Dans l'ombre de Pirelli sur le plan sportif, Metzeler conçoit pourtant des pneus moto haute performances en appliquant ses propres recettes. Moto-Net.Com a essayé le dernier né de la gamme Supersport de la marque à l'éléphant, le Sportec M5 Interact.
Intégrés au groupe Pirelli depuis 1986, les ingénieurs du service R&D du manufacturier allemand Metzeler continuent à développer leur savoir-faire indépendamment des recherches menées par la marque italienne, en se basant sur près de 150 ans d'expérience dans le pneu.
Préférant mettre en avant deux marques avec des philosophies et des technologies différentes afin de toucher une frange d'utilisateurs la plus large possible, les dirigeants du groupe italien n'ont jamais cherché à regrouper les compétences de Pirelli et Metzeler sous une seule bannière ou à limiter leurs champs d'actions respectifs.
Ainsi, même si les pneus italiens jouissent d'une solide réputation dans le milieu de la compétition (le statut de fournisseur unique de Pirelli en Mondial Superbike aidant) et que Metzeler soit plutôt reconnu pour la polyvalence et la longévité de sa gamme routière, ce dernier développe aussi des pneus Supersport et Racing en appliquant ses propres méthodes (ceinture en acier 0°, notamment) dans le but de proposer une alternative techniquement différente.
Une stratégie intéressante - bien que risquée, puisque cette "double" offre peut engendrer une cannibalisation des ventes entre les deux marques - qui permet à Metzeler de proposer "en nom propre" un nouveau pneumatique destiné aux sportives utilisées sur route et parfois sur circuit : le Sportec M5 Interact.
Contrairement à ses concurrent directs (Pirelli Diablo Rosso, Michelin Power 2 CT, Dunlop Qualifier II, Bridgestone BT-016 et Continental Sport Attack) au sein de ce segment finalement assez représentatif du réel usage d'un pneu sport, la nouvelle gomme allemande ne fait pas la part belle à l'incontournable multi-gommes.
Pour concilier polyvalence et adhérence, Metzeler reste en effet fidèle au procédé Interact : cette technique brevetée, qui fait appel à des tensions différentes des brins d'acier composant la ceinture à 0°, a été découverte sur le Sport-touring Z6 Interact en 2008 (lire notre Essai Moto-Net.Com du pneu Metzeler Z6 Interact) et reprise l'année suivante sur le pneu orienté piste, le Racetec Interact.
L'accordage parfait ?
A l'occasion du lancement de son nouveau produit lors d'un essai sur le sélectif circuit de Portimao (Autodromo do Algarve) et sur les petites routes portugaises avoisinantes, Metzeler est revenu sur cette intéressante technologie qui peut s'assimiler à l'accordage des six cordes d'une guitare...
Sur l'instrument, les hautes tensions des cordes du bas engendrent des petits mouvements vibrants rapides et des sons aigus, tandis que les cordes du haut, moins tendues, donnent des mouvements vibrants plus lents et des sons plus graves.
Enroulés autour de la carcasse et stratégiquement placés au niveau des sculptures de la gomme, les 120 brins en acier constituant la ceinture à 0° du Sportec M5 Interact abordent eux aussi des tensions différentes dans le but de générer des micro-vibrations (et donc de la chaleur, synonyme de grip) différentes.
Pour simplifier, plus la tension est faible, plus il y a de micro-vibrations à cet endroit et plus la température de la gomme est élevée : le pneu offre alors son meilleur niveau de grip. A l'opposé, une tension plus élevée réduit les micro-vibrations : la température est donc moins importante, ce qui garantirait une longévité et une stabilité plus importante.
Uniquement appliquée au pneu arrière, qui doit aussi offrir la motricité en sortie de courbes contrairement à l'avant qui est surtout sollicité lors des freinages et les mises sur l'angle, la technologie Interact se distingue par ses "cinq zones de tensions différentes", indique Metzeler... qui abuse légèrement des effets du marketing (voir schéma ci-dessous) !
En réalité, le M5 Interact arrière se divise en trois parties : une zone de tensions élevées au centre, réduisant les mouvements de la gomme pour une usure réduite et une bonne stabilité à haute vitesse (zone 3 sur le schéma). Une zone de faibles tensions engendrant plus de flexibilité pour augmenter la température (zone 2-4). Et une zone de tensions extrêmement élevée sur les épaules, "permettant d’uniformiser la pression sur la zone de contact lors de prise d’angle élevée", précisent les ingénieurs allemands (zone 1-5).
Le mouillé, c'est pas dans la tête mais dans les pneus !
Naturellement présenté comme "le pneu Supersport polyvalent idéal", le Sportec M5 Interact remplace le Sportec M3 dans la gamme sportive du pneumaticien : outre l'application de la technologie Interact et un dessin des sculptures inspiré du Pi grec, l'utilisation de nouveaux polymères et l'augmentation du taux de silice augmenteraient sensiblement les performances, notamment sur le mouillé, assure le fabricant...
