La date de son départ de la scène publique avait sans cesse été repoussée par Piaggio, mais le dernier recours en grâce semble avoir été utilisé : le 31 décembre 2007, le PX passera à la postérité... Rétrospective, essai et portraits.
On avait fini par s'y faire, car la fin du Piaggio PX avait déjà été annoncée à de multiples reprises. Le constructeur italien avait en effet eu tendance à jouer les prolongations, tant ce modèle faisait (et fait encore !) partie de notre quotidien.
Mais le 31 décembre 2007, après 30 ans de production, le dernier de la lignée des célèbres Vespa deux-temps à vitesses manuelles prendra sa retraite : passée cette date butoir, en raison de la norme Euro 3, il ne sera plus autorisé à être commercialisé dans sa configuration actuelle. Et il est très peu probable que les responsables de la marque se lancent dans de coûteux investissements pour continuer à le produire...
Loin du tout récent Piaggio MP3 (lire Essai Moto-Net du 19 octobre 2006), ce drôle de petit engin aura marqué bien des générations : il débute sa carrière après-guerre dans les usines aéronautique Piaggio à Pontedera, en Italie, afin de relancer l'outil industriel.
Les chaînes d'assemblage, nouvellement reconverties aux deux-roues, permettent aux ouvriers de reprendre le travail et le premier modèle sort des chaînes en avril 1946. Et cinquante après, le 19 décembre 2006 très exactement, la 100000ème Vespa vient de sortir des chaînes avec un modèle de GTS 250 rouge.
En apercevant le prototype doté d'une large partie centrale et d'une taille affiné, Enrico Piaggio le compare à une guêpe (Vespa en Italien) : une légende vient de naître !
Dessinée par Corradino d'Ascanio, un ingénieur issu de l'aéronautique, la Vespa va révolutionner les concepts habituels : coque autoporteuse avec tablier en tôle pour protéger des intempéries, et moteur placé sous la carrosserie avec une transmission directe sur la roue arrière, afin de supprimer la chaîne qui a la fâcheuse manie de barbouiller de cambouis les usagers.
Les roues sont fixées à un bras autoporteur, à la manière d'un train d'atterrissage d’avion. Ce système permet de changer plus facilement une roue en cas de crevaison, à l'aide d'une roue de secours embarquée. Enfin, le changement de vitesse au guidon simplifie la conduite.
Toutes ces innovations vont permettre au plus grand nombre d'accéder à ce mode de transport individuel et de connaître un nouveau sentiment de liberté au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.
A tel point qu'en 1948, la production s'envole et apparaît alors un 125 cm3. Au début des années cinquante, le réseau compte déjà plus de 10 000 points de vente à travers le monde !
Fabriquée dans treize pays sous licence, la Vespa est commercialisée dans 114 autres. En France c'est dans la Nièvre, à l'usine de Fourchambault, qu'elle est assemblée par l'Acma (Atelier de construction de motocycles et accessoires). En 1958, 2 000 personnes y travaillent.
Car le Vespa n'est plus uniquement un moyen de locomotion : il incarne bel et bien un art de vivre à l'italienne (lire aussi notre reportage du 4 mai 2000 : Moto-Net en Italie).
A son guidon, les trajets ne se limitent pas aux petites distances et nombre d'utilisateurs n'hésitent pas à partir avec passager et bagages au-delà des frontières. Les voyages prennent alors un fort goût d'aventure !
Tout au long de sa carrière, cet engin va devenir un symbole ! Adopté par toutes les classes sociales, il jouera même les stars aux cotés de Grégory Peck et Audrey Hepburn dans le film Vacances Romaines ainsi que dans La Dolce Vita avec Marcello Mastroianni.
Symbole d'une jeunesse anticonformiste dans les années 60 / 70, il devient le signe de reconnaissance des Mod's, qui chevauchent leurs Vespa accessoirisés à outrance avec notamment leurs innombrables rétroviseurs.
Après son brillant parcours sur les routes du monde entier, un exemplaire équipé de flotteurs traversera même la Manche en compagnie du pilote moto Georges Monneret qui devient ainsi le premier homme à relier Paris à Londres aux commandes d'un seul et même véhicule !
Le Vespa est également le plus fidèle ami des coursiers parisiens (lire ci-dessous) grâce à sa fiabilité, son faible coût d'entretien et sa roue de secours embarquée.
Soixante ans plus tard, il n'a rien perdu de sa superbe : Enrico Piaggio a gagné son pari !
Il a même l'audace de s'attirer la sympathie du public, face aux concurrents de conception plus moderne qui paradent maintenant au rythme du 4-temps. Ironie du sort, celui qui apparaissait comme l'utilitaire incontournable des grandes métropoles véhicule maintenant une image plus paisible, loin des bons du course à course, gagnée à l'arrache entre les files de voitures et les couloirs de bus !
Cette machine à remonter le temps n'a plus qu'un an à vivre... Et sans elle, le temps risque de nous sembler bien long !
Essai du dernier Vespa 125 PX : le cru 2006
Pour entrer dans le troisième millénaire, le Piaggio 125 PX se dote d'un frein avant à disque ! Cet accessoire améliore grandement le freinage, devenu au fil du temps tout juste passable face à la concurrence.
Petit détail de modernité, son phare halogène diffuse un éclairage plus puissant. Le reste est d'époque... et c'est naturellement ce qui fait son charme aujourd'hui !
Clé tournée d'un quart de tour, une pression sur le bouton du démarreur et le monocylindre deux-temps s'ébroue dans un nuage de fumée bleue. On peut également le démarrer "à l'ancienne", grâce au kick toujours en place ! Pratique quand la batterie devient capricieuse.
