Cela faisait longtemps qu'il en rêvait et il l'a fait : Erik Buell propose cette année une sportive avec un moteur capable de rugir ! Pour autant, la 1125R demeure-t-elle une vraie Buell, fidèle à la trilogie du même nom ? Test !
"Je souhaitais créer la 1125R depuis longtemps !", nous confiait Erik Buell himself lors du dernier Mondial du deux-roues à Paris (lire Moto-Net.Com du 16 octobre 2007).
Dès la fin des années 80 - déjà ! -, le "pilote - ingénieur - constructeur - visionnaire" souhaitait placer, dans une partie cycle affûtée dont il a le secret, un moteur qui pousserait plus fort et même plus longtemps que les derniers Thunderstorm installés sur ses XB12.
Mais Erik Buell a dû patienter plus de vingt ans pour annoncer, en juillet 2007, l'arrivée de la 1125R... Sa belle s'est même fait attendre quelques semaines supplémentaires avant de débarquer dans sa version finale (lire encadré ci-dessous)...
Des 1125R à eau "By air" !
Pour sa présentation française, Buell France a même été obligé de faire venir ses modèles d'essai par avion ! "Le reste des 150 premières commandes suit en bateau et arrivera dans les concessions début mai", précise Jean-Charles Geneste, l'un des responsables de la marque dans l'Hexagone.
Pour le test de cette nouveauté 2008 donc, Buell France avait convié les journalistes à Beuvardes, dans l'Aisne : l'occasion de tester la version d'origine de la 1125 R - qui développe 146 ch ! - sur le tout nouveau Circuit des Écuyers, et la version bridée sur les routes environnantes...
Minutieusement décrite par le constructeur l'été dernier (lire Moto-Net.Com du 10 juillet 2007), cette présentation nous avait amené à nous poser une question existentielle : la 1125R est-elle la suite logique de la "Trilogy" ?
Six mois de retard... |
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D'aspect, nous avions déjà noté que cette nouveauté 2008 américaine possédait bon nombre de points communs avec ces devancières. Logique puisque la 1125R répond à la sacro-sainte trilogie "buellesque" : centralisation des masses, rigidité du châssis et réduction des poids non suspendus.
A l'usage, la 1125R se révèle-t-elle être la digne représentante de la philosophie d'Erik Buell ? On pouvait en douter puisque certaines de ses caractéristiques l'assimilent plus à une Superbike qu'à une Buell "conventionnelle" : 146 chevaux pour 170 kg, un V-Twin à refroidissement liquide dont l'alésage est bien plus important que la course (103 x 67,5 mm)... Alors au pilotage, qu'en est-il ?
Déjà en prenant les commandes de la bête, on ne peut pas passer à côté de la signature d'Erik et de la mention "25th anniversary" : eh oui, déjà un quart de siècle ! De même, en mettant le contact, le tableau digital affiche fièrement la provenance de la moto : "Wisconsin, USA"... On est prévenu !
L'aiguille boucle tranquillement son tour initial de compteur - on découvre qu'elle s'illumine en arrivant près de la zone rouge ! - et on actionne le démarreur. Comme sur toutes les Buell, les commodos font un peu vieillot mais on apprécie en revanche que les commandes (leviers, sélecteur et pédale) soient toutes réglables.
Buell family ?
Mais en démarrant le moteur, le lien de parenté se distend : contrairement aux XB12 qui dispensent leur lot de vibrations même arrêtées (lire Essai Moto-Net.Com du 6 avril 2007 et Essai Moto-Net.Com du 30 mars 2006), la 1125R se montre beaucoup plus sage. Fixé directement au cadre, le moteur baptisé "Helicon" dispose de trois arbres d'équilibrage qui filtrent parfaitement les soubresauts des deux grosses gamelles.
À l'arrêt toujours, les vifs coups de gaz se traduisent par des montées en régimes plus vigoureuses que sur les autres Buell mais demeurent moins véloces que sur les 4-cylindres japonais. Niveau son, l'américaine se défend très bien et conserve une tonalité "Buell" certaine.
