En Suisse, un institut de recherches spécialisé dans les gaz d'échappement étudie les émissions des scooters 50 cc et des moteurs deux-temps. Il offre un éclairage scientifique, mais aussi politique, sur l'épineuse question de la pollution des deux-roues.
Les deux-roues polluent-ils moins que les voitures ? Face au sempiternel débat sur les mérites environnementaux supposés des petits deux-roues urbains (lire notamment Moto-Net.Com du 23 mai 2007 et notre Dossier spécial Environnement), un institut de recherche suisse, spécialiste des émissions polluantes des scooters de 50 cm3 et des moteurs deux-temps, offre un éclairage scientifique mais aussi politique sur cette épineuse question.
A Bienne, petite ville à 40 km dans la banlieue de Bern, le professeur Jan Czervinski dirige le Laboratoire de contrôle des gaz d'échappement de la Haute école spécialisée bernoise en technique et informatique. En pointe sur ces questions, la Suisse a lancé depuis 1990 un programme d'études sur les gaz d'échappement des voitures et l'a étendu au début des années 2000 aux scooters et aux petites cylindrées deux-temps.
Depuis six ans, Jan Czervinski étudie les émissions des scooters et des moteurs deux-temps dans le cadre d'un programme européen. Ici, pas question de CO2 - dont les deux-roues sont de faibles émetteurs par rapport au voitures - mais plutôt de particules en suspension, d'hydrocarbures et de nanoparticules. Car tous ces petits corps sont accusés d'avoir des effets néfastes sur la santé et l'environnement.
Le choix de travailler sur le moteur deux-temps peut surprendre, étant donné que ce type de moteur limité aux petites cylindrées n'est pas représentatif de l'état du marché. Pourtant, à l'échelle planétaire, la majorité des deux-roues circulant dans le monde sont des deux-temps : plus fiables, moins chers, ils constituent l'écrasante majorité du parc dans les pays d'Asie et dans les pays en développement. Les problèmes inhérents à leur combustion interne sont donc responsables d'émissions très préoccupantes.
Montré du doigt comme un important émetteur de particules polluantes et nocives, le moteur deux-temps a plusieurs fois fait l'objet de velléités de bannissement (lire notamment Moto-Net.Com du 8 mars 2005). Mais les conclusions du programme de l'institut de Bienne ont de quoi refroidir les censeurs...
Ainsi, après avoir étudié et testé plusieurs configurations de moteur deux-temps avec une dizaine d'huiles différentes, une variation des dosages de lubrifications, divers types de catalyseurs (dont le "Dummy", un catalyseur spécial qui simule une activité catalytique nulle) ou encore les pots d'échappements et la géométrie de disposition des moteurs, les conclusions sont claires : tout est affaire de réglage et de contrôle !
"Le principal enseignement est que, dans la meilleure configuration possible, le taux de rejet des particules d'un 50 cm3 deux-temps est vingt fois inférieur au pire des moteurs de la flotte", révèle l'institut : "nous ne pensons donc pas qu'il faille interdire les deux-temps, mais s'assurer de leur bon état de réglage. De plus, il faut savoir qu'un moteur quatre-temps mal réglé ou usé peut aussi être source d'émissions de (nano)particules".
En soulevant la question des contrôles et des réglages, la question se déplace donc vers le champ politique... et vers la généralisation en Europe du contrôle technique obligatoire pour les deux-roues, comme en Allemagne où sont notamment vérifiés les réglages des ralentis (bas et élevés) depuis 2007.
Pourtant, indique le professeur, "ces mesures ne sont pas si lourdes à mettre en place : il existe des appareils de mesure, abordables pour les garagistes, qui permettent de contrôler facilement et rapidement les véhicules".
Reste que la production elle-même n'est pas contrôlée, en particulier à la sortie des chaînes de montages : comment s'assurer que les modèles produits en usine sont bien conformes aux performances affichées lors de l'homologation ? Mais les conséquences de cette prise de conscience seraient lourdes pour toute la filière, du constructeur au consommateur et au concessionnaire.
"Le plus important est d'établir un système de contrôle et de qualité à toute la filière", estime le professeur Czervinski, "mais les politiques ne bougent pas. Il est plus facile de proclamer qu'il faut interdire le deux-temps !", conclut-il, un rien désabusé...
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