Après cinq ans de bons et loyaux services, la Yamaha FJR 1300 nous revient dans une nouvelle version qui troque sa poignée d'embrayage au profit d'une boîte de vitesses semi-automatique. Alors, gadget marketing ou réelle innovation ?
Ce n'est pas une révolution mais une évolution. Yamaha, qui nous avait pourtant habitués à des choix audacieux par le passé (TDR 250, TDM 850, GTS 1000, etc.), n'a pas voulu être le constructeur par qui le "tout automatique" arrive ! La nouvelle FJR 1300 AS adopte donc une boîte de vitesses semi-automatique baptisée YCC-S, pour Yamaha Chip Controlled Shift.
Ainsi, le pilote garde la mainmise sur le choix des rapports, mais ne se soucie plus du levier gauche qui disparaît purement et simplement. Nul doute que les motards purs et durs y verront une intolérable assistance au pilotage...
Mais une machine doit-elle être forcément dure à conduire pour être une "vraie" moto ? Vaste débat ! La question primordiale pour le motard qui achète une moto GT à ce prix est avant tout de savoir si l'YCC-S renforce encore l'agrément de conduite.
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Paris, 04/12/2006 - Le Touring sportif "au doigt et à l'oeil" avec la FJR 1300 AS Vidéo Moto-Net.Com. |
Apparue en 2001, la Yamaha FJR 1300 mène une carrière relativement discrète dans l'ombre des BMW 1150 et 1200 RT pourtant plus chères mais dont les chiffres de vente surprennent toujours. Mais grâce notamment à son gros quatre-cylindres de 147 cv, elle a su fidéliser une clientèle d'amateurs de sport-GT.
La grosse routière Yamaha a connu quelques évolutions en parfaisant au fil des années sa finition et la protection du pilote qui pêchaient quelque peu sur les premiers modèles. La FJR adopte dès 2002 l'ABS. Proposé en option jusqu'en 2004, il est monté en série depuis 2005 ainsi que les valises latérales bien pratiques.
Look "officiel"
Notre moto d'essai se présente dans une très belle robe bleu marine avec deux bandes grises. Cette peinture, sans être nacrée, offre de magnifiques nuances très différentes selon la lumière ambiante. La présentation est classieuse et même si l'on est loin du bleu gendarmerie, cette FJR fait très "véhicule officiel".
Un sentiment renforcé par les deux valises latérales : la finition est remarquable. De prime abord, la Yamaha invite vraiment au voyage. On a immédiatement envie de charger les valises, de passer chercher Madame à la sortie du boulot et de partir... loin !
La position de conduite est très naturelle et peut en outre être peaufinée grâce au guidon réglable sur trois positions, pouvant coulisser d'avant en arrière sur 11 mm. La selle qui offre un confort de haut niveau, tant pour le pilote que pour le passager, est également réglable en hauteur de 800 à 820 mm.
L'équipement est assez complet avec des poignées chauffantes, un vide-poches contenant au fond une prise 12 V - qui se verrouille dès qu'on coupe le contact - et un pare-brise électrique.
Le tableau de bord, clair et lisible, n'est pas aussi généreux en informations que ceux de ses concurrentes européennes. Outre la jauge et la température du moteur, on trouve quand même la température extérieure, un indicateur de rapport engagé, une horloge et la consommation moyenne. Même s'il est clair et joli, surtout de nuit, on aurait préféré un compteur de vitesse à affichage digital et non analogique.
En effet, compte tenu de l'excellente protection du carénage et des performances dont est capable le 4-cylindres, il peut être déterminant - et salutaire pour le permis - de pouvoir relever sa vitesse de manière précise et rapide... Car on a très vite fait de se retrouver à des vitesses largement prohibées sans s'en rendre compte ! Et même si la Yamaha fait très "forces de l'ordre" (lire Moto-Net du 1er décembre 2005), elle n'en a malheureusement pas toutes les prérogatives...
La FJR est équipée en série de valises latérales profondes, robustes et bien finies dont l'utilisation se révèle sans problème. Elles sont de contenance égale et peuvent accueillir chacune un casque intégral ou un gros sac.
