Trois représentants de la Fédération française des motards en colère (FFMC) se sont exprimés devant l'Assemblée nationale pour tenter d'expliquer aux députés les spécificités de la moto... Morceaux choisis.
A l'invitation d'Armang Jung, député (PS) du Bas-Rhin (67) et président de la Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière, Marc Bertrand (chargé de mission sécurité routière à la FFMC), Frédéric Roy et Nathanaël Gagnaire (membres du Bureau national) ont été reçus à l'Assemblée nationale par les députés qui avaient déjà auditionné plusieurs personnalités pour les éclairer sur différents aspects de la sécurité routière (lire notamment MNC du 20 juillet 2011 : les assureurs souhaitent généraliser l'airbag moto), afin qu'ils puissent voter les lois en toute connaissance de cause.
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"Je suis particulièrement heureux de recevoir une délégation de la Fédération française des motards en colère et je compte sur votre témoignage pour nous éclairer sur ce qui se passe sur le terrain et pour dissiper certaines idées reçues", a ainsi commencé M. Jung en soulignant que "les conducteurs d’engins à deux roues, motorisés ou non, paient un lourd tribut à la route".
"Les bruits les plus divers circulent à propos des motards, ils rouleraient trop vite et ne respecteraient rien", a poursuivi le président de la mission d'information : "en tant que parlementaires, nous aimerions découvrir où est le problème, car les drames sont nombreux. Nous avons besoin de connaître votre expérience. N’hésitez pas à nous parler franchement. De nos discussions pourraient naître des propositions, susceptibles d’être reprises par le gouvernement ou par le Parlement".
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Les trois représentants de la FFMC ont ainsi pu détailler à loisir les spécificités de la moto, devant des députés visiblement curieux de mieux connaître le mystérieux monde des motards...
Remontées de files
Invités par le rapporteur Philippe Houillon, député (UMP) du Val d'Oise (95), à émettre des propositions sur les remontées de files, les représentants de la FFMC ont préconisé que "quand des voitures sont ralenties sur un périphérique, les deux-roues motorisés puissent remonter la file, avec un différentiel n’excédant pas 20 km/h".
"Si nous souhaitons la légalisation de la circulation interfiles, c’est afin de pouvoir l’enseigner", a ajouté Marc Bertrand : "vous vous êtes demandés si ce mode de déplacement était ou non légal. En fait, nous sommes face à un vide juridique : le code de la route ne le prévoit pas, pas plus qu’il ne prévoit les embouteillages récurrents, deux fois par jour, sur certains axes".
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Le chargé de sécurité routière pour la FFMC a également rappelé aux députés l'importance de la "circulation en décalé entre les voitures et les nombreux fourgons, qui masquent la visibilité : sur une moto, encore plus qu’en voiture, il est particulièrement important de voir très loin. N’oubliez pas qu’on conduit une moto en équilibre. Cet équilibre est autostabilisé dès les plus basses vitesses, mais les anticipations aux freinages, aux accélérations et aux changements de chaussée dépendent essentiellement de la visibilité".
"Nous avons déterminé, avec les services de la Direction de la sécurité et de la circulation routières (DSCR), quatre cas de figure", a poursuivi Marc Bertrand :
"La remontée de files n’est envisageable que dans le cas du trafic totalement arrêté ou très fortement ralenti, avec des phénomènes d’accordéon", a-t-il précisé : "reconnaître cette possibilité de circulation interfiles permettrait de l’enseigner. Nous nous sommes aperçus que bien des motards la pratiquaient de façon dangereuse. Je suis moi-même très souvent obligé de me pousser, parce qu’un deux-roues roule trop près derrière moi et risque de me percuter si je dois éviter un automobiliste qui change lui-même de file. Une formation permettrait d’apaiser cette pratique de la circulation interfiles et amènerait les motards à prendre conscience des risques".
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"Plus généralement, rouler en deux-roues motorisé entraîne des risques qu’on ne fera jamais disparaître", a-t-il rappelé, "mais on peut enseigner ces risques, comme on le fait pour la plongée sous-marine ou la course en montagne".
TVA réduite sur les équipements
"Il est fréquent d’entendre dire que les deux-roues motorisés sont un moyen de locomotion dangereux. De notre côté, nous disons que c’est un moyen de locomotion qui rend les conducteurs vulnérables", a ensuite fort justement nuancé Nathanaël Gagnaire : "concrètement, si deux voitures s’accrochent à un feu rouge, l’accident se limite le plus souvent à de la tôle froissée. Si vous remplacez une des voitures par un deux-roues motorisé, l’accident devient beaucoup plus grave et le motard risque de se retrouver à l’hôpital. Or cette vulnérabilité n’est pas prise en considération par les pouvoirs publics. Par exemple, voici très longtemps que nous demandons, en vain, une défiscalisation pour les équipements adaptés à la conduite des deux- roues motorisés".
"Les cyclistes demandent également un taux de TVA adapté pour les équipements de sécurité", a souligné le président Armand Jung : "mais dites-nous donc de quoi les motards doivent s’équiper ?"
"D’abord du casque, qui est indispensable et obligatoire", a répondu Nathanaël Gagnaire en soulignant que "les casques coûtent très cher et, pour l’instant, ils sont toujours taxés à 19,6%. Ensuite, du blouson, du pantalon, des bottes et des gants. Mais les pouvoirs publics n’ont pas de politique incitant au port de ces équipements et ne prévoient pas de mesure d’incitation fiscale pour leur achat".
Gilet airbag pour motards
"Ce gilet permet de réduire les blessures en cas de chute, mais n’empêche pas l’accident", a précisé Marc Bertrand : "il ne se déclenche d’ailleurs qu’en cas de chute, après l’accident. En outre, à la suite d’un choc frontal ou latéral contre une voiture, le corps touche le véhicule en 90 millisecondes, alors que le gilet le plus rapide ne se gonfle qu’au bout de 120 millisecondes. Il coûte en moyenne 500 euros. Ceux qui l’adoptent sont déjà majoritairement équipés et possèdent une culture de sécurité routière. Ainsi, le gilet airbag ne concernera que les motards les moins exposés aux accidents, et pas ceux qui ne possèdent pas cette culture : les jeunes, les nouveaux utilisateurs, les urbains qui passent de l’auto ou du scooter à la moto de 125 cm3".
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"Le blouson airbag est-il un équipement d’avenir ?", a interrogé le président Armand Jung qui venait justement d'auditionner Jean Péchinot de la FFSA (lire MNC du 20 juillet 2011 : les assureurs souhaitent généraliser l'airbag moto)
"Oui, dans la mesure où il est adopté librement par le conducteur de deux-roues. Mais pourquoi en faire une obligation, alors même que l’équipement de base n’est pas porté par tout le monde ?", a répondu Marc Bertrand, rappelant que cet équipement de base est composé "de chaussures montantes ou de bottes, de vêtements solides même quand il faut très chaud, d'un blouson renforcé avec une dorsale intégrée, de gants et d'un casque intégral ou jet, du moment qu’il est bien attaché et que les yeux sont protégés".
"Rendre obligatoire le port des blousons airbag entraînerait une certaine déresponsabilisation des usagers qui, une fois équipés, se diraient qu’ils ne risquent rien à tomber", a également fait remarquer Nathanaël Gagnaire, estimant qu'il faut "au contraire les responsabiliser. A l’obligation, nous préférons l’incitation".
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