Enfin on passe la première : "clonk". La boîte est un peu bruyante mais facile à manier. On remercie au passage la commande d'embrayage hydraulique assistée de la dépression du moteur, qui facilite effectivement le travail de la main gauche. On relâche progressivement l'embrayage... et c'est parti !
La première est relativement longue, si bien qu'en ville on hésite à enclencher le deuxième rapport. À très basse vitesse, il faut jouer de l'embrayage : c'est bel et bien une sportive ! Le guidon - très droit - offre un bras de levier inférieur à ceux de ses sœurs XB12. "L'agilité insoupçonnée" des grosses américaines n'est donc plus aussi frappante.
Sportive "de route"
Contrairement au premier modèle d'Ulysses testé par Moto-Net.Com (le défaut du XB12X a été corrigé depuis), l'angle de braquage de la 1125R permet de manoeuvrer sans souci dans les centres-villes ou parking. De même, le nouveau bicylindre accepte de reprendre à partir de 2000 tr/min sans heurts et permet au pilote de se concentrer sur la circulation plutôt que sur sa démultiplication.
Mais c'est naturellement sur route que le véritable test a lieu ! Premier constat : la position de conduite agréable permet de conduire sans jamais se fatiguer. La selle, le guidon, les repose-pieds forment un trio accueillant et sur autoroute et la "Quiet Zone" permet de s'isoler totalement des remous d'air.
"La 1125R doit être considérée comme une sportive de route plutôt qu'une pistarde exclusive", souligne à juste titre Jean-Charles Geneste. Il serait d'ailleurs dommage de ne pas profiter des 20 litres de contenance en essence qu'offrent les poutres de son châssis !
Le travail des suspensions accentue encore la vocation routière de la 1125R : elles gomment très bien les imperfections des routes des environs de Château-Thierry et d'ailleurs. Toutefois, ceux qui souhaiteraient "radicaliser" un peu son comportement - et se taper le cul pour faire "rééécing", ce qui est tout à fait louable - pourront revoir les réglages en précharge, compression et détente de la fourche et de l'amortisseur arrière.
L'un des désagréments observés sur route concerne la visibilité dans les rétroviseurs, très fortement troublée par les vibrations de la bulle. Heureusement, ces vibrations restent cantonnées à ces deux extrémités et quel que soit le régime moteur adopté, le pilote ne ressent aucune gêne ni aux mains, ni aux fesses, ni aux pieds.
La plage d'utilisation du V-Twin est d'ailleurs relativement large : entre 3000 et 8000 tours, le moteur Rotax - qui restera exclusif à la marque américaine - offre une réponse vigoureuse et immédiate à la moindre rotation de la poignée, dans la plus grande tradition Buell. Sauf qu'avec cette Buell, on peut monter davantage dans les tours !
C'est sur circuit, aux commandes de la version d'origine - avec les papillons qui s'ouvrent à 90° -, que l'on profite pleinement de cette "nouveauté". "Ce qui plaît chez Buell, c'est la maniabilité, la précision et la puissance", ", résumait Erik Buell lors de notre entretien début octobre au Mondial. "Malheureusement pour certains, cette puissance s'arrêtait trop tôt (il mime alors une belle courbe bien pleine qui tombe à pic relativement tôt, NDLR). Avec la 1125R on en a plus, mais on conserve ce côté "sans mauvaise surprise", exploitable et fun !".
On peut prendre des tours !
Certes, les 146 chevaux annoncés en sortie de vilebrequin n'impressionnent pas autant que les 170 chevaux (et quelques...) de certaines concurrentes. Reste que la 1125R a le mérite de prolonger la poussée d'adrénaline bien au-delà de ce que peuvent faire les XB12, et accroît par la même occasion le nombre de motards susceptibles d'intégrer la famille Buell.
Pour faire partie de ce gang américain, le pilote devra toutefois traverser une épreuve spécifique aux motos d'East Troy : celle du ventilo... Irritant sur la série XB car il masque en partie le "potato-potATO-POTATO" envoutant du Thunderstorm, le ventilateur du Helicon l'est presque autant sur la 1125R, surtout lors des pauses "post-arsouille-entre-potes".