Armoire normande
Une fois en selle, les manoeuvres moteur coupé devront être anticipées et réduites à leur plus simple expression ! Il faudra notamment veiller à ne pas aller se garer dans un coin de trottoir avec une pente dans le mauvais sens, car c'est un coup à y rester...
En effet, avec pas loin de 300 kg en ordre de marche et surtout un centre de gravité assez haut, la FJR exige une certaine circonspection. En ce qui me concerne, c'est carrément avec humilité que j'ai abordé un ou deux demi tours au pas, en dévers, avec Madame derrière, les valises pleines et une sacoche de réservoir chargée... Il est vrai qu'ainsi harnaché, notre équipage devait flirter avec la demi tonne !
Comment ça marche ?
Il faut reconnaître aussi que la fameuse boîte semi-automatique n'est pas d'une grande aide dans un tel cas de figure : et c'est là sans doute son principal défaut. Alors, "comment ça maaarche", demanderait Michel Chevalet avant de couper court à tout suspens : "et bien c'est très simple !"
Tout d'abord, il faut freiner pour démarrer, de l'avant ou de l'arrière, peu importe, façon scooter. Ensuite, si l'on désire utiliser le sélecteur au pied, la FJR AS s'utilise exactement comme une machine classique... sans embrayage. À un détail près : la première est en haut avec les autres rapports, et non en bas comme sur une moto "normale".
Le point mort est donc tout en bas. Mais ce n'est pas très important car à l'usage, on ne se sert plus du tout du pied, ce qui a au moins comme avantage de ne plus marquer le cuir des bottes !
Tout à l'index gauche
Le sélecteur au pied est en effet secondé par une gâchette positionnée avec les commandes gauches du guidon. Pour l'actionner, il faut appuyer sur un bouton, ce qui allume une diode verte. Dès lors, on peut monter les rapports avec l'index et les descendre avec le pouce.
À l'usage, le pouce qui trouve plus souvent le klaxon que le sélecteur ne sert plus à rien : après une demi-heure de roulage, on se surprend à piloter cette grosse moto du bout de l'index gauche... Une pichenette sur la gâchette, on monte un rapport, une pichenette en la repoussant et on rétrograde !
L'électronique gère parfaitement ces changements de vitesse. Et plus la pichenette est brève, plus l'opération se fait rapidement et sans à-coup ! L'YCC-S permet en outre de monter les rapports en restant gaz ouverts en grand, ce qui procure des accélérations vraiment musclées si l'on pousse les rapports !
Les rétrogradages et le frein moteur sont également parfaitement gérés et l'électronique empêche tout blocage intempestif. Dieu merci, ces calculateurs se font très discrets et ne se rappellent à votre bon souvenir que dans des cas extrêmes. L'électronique refusera purement et simplement toute action si on lui demande un rétrogradage en sur-régime, ou au contraire de monter un rapport en sous-régime.
Boîte efficace, agréable, facile mais...
L'agrément de conduite que procure l'YCC-S est donc bien réel et ce système n'entache en rien le plaisir de pilotage. On en assimile le fonctionnement en moins d'une demi-heure et on est vraiment à l'aise au bout de deux heures environ.
Paradoxalement, c'est en ville que la boîte semi-auto demande le plus grand temps d'adaptation. En effet, le pilote à tendance à tricoter de la gâchette avec l'index et à ne plus très bien savoir sur quel rapport il se trouve. Heureusement, l'indicateur de rapport engagé et le couple du moteur permettent de rattraper ces petits cafouillages !
Néanmoins, ce système n'est pas exempt de tout reproche : le principal souci que pose l'YCC-S est son manque de douceur au démarrage. L'absence de poignée fait que l'on ne peut faire cirer l'embrayage et ainsi doser correctement l'accélération sur le premier rapport.
Lors des manoeuvres à très basse vitesse, déjà pénalisées par la hauteur du centre de gravité et le poids de la machine, il faut en plus composer avec l'arrivée brutale de la puissance... Très délicat quand on se lance dans un demi-tour comme celui évoqué précédemment !
