Face aux menaces qui pèsent sur le monde de la moto suite aux décisions du CISR, les professionnels de la moto sont bien décidés à réagir en présentant une série de contre-propositions communes. Enquête exclusive Moto-Net.Com.
Au-delà des mesures les plus médiatisées du CISR du 11 mai 2011 (suppression des panneaux indiquant la présence des radars fixes et interdiction des avertisseurs de radars), trois décisions risquent de peser lourdement sur la pratique de la moto en France : l'obligation de repasser une formation obligatoire après 5 ans d'interruption, le port d'équipements rétro-réfléchissants et l'augmentation de la taille des plaques d'immatriculation pour les deux-roues motorisés (lire MNC du 11 mai 2011 : l'intégralité des mesures du CISR et notre Dossier spécial CISR du 11 mai 2011 : "répression et réactions").
Les trois mesures du CISR visant directement la moto |
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Selon les informations de Moto-Net.Com recueillies auprès des constructeurs, l'ensemble de la profession prépare actuellement une riposte constructive.
En "complément" de la mobilisation déjà mise en place par les fédérations d'utilisateurs (FFMC, FFM...), les acteurs de la filière moto et scooter préparent actuellement une série de contre-propositions qui seront présentées conjointement par les constructeurs réunis au sein de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM), les assureurs, les distributeurs, les réparateurs et d'autres organisations professionnelles telles que le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA, Branche 2 roues), la Fédération nationale du commerce et de la réparation du cycle et du motocycle (FNCRM), etc.
Interrogés par Moto-Net.Com sur le risque de voir les motards et utilisateurs de scooters, découragés par ces mesures, se détourner du deux-roues motorisé, les constructeurs sont unanimes...
Inquiétudes chez les constructeurs
"Effectivement il y a risque, d'autant plus que certaines mesures sont difficilement compréhensibles et souvent éloignées des recommandations de bon sens formulées par les acteurs du marché !", s'étonne ainsi Christophe Decultot, directeur général auto et moto chez Honda France.
Dernière minute : l'ACEM déplore le "manque de dialogue" |
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Une crainte que partage largement Eric de Seynes, directeur général de Yamaha Motor France : "les décisions du CISR me semblent inappropriées et extrêmement préjudiciables pour la moto".
"En effet les clients peuvent être découragés par toutes ces mesures, surtout que nous ne disposons pas d'assez de recul pour vérifier les effets des premières mesures proposées depuis ce début d'année comme la formation 7 heures pour les 125 et 3 roues", poursuit de son côté Bruno Muller, directeur de la communication et des relations extérieures chez Peugeot Motocycles.
"Nous sommes très préoccupés par ces nouvelles mesures car depuis 1968, les facteurs les plus impactants sur le marché français de la moto sont la mise en place de réglementations", nous confirme encore François Etterlé, directeur commercial moto chez Suzuki France. Nos lecteurs les plus anciens se souviendront notamment de l'effondrement du marché en 1982, lorsque l'équivalence permis B/125 avait été annulée avant d'être réintroduite en 1996.
Discrimination à l'égard des motards
En référence à l'obligation d'apposer des plaques "de plus grande taille sur les deux-roues motorisés" et à celle de "porter un équipement rétro-réfléchissant", François Etterlé - 37 ans d'expérience dans la moto - nous fait part de ses inquiétudes : "avec ces mesures, les utilisateurs de sportives, de customs, de roadsters ou d'enduro vont être découragés de devoir mettre une grande plaque et les motards comme les utilisateurs de scooter ou les commuters du secteur tertiaire vont être désolés de devoir s'habiller en paria !"
Quant à l'obligation de "suivre une formation" pour "ceux qui reprennent l'usage d'une moto après 5 années d'interruption", elle va "affecter la catégorie des "papy boomers" qui, une fois leur retraite légitimement gagnée, ne pourront pas s'offrir la moto de leur rêve pour partir en balade", regrette le porte-parole de Suzuki : "cette mesure est une discrimination à l'égard des motards, car pourquoi ne pas l'appliquer aux détenteurs du permis auto, poids lourds ou bateau ?".
Un permis cyclistes pour ceux qui n'ont pas fait de vélo depuis l'école ?