Le changement de vitesses s'effectue toujours à la poignée gauche et déroute un peu sur les premiers kilomètres, car le système impose de bien décomposer les mouvements. Et n'espérez pas passer les vitesses à la volée, ce n’est pas prévu pour ça !
Si on respecte ce rituel, on est parés pour des milliers de kilomètres de bons et loyaux services avec ce fidèle compagnon. Pensez, un ami de trente ans...
La tenue de route, une fois habitué... n'est pas si mauvaise que ça, à condition bien sûr que la route soit sèche ! Les roues en 350x10 influent sur le comportement de l'engin et la stabilité n'est pas son point fort : chaque prise d'angle déroute un peu le conducteur par la sensation de flottement qui s'amorce dès qu'on penche un peu. Au feu rouge, n'importe quel engin (sauf peut-être un cyclo ?) pourra vous enrhumer. Toute envie de faire la course au premier feu est donc totalement inhibée !
Sur les véhicules modernes, les radars et l'état de la route limitent les ardeurs du conducteur. Avec le PX, c'est tout le contraire ! Ses performances très loin des standards d'aujourd'hui et sa vitesse limitée imposent une conduite paisible et préserve les points du permis de conduire... A son guidon, la route se conjugue plus au passé simple qu’au plus que parfait !
A son tour, on se prend alors à rêver de Dolce Vita et d'insouciance, à tel point que même le périphérique parisien prends des airs de Vacances Romaines...
Christian : 350 000 km en PX
Voici maintenant 17 ans que Christian, coursier dans la presse, use du PX sur le pavé parisien : il en est à son 6ème !
"J'aime son coté pratique, sa faible consommation et sa selle confortable. Il n'a pas son pareil pour me protéger des intempéries. Et puis c'est un peu une partie de moi-même", explique Chiristian qui a pourtant connu à son guidon de vraies galères, comme la fois où il a cassé un segment sur une autoroute parisienne...
"Je perdais de plus en plus de puissance jusqu'a l'arrêt complet du moteur. C'est un motard qui m'a poussé avec son pied jusqu'a la bretelle de sortie ! ", se souvient-il... "Une autre fois, c'est carrément le moteur qui m'a lâché dans un bruit de ferraille à cause d'un joint spi défectueux qui m'aspirait toute l'huile de boîte ! Bilan : une boîte et un embrayage flingués ! Ca fait longtemps aussi que je ne remplace plus le câble du compteur, car il ne tient pas plus de quelques milliers de kilomètres. C'est une maladie chronique du PX"
Pourtant, Christian reste un inconditionnel : "j' aime son coté rustique avec sa roue de secours interchangeable. Et contrairement aux modèles plus récents, le coût de l'entretien et des pièces détachées reste abordable !"
C'est pour toutes ces raisons qu'il espère garder son dernier (un modèle 2006 bleu nuit équipé d'un tablier, de manchons et d'un pare-brise ) le plus longtemps possible, avant de terminer sa carrière sur un modèle plus récent. "Ce sera sûrement un Piaggio également, mais un X8 avec un moteur 4-temps", précise Christian. Une page sera alors définitivement tournée...
Frank Margerin et le PX
Le célèbre dessinateur de BD Frank Margerin a bien tenté de piquer le PX de Momo le Coursier, l'un de ses personnages fétiches. Mais résigné, il a fini par s'acheter son propre Vespa et depuis deux ans, il arpente le pavé parisien au guidon d'un des derniers modèles.
Frank s'est monté un mini pare brise "juste pour le look", précise-t-il, " car ça génère plus de remous que si je n'en avais pas ! Mais ça lui donne un petit coté Mod's que j'aime bien... J'ai bien envie de me monter aussi un petit porte-bagages avant. Et bien qu'il soit équipé du démarreur électrique, je le démarre exclusivement au kick !"
Un discret petit autocollant (une tête de mort de pirate coiffée de la banane de Lucien) collé au dessus du phare apporte la discrète "Margerin Touch", car on reste rebelle même en PX !
Frank parle de sa machine avec beaucoup de tendresse : "je suis très attaché aux objets populaires liés à mon enfance et je possède des photos de mon père au guidon d'une ancienne Vespa. Cela représente une époque insouciante et je me demande si les défauts d'alors ne se transforment pas aujourd’hui en un charme désuet"...
Pourtant, il lui arrive de maudire cette boîte archaïque et ce changement de vitesses d'un autre âge. " Heureusement que ça ne roule pas plus vite, car avec ses petites roues, je me suis déjà fait peur en descente", ajoute-t-il. "Mais dès que j'entends son bruit inimitable et que je profite de son rayon de braquage génial, j'oublie vite ses défauts !"
Au fait Frank comment va réagir Momo, ton coursier parisien, face à l'arrêt programmé du PX ? "C'est sur qu'il va être embêté... Mais à moins de le plier sous un camion, t'inquiète, il va se débrouiller !"
Le renouveau ?
Au printemps prochain devrait être commercialisé sous la marque ACMA Paris un scooter qui ressemblerait de très près au PX de Piaggio. A vocation haut de gamme, il se différencierait simplement par quelques détails au niveau carrosserie. La qualité des composants, de fabrication européenne serait améliorée. Il garderait le système de passage manuel des vitesses et serait équipé - pour l'instant - d'un moteur deux-temps. Afin de parer à toutes éventualités, il est prévu également un moteur 4-temps. Avec le LML (de fabrication indienne), le PX risque bien d'être éternel !
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