Ce problème s'aggrave encore quand la moto est froide et que l‘injection broute un peu au démarrage, générant des à-coups très déplaisants qui peuvent faire perdre l'équilibre si l'on est en train de manœuvrer...
Supportable en ville, impériale sur autoroute
Pour peu qu'on lui retire ses valises, la FJR 1300 AS s'acquitte des trajets en ville avec une bonne volonté certaine ! Bien sûr, ce n'est pas un supermotard, mais son bon rayon de braquage, son équilibre rassurant et la douceur de son moteur rendent l'exercice possible.
Mais la GT de Yamaha est avant tout faite pour tailler la route, loin, longtemps et à deux ! Les étapes autoroutières ne sont que pure formalité : une fois le pare-brise remonté - agaçant, il redescend en position basse à chaque fois que l'on coupe le contact -, le pilote et le passager bénéficient tous deux d'une excellente protection.
Attention toutefois, car le pare-brise dans sa position la plus haute (+ 12 cm) creuse une dépression désagréable qui pousse le pilote vers l'avant quand celui-ci roule en solo. La protection est aussi excellente au niveau du buste et des jambes, avec des flancs de carénage réglables en écartement sur 30 mm.
La consommation moyenne de 7,3 l/100km se montre quant à elle relativement raisonnable, compte tenu du gabarit et des performances de l'engin. Et le réservoir de 25 litres permet de rallonger les étapes : on ne passe en réserve qu'entre 250 et 300 km.
La route en sifflotant
Le plaisir de la moto n'est pourtant ni en ville, ni sur autoroute mais bel et bien sur notre joli réseau secondaire ! Sur ce type de route, la FJR parvient presque à faire oublier son gabarit. Elle se montre sûre, facile et capable d'adopter toutes sortes de rythmes.
En bonne GT, elle raffole d'une allure de balade où le pilote peut profiter du gros couple disponible à tous les régimes. Le moteur, doux et disponible en toutes circonstances, n'est pas un foudre de guerre en version 100 ch, mais il obéit à toutes les sollicitations.
De plus, il souffre de très légers à-coups d'injection à la remise et à la coupure des gaz. À ce rythme de sénateur, à rêvasser en regardant le paysage, on peut se faire surprendre ! Pas de problème cependant puisque la FJR freine fort et court !
Grâce à l'ABS et au freinage combiné avant-arrière, le freinage est réellement bluffant pour une moto aussi imposante, même en duo. La moto reste stable et ne subit pas trop de transfert de masses.
Plus GT que sportive
Fort de son puissant 4-cylindres, la FJR offre également des aptitudes quasi sportives et se montre tout à fait capable de suivre un rythme élevé sur petites routes. Le large guidon offre un bras de levier suffisant pour balancer les 300 kg de l'engin avec une facilité déconcertante.
Avec son nouveau bras oscillant plus long de 35 mm, la Yamaha fait preuve d'une stabilité sur l'angle très rassurante. Même si ce n'est pas sa vocation première et malgré son bridage assassin en France, le 4-cylindres de 1300 cc s'apprécie aussi dans les hauts régimes.
La boîte semi-automatique s'accommode également très bien d'une utilisation musclée Le pilotage sportif n'est toutefois pas vraiment dans la nature de cette moto et ce type d'utilisation devra rester occasionnel. La FJR est avant tout une Grand Tourisme faite pour voyager, avec les avantages et les limites de ce type de machines : le poids reste conséquent, la garde au sol sera limitée par la béquille centrale et le cardan est plus fait pour enrouler que pour être malmené.
Comme le bon vin, la FJR 1300 s'est donc bonifiée avec le temps. Plus pratique, mieux finie, mieux équipée, la Yamaha a su gommer ses petites imperfections du passé pour nous revenir plus homogène et plaisante que jamais.
Dans cette version AS, elle pousse encore un peu plus loin l'agrément de conduite... tout en le faisant payer assez cher : plus 1 400 € par rapport à la version standard, soit un tarif de 16 990 €. C'est le prix de l'innovation, mais cela les vaut-il ? C'est à chacun de voir par rapport à ses finances et au soin qu'il porte à ses souliers...
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