Une bénédiction au regard des conditions climatiques qui accompagnent la découverte de ce pneu : balayées par la pluie et le vent depuis plusieurs jours, les routes et le circuit de la région de Portimao se révèlent copieusement détrempés lors des premiers tests destinés à éprouver les qualités de ce Sportec M5 Interact !
Visant à offrir les meilleures performances aussi bien sur le bitume parfait d'une piste sèche que sur les imperfections d'une petite route mouillée, le M5 a fait l'objet de beaucoup de recherches sur le plan du drainage. Convaincus du bien fondé de leur nouveau profil (la reproduction du dessin Pi sur la gomme augmenterait de 10% l'empreinte du pneumatique au sol), les ingénieurs allemands nous invitent à prendre le guidon d'une BMW S 1000 RR et de réaliser plusieurs freinages d'urgence sur une portion de piste arrosée en continu...
Un premier essai à 70 km/h avec la bombe teutonne (lire notre Essai complet de la S 1000 RR) révèle une excellente conservation du pouvoir directionnel lors d'une violente prise de freins sur ce bitume recouvert de plusieurs millimètres d'eau. Mis en confiance, le test suivant consistera à ne freiner que de l'arrière à 90 km/h, pour mettre en défaut l'adhérence : si l'ABS de l'Hypersport allemande se déclenche immanquablement dès les premiers mètres, sa mise en action ne remet cependant pas en cause la stabilité de la moto et permet de continuer à solliciter au maximum le grip offert par l'enveloppe arrière.
Enfin, sollicitée de l'avant à 110 km/h, la BMW nous gratifie d'une distance d'arrêt étonnamment courte : l'adhérence offerte par le M5 avant est telle que l'arrière de la machine se soulève même gentiment lors de l'ultime pression sur le levier droit ! Prometteur lors des phases de freinage, le Sportec M5 Interact doit maintenant convaincre sur le redoutable circuit de Portimao : 4,6 km de virages lents, d'enchaînements rapides et de dénivelés dignes d'une montagne russe !
Pour mieux jauger les réactions de ce nouveau produit, la rédaction de Moto-Net.Com a sélectionné cinq motos aux tempéraments et à l'architecture moteur différentes : une Kawasaki ZX-6R (lire notre Essai Moto-Net.Com), une Triumph 675 Daytona (lire notre Essai Moto-Net.Com), une Suzuki GSX-R 1000 (lire notre Essai Moto-Net.Com), une BMW S 1000 RR et une KTM RC8 R (lire notre Essai Moto-Net.Com).
Prudemment, la découverte du circuit encore mouillé se fait en compagnie de la Kawasaki : agile et prompte à se jeter sur l'angle, la Zak' semble facilement s'accorder avec le profil assez rond du Metzeler avant. La première prise de frein n'entraîne aucun mouvement malsain et encore moins de sensation de dérobade... malgré des zones de freinage parfois aussi brillantes qu'un miroir !
Un tour de circuit (sur des oeufs !) plus tard, c'est avec plus de conviction que le quatre-cylindres est cravaché dans la ligne droite de 835 mètres : cette fois, c'est à plus de 240 km/h que le freinage est entamé ! Gardant parfaitement son cap, sans dribble de l'arrière et sans perte d'adhérence de l'avant, la ZX-6R plonge dans le premier droit avec suffisamment de gaz pour en ressortir vivement. Peut-être trop de gaz d'ailleurs (9000 tr/min), puisqu'une dérive de l'arrière vient immédiatement sanctionner cette trop rapide prise de confiance lors de la ré-accélération !
Progressive et facilement contrôlable en soulageant doucement l'accélérateur, cette petite glisse permet de mettre le doigt sur l'un des points forts du Metzeler : sa neutralité et son côté progressif en toutes circonstances. Malgré une piste qui prendra tout de même deux sessions de vingt minutes à sécher, la rapide montée en température de l'avant et sa mise sur l'angle sans à-coup permettront de se jouer de ces conditions particulièrement casse-gu...e !
Les gros freineurs apprécieront en outre de savoir que le Sportec M5 Interact ne rigidifie pas l'avant de la moto lors des entrées en courbes sur les freins, tandis que les essoreurs de poignée droite salueront les capacités de l'arrière à encaisser le couple du trois-pattes de la 675 Daytona (73 Nm), du puissant quatre-cylindres d'un Gex 1000 (11,9 m/kg) et même du gros bicylindre (123 Nm) d'une KTM RC8 R !
Du grip, partout et par tous les temps !
Au fur et à mesure que la piste sèche, la sollicitation de l'adhérence arrière est en effet de plus en plus prononcée à la sortie des douze virages du circuit portugais et malgré la hausse de rythme, le sentiment de sécurité prévaut.
Evidemment, l'impressionnante cavalerie des plus grosses machines choisies (respectivement 170, 185 et 193 ch pour la KTM, la Suzuki et la BMW) finira par avoir raison de la motricité lors de passages trop appuyés sur des parties encore humides. Mais au vu de sa vocation (beaucoup de route et un peu de piste), le M5 fait mieux que s'en tirer avec les honneurs !