Même réaction du coté des Verts : "on ne peut que se féliciter de la volonté de préserver des vies humaines, mais il est évident que cette pression permanente sur les usagers de deux-roues peut en dissuader certains qui n'accepteront pas en permanence d'être considérés comme des délinquants de la route, alors que ces sont usagers respectables et dans la très grande majorité respectueux, nous signale Patrick Marchal, directeur commercial Kawasaki France.
"Certaines de ces mesures tombent du ciel sans prévenir et restent très floues dans leur application et leur définition", regrette le responsable des Verts : "si les "équipements rétro-réfléchissants" signifient un gilet fluo, cela peut en dissuader certains d'être ainsi siglés. En revanche s'il s'agit de bandes réfléchissantes comme il en existe déjà quatre par casque et sur la majorité des vêtements, ce peut être plutôt positif".
En outre, "quel est l'intérêt d'augmenter la taille des plaques d'immatriculation au delà de ce qu'elle est ? Pourquoi ne pas imposer aussi aux automobiles des plaques de plus grande taille ?"
Enfin concernant la formation obligatoire après cinq ans d'interruption, Patrick Marchal souligne lui aussi qu'il y a dans cette mesure "une autre discrimination claire entre motocyclistes et automobilistes, ces derniers bénéficiant d'une puissance libre et le droit de conduire une Bugatti Veyron sans expérience de la conduite. Quid des principes d'égalité et pourquoi imposer ce retour à la case formation aux seuls motards ? Va-t-on bientôt demander un permis cyclistes aux usagers des Velib qui n'ont pas fait de vélo depuis l'école ?"
"Au delà de ces premières réactions, nous faisons toute confiance à la CSIAM et au président de sa branche moto pour représenter les constructeurs et défendre le point de vue des motards, des usagers et des constructeurs", conclut le porte-parole de Kawasaki qui les soutiendra "autant que possible" dans cette démarche...
Un gilet jaune par-dessus un gilet airbag ?
"Il y a beaucoup d'inconnues aux sujets des propositions récemment présentées, mais nous sommes tout à fait disposés à en discuter avec les parties concernées", explique de son côté Federico Musi, le nouveau directeur général de Piaggio France. "Je pense d'ailleurs que ces propositions doivent être étudiées ensemble - et lorsque je dis ensemble, cela englobe les constructeurs et les institutions publiques -, afin de trouver un équilibre. Ainsi, il faudrait notamment se concerter pour trouver un accord sur l'augmentation de la visibilité qui est à mon sens un objectif tout à fait respectable, mais qui reste délicat à mettre en place dans le milieu deux-roues. Contrairement à l'automobile où l'on enfile un gilet jaune pour mieux se signaler lors d'une panne sur la chaussée, le port du même gilet en deux-roues au-dessus d'un blouson engendre plusieurs contraintes, notamment dans le cas où l'usager porte déjà un gilet airbag".
Réunion interne chez Suzuki
La semaine dernière, Suzuki France a organisé une réunion avec des membres de l'équipe commerciale moto, de l'équipe technique et d'autres employés de différents services qui roulent à moto, pour les informer sur les mesures du CISR, recueillir leurs avis et obtenir des suggestions. Au terme de cette réunion, Suzuki France a rédigé un document interne - à découvrir en exclusivité en page suivante - qui pourrait servir de base de travail aux réunions de la CSIAM la semaine prochaine.
Enfin, devoir de réserve oblige, les forces de l'ordre interrogées par Moto-Net.Com ne peuvent prendre publiquement position sur ces propositions du CISR. Néanmoins, "je pense personnellement que certaines mesures ne sont pas en adéquation avec la sécurité routière, nous a confié un motard en uniforme souhaitant conserver l'anonymat : "il faudrait davantage insister sur les équipements plutôt que nous mettre des gilets fluo, ou encore sur la formation des scooters et les retirer des chiffres d'accident moto"...
Au terme de notre enquête, il apparaît que les contre-propositions constructives de cette mobilisation globale de la profession face aux menaces qui pèsent sur la moto seront discutées dès le début de la semaine prochaine au sein de la CSIAM.
Elles seront ensuite présentées conjointement "très rapidement, en tout cas avant que les textes d'application des mesures exprimées par le CISR ne soient adoptés", nous assure Eric de Seynes, patron de Yamaha Motor France et... président de la branche moto de la CSIAM (lire notamment MNC du 19 juillet 2010) . A suivre naturellement de très près sur Moto-Net.Com : restez connectés !
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