Contrarié par le développement des communautés d'usagers utilisant des avertisseurs de radars, le gouvernement menace de rendre leur usage répréhensible. En s'abstenant, bien sûr, de s'interroger sur l'origine de cet engouement !
Malgré un mois de février satisfaisant avec 255 tués sur les routes (-15 % par rapport à février 2009, soit le mois le moins meurtrier jamais enregistré sur les routes françaises), le gouvernement ultra sécuritaire français continue de pointer du doigt les mauvaises habitudes routières qui, comme chacun sait, ne peuvent être éradiquées qu'à grands coups de répression...
Pourtant, malgré la prolifération des radars automatiques et la mise en place de véritables "souricières" au bord des routes, autoroutes, villages et jusqu'à la moindre petite ruelle française, les statistiques d'accidentologie restent bien éloignées des résultats exigés par Nicolas Sarkozy (3000 morts/an d'ci 2012).
Mais si les usagers de la route, contrairement aux "associations de victimes", y voient les limites du tout-répressif et continuent à prôner le développement de mesures préventives et éducatives, le gouvernement, lui, persiste et signe : sa stratégie ne se prêterait à aucune critique et ses échecs s'expliqueraient dorénavant par l'engouement prononcé pour les avertisseurs de radars.
A l'inverse des détecteurs de radars (dont la possession, l'usage et la vente sont interdites et punies d'une amende de 5ème classe suivant l'article R 413-15 du code de la route), les avertisseurs de radars ne détectent pas la présence de jumelles ou des tristement célèbres boîtes grises : basés sur la solidarité des utilisateurs, les systèmes tels que Coyote, Inforad, Snooper, Avertinoo, Wikango et bien d'autres profitent du développement des nouvelles technologies (y compris sur Iphone) pour prévenir en temps réel leurs propriétaires à l'approche d'une zone "à risques".
Ce procédé est parfaitement légal : les conducteurs signalent la présence d'un radar à un serveur, qui communique ensuite sa position à toutes les personnes utilisant le même type d'appareil. Il est ni plus ni moins que l'équivalent technologique du bon vieil appel de phares (lire notamment MNC du 18 juin 2009 : Coyote Rider, le nouvel ami du permis moto ?).
Sauf que l'efficacité croissante de tels systèmes communautaires (dont l'efficacité est directement basée sur le nombre d'utilisateurs) agace les pouvoirs publics qui voient dans ces avertisseurs une menace à la répression à tout crin : "c'est un moyen qui, pour l'instant, est légal. S'il venait à gêner la lutte pour la sécurité routière, nous serions amenés, naturellement, à étudier ce cas", a ainsi récemment prévenu le secrétaire d'État aux transports, Dominique Bussereau, au micro d'Europe1.
En réalité, cette supposée "gêne dans la lutte pour la sécurité routière" se traduit aussi et surtout par un manque à gagner conséquent pour l'Etat sur le plan financier ! Pour tenter d'enrayer cet engouement (au 1er mars, Coyote revendiquait ainsi 360 000 abonnés et 513 945 radars mobiles signalés) le cabinet de Dominique Bussereau a déjà reçu Fabien Pierlot, fondateur de Coyote, pour le prier de veiller à ce que les campagnes publicitaires de son entreprise "ne soient pas perçues comme autant d'encouragements à s'affranchir des limitations de vitesse". En attendant de convoquer les constructeurs pour graver "Conduire tue" sur les pare-brises des voitures et les compte-tours des motos ?
Coyote n'a donc pas hésité à mettre en avant l'effet positif de son dispositif sur l'accidentologie : au-delà de la présence de radars, les membres de la communauté Coyote peuvent en effet s'avertir des perturbations rencontrés sur leurs itinéraires (ralentissements, accidents, travaux, etc.). Selon le constructeur, pas moins de "84 817 perturbations routières" auraient ainsi été signalées en février, soit autant de conducteurs potentiellement plus attentifs et réactifs devant une situation délicate.
La légalité des avertisseurs de radars risque donc bien d'être remise en cause à l'avenir : autorisés dans la plupart des pays européens, Coyote et ses concurrents sont déjà prohibés en Suisse, en Autriche et en Allemagne. En France, ils suscitent déjà l'indignation de la très écoutée Ligue contre la violence routière dont la présidente, l'inénarrable Chantal Perrichon, réclame carrément l'interdiction pure et simple de ce dispositif : "tous les outils permettant de déjouer les contrôles de vitesse, appels de phares compris, doivent être prohibés", a-t-elle affirmé sans sourciller à nos confrères du Figaro !
Même son de cloche auprès de Guy-Patrick Fontenaille, chef du bureau de la sécurité routière de la gendarmerie : "la plupart des gens qui investissent dans de tels équipements le font notamment pour mettre en échec nos contrôles routiers".
A l'évidence, déjouer la surveillance routière n'est certainement pas une solution idéale, d'autant qu'elle engendre ou engendrera d'inévitables abus. Mais la cadence à laquelle les points sont retirés aux conducteurs français ne laisse parfois guère de choix : faudra-t-il que tous les usagers de la route perdent leurs permis pour que l'Etat accepte enfin de revoir certaines de ses mesures parmi les plus abusives ?
.
.
.
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.