialement développé pour l’Hayabusa.
Face aux hypersports du marché (GSX-R 1000, R1, RSV 1000, etc.), l’Hayabusa se fera systématiquement déposer au départ arrêté, du fait de son poids et du temps de réaction de son moteur trop poussif bas dans les tours. Pour autant, sur la moindre ligne droite, le GSX 1300 R rattrape tout ce qui roule sur cette planète, à l’instar d’une fusée : lourde à lancer, mais passés 250 km/h, n’espérez pas la voir ailleurs que (loin) devant vous ! Et attention à votre permis : la version libre permet d’atteindre 250 km/h sans aucun problème et réserve même 50 à 80 km/h (compteur) supplémentaires...
S'agirait-il donc uniquement d’une machine de circuit ? En respectant les limitations sur route, l’Hayabusa consomme environ 6 litres aux 100, soit une autonomie de 250 km. En enclenchant le mode sportif, elle avalera plus de 8 litres aux 100 et vous contraindra à chercher une station tous les 200 km !
Sur route mouillée, aucun problème de stabilité à déplorer avec la monte d’origine. Attention toutefois au freinage, que l’on a tendance à essorer faute de mordant et tout simplement d’efficacité. Mais à force d’essorer on finit par bloquer l’avant, ce qui n’est pas nécessairement des plus agréables pour qui n’est pas équilibriste professionnel...
Grosse moto pour gros portefeuille
Au cours des 12 000 km parcourus pendant cet essai, l’Hayabusa nous a coûté trois pneus arrière. Ceux-ci tiennent rarement plus de 4 500 km, compte tenu du couple colossal qui entraîne le boudin de 190/50. L’avant, lui, pourra tenir 10 000 km pour les plus précautionneux. En usage "piste", on tombe presque à un usage unique, ce qui n’est en rien propre à l’Hayabusa mais vaut pour toutes les grosses cylindrées dotées de gommes tendres.
Les révisions ont été faites tous les 6 000 km, conformément aux prescriptions du constructeur, en sus de la première visite des 1 000 km. Elles ont coûté au total 850 euros (77 euros à la révision des 1 000 et 175 euros à celle des 6 000, plus 200 euros à chaque changement de pneu arrière). Un changement durit + plaquettes coûte 170 euros. Annoncée neuve à 13 274 € prix public, l'Hayabusa peut se négocier autour de 12 000 € avec bagagerie AV + AR + bulle haute (hors frais d’immatriculation, taxes diverses, carte grise, etc.).
C’est assurément l'une des motos les plus chères du marché à ce jour dans la catégorie routière. Intemporelle, atypique, définitivement à part dans le monde de la moto, l’Hayabusa reste une fusée recommandée aux pilotes expérimentés - ou à tout le moins avisés et conscients ! Le site de l’Hayabusa Club de France déplore malheureusement un nombre régulier de vols, le plus souvent des "commandes" à destination de l’étranger. Il faut reconnaître à Suzuki le mérite d’avoir osé concevoir une moto unique, pas nécessairement rentable pour la firme nippone (moins de 500 exemplaires sont vendus en France chaque année), mais qui reste le fer de lance d’une conception passionnée de la moto : déraisonnable, onéreuse, jouissive, capricieuse, emblématique... et mythique !
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