Huit ans après son passage de Honda à Yamaha, Valentino Rossi délaisse le blason d'Iwata pour Ducati : un défi ultra-médiatisé qui suscite autant d'admiration que d'interrogations sur les motivations et l'avenir de l'icône du MotoGP... MNC fait le point.
A 31 ans, Valentino Rossi possède déjà un palmarès et une liste de records sans précédent : sacré en 125 cc (1997), en 250 cc (1999), en 500 cc 2-temps (2001), en 990 cc 4-temps (2002, 2003, 2004, 2005) et en 800 cc 4-temps (2008 et 2009), l'italien - dont l'incroyable renommée mondiale éclipserait presque celle du championnat du monde MotoGP ! - a incontestablement marqué de son empreinte la dernière décennie, y compris hors du milieu moto.
Pourtant, malgré toutes ses victoires (104 dont 78 en catégorie reine !), ses multiples podiums (168) et son impressionnante collection de titres mondiaux (9), le prodige de Tavullia semble bien résolu à ne pas céder son trône de sitôt puisqu'il vient d'ajouter une nouvelle page à sa légende en annonçant sa signature avec Ducati pour les saisons 2011 et 2012 (lire Moto-Net.Com du 15 août 2010)...
Valentino... Rosso !
Délaissant la Yamaha YZF-M1 - qu'il a fait passer du milieu de la grille à la première marche du podium en un temps record - au profit d'une Ducati Desmosedici GP aussi rapide que difficile à maîtriser, le Docteur va tenter de contrer (retarder ?) l'inéluctable prise de pouvoir amorcée par la nouvelle génération, quitte à prendre le risque de se brûler les ailes...
Car malgré tout son talent, Valentino Rossi (Rosso, désormais !) n'aura pas la partie facile face à des Casey Stoner, Dani Pedrosa et surtout son actuel coéquipier Jorge Lorenzo, déjà quasiment assuré du titre 2010. En outre, des pilotes comme Ben Spies, Andrea Dovizioso ou même Marco Simoncelli vont progressivement se mêler à la lutte pour la victoire, compliquant du même coup le pari relevé par le génie des alpages.
Quelles sont les motivations de Rossi qui, au sommet de sa gloire, prend le risque de jouer les seconds couteaux pendant plusieurs courses - voire une saison entière, tant la réduction des essais MotoGP risque d'entraver son adaptation à la Ducati -, tandis que ses principaux adversaires débuteront le championnat 2011 en terrain ultra connu ?
Moto-Net.Com fait le point sur les principaux motifs qui ont pu pousser le maestro du MotoGP à céder aux sirènes du blason de Bologne.
Le rôle majeur de Jorge Lorenzo
Sans doute pour la première fois de sa carrière, Rossi a mis d'accord ses fans et ses détracteurs sur un point : quelles que soient les multiples raisons de ce majestueux transfert, Jorge Lorenzo y a joué un rôle majeur.
Archi dominateur depuis le début de la saison 2010 (sept victoires, cinq poles et plus de trois Grands Prix d'avance au classement provisoire), le jeune "coéquipier" de Rossi, aussi véloce que fort psychologiquement, a même été le principal détonateur de la remise en question du n°46.
Certes, Rossi a été le premier à s'imposer lors de l'ouverture de la saison au Qatar - bien aidé par la chute de Stoner, souligneront certains de nos lecteurs - et son effroyable cabriole lors des essais du Grand Prix du Mugello a compromis ses chances de disputer le titre cette année. Cependant, si son absence lors des Grands Prix d'Italie, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de Catalogne a mathématiquement avantagé Lorenzo, ce dernier n'a pas manqué l'occasion de battre, à la régulière et avec le même matériel, son chef de file à Jerez et au Mans !
Pire : en dépit de tous ses efforts pour tenter d'étaler sa supériorité en tant que metteur au point - maintien du mur mis en place entre les deux box à l'époque du passage de Rossi chez Bridgestone, échange des données techniques restreint au strict minimum et développement individuel de l'YZF-M1 -, la star italienne a dû se résoudre à voir son rival ibérique assumer parfaitement ses fonctions de pilote d'usine...