Plus édifiant encore, le déclenchement de l'anti-wheeling de la BMW S 1000 RR lors d'une accélération un peu optimiste en sortie d'épingle serrée validera le haut degré de grip du pneumatique arrière : alors qu'une jolie glissade (et donc l'entrée en action de l'anti-patinage de la moto) auraient facilement pu sanctionner cet excès de gaz, le Sportec M5 Interact a conservé suffisamment de motricité sur l'angle, malgré l'humidité, pour faire lever le nez de la BMW :sacrée performance étant donnée la rage avec laquelle la S 1000 RR délivre sa puissance !
Dernière étape de cet essai, un road-trip de 130 km mené tambour battant. Débuté en Bandit 1250 S (lire notre Essai comparatif Bandit 1250SA / CBF1000FA), ce trajet mêlant petites routes, traversées d'agglomérations et grandes routes nous a permis d'en savoir un peu plus sur les prétentions routières du Metzeler Sportec M5 Interact...
Premier constat : le profil arrondi du pneu avant n'améliore pas cette sensation de lourdeur provenant du train avant de la Suzuki. Contrairement à quelques-uns de ses rivaux, le M5 n'apparaît pas aussi incisif à la mise sur l'angle. Bénéfique sur les motos trop sensibles de l'avant, ce phénomène est à prendre en compte avant une éventuelle monte sur une machine manquant d'agilité.
Cette différence s'explique par le positionnement de Metzeler : le Sportec M5 Interact est pensé comme un produit routier adapté à quelques incursions sur circuit, au contraire de certains pneus course supportant (avec plus ou moins de bonne volonté) les contraintes de la route. Immédiatement, le pilote retrouve cette sérénité découverte sur piste : jamais vicieuse, l'enveloppe allemande accepte les freinages appuyés sur l'angle sans dérobades, malgré les nombreuses coulées de boues présentes sur notre itinéraire.
Offrant plus de motricité que la monte d'origine, l'arrière remplit son office avec cette même polyvalence doublée d'efficacité, qui permet de maltraiter sans vergogne la Bandit "12" en sortie de courbe ! On note toutefois une sensible perte de confort sur les bosses, probablement due à la rigidité plus prononcée du Metzeler M5. Au guidon d'une BMW F 800 R (lire notre Essai Moto-Net.Com), le sentiment général est le même : impérial en toutes circonstances, le Metzeler permet des prises d'angles conséquentes et de copieuses remises de gaz !
La stabilité à haute vitesse n'attire aucune critique, tout comme la gestion du grip sur routes humides : malgré les nombreux pièges et le rythme plus que soutenu de cet essai, tous les journalistes conviés à ce lancement ont largement dépassé les indicateurs d’inclinaison placés sur les épaules du pneu arrière !
Au nombre de cinq (correspondant, selon le poids de la moto et de la pression du pneu, à un carrossage de 25°, 30°, 35°,40° et 45°), ces repères visuels inédits permettent de visualiser le degré d'angle pris lors d'une tranquille promenade ou d'une bourre effrénée ! Ce procédé original distille surtout une délicieuse touche provocatrice et "fun" jusqu'ici réservés aux produits estampillés Pirelli...
Pour autant, le Sportec M5 Interact est bel et bien un Metzeler : il reste neutre, stable et très à l'aise lorsque les conditions se dégradent. Des qualités auxquelles s'ajoutent l'endurance : de retour sur le circuit de Portimao où nos confrères espagnols ont réalisé cinq nouvelles sessions de vingt minutes avec les pneus que nous avions utilisés pendant la même durée, une inspection après-coup a révélé une étonnante fraîcheur.
Aucune bouloche ni signe de surchauffe à déplorer, malgré les fortes puissances des motos et dix sessions sur un circuit aussi rapide qu'exigeant ! Certes, la température de l'air assez fraîche (15°C environ) et nos deux premières sessions réalisées sur piste mouillée ont joué en faveur de la conservation, mais la performance demeure pas moins remarquable !
"Une partie de l'explication réside dans l'utilisation d'une ceinture à 0° et des différentes zones de tensions qui offrent une usure contrôlée et homogène", nous expliquent les techniciens Metzeler (voir photo ci-contre).
"Mais c'est aussi parce que nous avons délibérément choisi de ne pas ou peu enlever de pression lors de cet essai, même sur circuit (2,5 bars à l'avant et à l'arrière, soit des valeurs très proches de celles préconisées d'origine, NDLR), car ce pneumatique est réservé à des motards allant occasionnellement sur piste. Or nous souhaitions démontrer que notre M5 Interact est suffisamment abouti pour ne pas obligatoirement nécessiter des pressions différentes en fonctions des performances désirées". Un autre bon point pour la rigueur allemande !
Le nouveau pneu Sportec M5 Interact est actuellement disponible en 120/70ZR17 (avant) et en 180/55ZR17, 190/50ZR17 et 190/55ZR17 (arrière). Les dimensions 120/60ZR17 (AV) et 160/60ZR17 sortiront prochainement pour ce successeur du Sportec M3 qui conservera le tarif moyen affiché par son prédécesseur : environ 255 euros pour un train en 120/70/17 et 180/55/17.
.
.
.