Le passage au refroidissement liquide et le décentrage de l'amortisseur arrière - pour faciliter le flux d'air sur le cylindre arrière - n'ont pas suffi à faire définitivement taire ce satané ventilo... Il faudra donc patienter une ou deux minutes après l'arrêt du moteur pour pouvoir engager la discussion !
Une discussion entre camarades de virée qui risque fort d'être animée, étant donné le niveau de performance atteint par la nouvelle ricaine. Certes, sur départementales viroleuses, un bon pilote sur "XB" est redoutable: demandez à Denis Bouan ou Manu Siaux, docteurs ès STT (lire notre Dossier spécial Rallyes 2008 et notre Dossier spécial DDMT 2007). Mais sur parcours plus roulant, les japonaises avaient habituellement le dernier mot... Eh bien désormais, les pilotes "nippons" auront bien du mal à distancer un possesseur de 1125R !
De plus, au moteur "sensationnel" de la 1125R se greffent une transmission par courroie qui ne cause aucun souci - bien au contraire, surtout au niveau entretien ! - et une boîte de vitesses encore un peu lente mais précise et bien étagée.
Partie cycle "Buell approved"
Quant à la partie cycle, elle est diablement efficace ! Incisif, le train avant est même à surveiller lors des changements d'angles vifs à l'accélération. Néanmoins, seuls les pilotes de la trempe de Bruno Destoop (qui chasse les 1098 et RSV dans le championnat Top Twin) éprouveront le réel besoin d'équiper leur Buell d'un amortisseur de direction.
L'utilisation du frein avant requiert lui aussi une certaine attention ou plutôt, une courte période d'adaptation. Inspiré du système qui équipe la XBRR (lire Moto-Net.Com du 1 février 2006), l'étrier 8 pistons de la 1125R vient mordre - férocement - le disque périmétrique et son action n'est pas toujours transparente au guidon.
En effet, conserver sa trajectoire tout en peaufinant sa vitesse dans les entrées en courbe - où en plein dedans, merci les rigoles de flotte sur le circuit ! - au moyen du levier droit demande une certaine habitude. Les freinages en bout de ligne droite sont quant à eux bien plus faciles : les mains et les genoux respectivement calés sur le guidon et les flancs saillants du cadre, le pilote prend autant de plaisir à décélérer qu'à accélérer !
Sur route en revanche, on fera attention à ne pas trop brusquer le frein avant (on oublie très vite le frein arrière, sans doute parce que l'étrier est invisible, subtilement logé sous le bras oscillant...). La roue avant a vite fait de se dérober sur revêtement gras-mouillé et, sur route propre, les rotules risquent de vite fatiguer contre les excroissances du cadre : le confort est moindre avec un jean - même renforcé - qu'avec une combi de cuir...
En revanche, il existe un inconvénient à porter "l'attirail de piste" sur route aux commandes de la 1125R : les genoux emmagasinent une grande quantité de chaleur au contact des flancs du cadre, ceux-ci jouxtant au plus près le "bouilleur" qui porte bien son nom.
Soutenable en ce début - timide - de printemps, la température du moteur demandera sans doute au pilote d'écarter momentanément les genoux de la moto pour se rafraîchir : pas super élégant... "Mais c'était pire avant !", ont pu remarquer les journalistes invités à l'avant-première de Laguna Seca qui, elle aussi, porte bien son nom...
Au final, la 1125R est bel et bien la Buell que les amateurs de sport attendaient ! Coupleuse et puissante, elle conserve le coté incisif des Buell, tant du côté du comportement dynamique qu'esthétique... et tarifaire ! Car à 12 695 euros, la nouvelle Buell peut se targuer d'être l'une des Superbike les moins chères du marché. Comme quoi, rouler différent ne coûte pas forcément plus cher...
Pour ce prix-là, "un client peut demander cette moto en n'importe quelle couleur, du moment que c'est noir"... En attendant un replica de la livrée "racing" blanche, noire et bleue de Bruno Destoop ? Affaire à suivre !
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