Non seulement Lorenzo n'a commis aucun impair dans ses orientations techniques, mais il a aussi fait preuve d'un sens de la stratégie particulièrement avisé dans ses choix pneumatiques et sa gestion des fins de course. En outre, sa domination lors des essais post-GP de Brno semble indiquer que le garçon est à même d'entretenir la mainmise de Yamaha en MotoGP : encore plus rapide avec le prototype 2011 qu'avec sa M1 2010 en course, le n°99 a collé plus d'une demi seconde à Stoner et Pedrosa et 0,860 seconde à Rossi.
Dès lors, Valentino Rossi - qui souhaitait forcer Yamaha à se débarrasser de Lorenzo à l'issue d'une saison 2010 qu'il pensait dominer - a dû revoir sa copie immédiatement après son accident au Mugello : outre le titre mondial, c'est aussi, très probablement, le statut de pilote "numéro un" que l'italien a perdu lorsque son pneu arrière a décroché dans les esses du circuit italien...
Car il n'était alors pas question pour Jorge Lorenzo de continuer à être considéré comme le second pilote au sein du team Fiat-Yamaha, alors qu'il défendra très certainement son premier titre MotoGP en 2011 même s'il n'a pas encore signé officiellement. Et l'inverse n'avait pas plus de chances de se produire : Rossi en "lieutenant" de Lorenzo était un scénario impossible à imaginer pour le fier italien !
Argent, trop cher, la vie n'a pas de prix...
Fervents amateurs de sports mécaniques, détenteurs d'un palmarès sportif impressionnant en Grand Prix, les Italiens vouent historiquement à la moto un culte sans limite. Dès lors, comment un brillant pilote italien pourrait-il ne pas se laisser tenter par un guidon officiel sur une machine italienne... et performante de surcroît ?
Pour beaucoup, cette association entre Rossi et Ducati relève d'une simple question de logique : fier de ses racines, le n°46 ne pouvait pas manquer l'occasion de faire résonner l'hymne national italien au guidon d'une moto pensée et construite à une portée d'échappement de son cher village de Tavullia !
Cependant, si le futur mariage fait déjà fondre le coeur des tifosis et augure d'une substantielle augmentation des ventes de produits dérivés Ducati, se pose tout de même la question de savoir pourquoi Rossi a attendu si longtemps pour rejoindre une équipe qui lui faisait les yeux doux depuis son retour en catégorie reine en 2003.
Régulièrement interrogé à ce sujet, le Docteur a toujours exprimé une profonde admiration pour la marque de Bologne et particulièrement pour Filippo Preziosi, le concepteur de la Desmosedici, mais il exprimait aussi des craintes au sujet des nombreuses opérations marketing imposées par le sponsor titre des Rouges, le géant Marlboro.
Plusieurs saisons plus tard, la donne a considérablement changé : malgré des normes anti-tabac qui réduisent à peau de chagrin la visibilité durant les courses, le dernier cigarettier du plateau continuerait à être le plus généreux sponsor du paddock, loin devant Respol (HRC), Fiat (Yamaha) ou Rizzla (Suzuki).
Or, sachant que son salaire devait être revu à la baisse chez Yamaha - et qui plus est, au profit de Lorenzo ! -, Valentino a sans doute mis un mouchoir sur ses principes. L'homme a beau se prononcer régulièrement contre le tabagisme - même si avant Fiat, sa Yamaha-M1 portait les couleurs de Gauloises, puis de Camel !), les 15 millions d'euros annuels que lui proposerait la firme de Bologne ont dû rapidement venir à bout de ses dernières réticences, surtout en ces temps de crise où les émoluments de l'ensemble des pilotes font l'objet de "coupes" importantes.
Car selon certains observateurs, si Yamaha tarde tant à annoncer la reconduction du contrat avec Jorge Lorenzo, c'est tout simplement parce que le majorquin - insatisfait du montant proposé par les Japonais - tente de faire monter les enchères...
En rejoignant Ducati, Valentino Rossi ferait donc d'une pierre deux coups : non seulement le n°46 prouve à tout le monde - y compris à lui-même ! - qu'il a conservé suffisamment de "niaque" pour relever un nouveau défi ambitieux, mais il conserve aussi le plus gros salaire du plateau MotoGP !
Car outre la couronne mondiale, Rossi doit aussi défendre son statut de neuvième sportif le mieux payé du monde : 35 millions de dollars (soit près de 28 millions d'euros) pour la saison 2009 selon le magazine Forbes !
Rester dans l'Histoire
Déjà recordman du nombre de victoires et de podiums en catégorie reine (respectivement 78 et 132), unique pilote à avoir remporté un Grand Prix en quatorze saisons consécutives et deuxième à avoir été sacré en 125 cc, 250 cc et 500 cc avec Phil Read, Valentino Rossi possède l'un des plus beaux - si ce n'est le plus beau - palmarès de l'Histoire de la course moto.
Pour autant, deux statistiques titillent encore le n°46 : seul pilote au monde avec Eddie Lawson à être sacré deux années consécutives (2003 et 2004) au guidon de deux motos de marques différentes (Honda et Yamaha), l'italien rentrerait définitivement dans l'Histoire des Grands Prix moto si d'aventure il parvenait à décrocher le titre avec Ducati !
En outre, même s'il s'en défend souvent derrière son éternel sourire malicieux, le fameux record de victoires en Grands Prix de son compatriote Giacomo Agostini (104 à ce jour pour Rossi contre 122 pour Agostini ) est encore à portée de guidon en cas de succès répétés avec Ducati...
Tourner la page ?
Très attaché à Yamaha et à ses hommes, Valentino Rossi n'a vraisemblablement pas quitté le porte-avion japonais pour la frégate italienne de gaieté de coeur : l'émotion perceptible dans la lettre manuscrite qu'il a écrite pour expliquer ses raisons (lire Moto-Net.Com du 15 août 2010) le prouve sans ambigüité.
"Malheureusement, même les plus belles histoires d'amour ont une fin mais elles laissent de merveilleux souvenirs", commente ainsi l'italien qui ne cache pas la force de ses sentiments pour "sa" M1. Dans ce cas, pourquoi abandonner sa belle avec laquelle il avait souvent promis de finir sa carrière ?
"Je pense que mon travail ici chez Yamaha est terminé", explique le nonuple champion du monde. "La situation au sein de Yamaha a beaucoup changé depuis 2004. La M1 est probablement la meilleure machine du MotoGP maintenant, Yamaha a d’excellents pilotes et il semble qu’ils n’aient plus besoin de moi", poursuit l'italien, ouvertement déçu de ne plus monopoliser toute l'attention de son employeur depuis l'arrivée de Jorge Lorenzo.
Après avoir quitté Honda qui accordait plus de mérite à sa RCV211 qu'à son pilote, "Vale" aurait-il tout simplement mis un terme à sa relation avec la marque aux trois diapasons car celle-ci se serait tournée trop rapidement vers un avenir symbolisé par Lorenzo et Spies ?
Blessé de commencer à être considéré comme une gloire du passé par son employeur et certains de ses rivaux plus jeunes d'une dizaine d'années, Rossi pourrait bien avoir choisi cet ultime défi par orgueil, afin de démontrer que le lion n'est pas mort et que ses griffes sont encore acérées !
Reste désormais à prendre la mesure d'une Ducati qui n'est pas montée sur la plus haute marche du podium depuis le Grand Prix de Malaisie en 2009, et que beaucoup considèrent comme une diva indomptable. Pour ce faire, le n°46 devra commencer par convaincre Yamaha de le laisser prendre les commandes de la GP10 dès la fin de la saison à Valence, même si Masao Furusawa, le directeur exécutif de Yamaha, a déjà qualifié ce scénario de "peu probable"...
"Je serais très déçu et très triste si Yamaha refusait", a fait savoir le champion du monde en titre, lié contractuellement à Yamaha jusqu'au 31 décembre 2010. "Seul Honda m’a dit non par le passé et c’était une relation très différente de celle que j’ai avec Yamaha. Si je ne peux pas le faire, je n’aurais vraiment rien compris à ma relation avec Yamaha", déplore le Docteur, tant il est vrai qu'il serait dommage de débuter une si belle nouvelle page par une vilaine rature...
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