La Corsaro 1200 est désormais prête à écumer les routes de France, signant en fanfare la renaissance de la marque italienne Moto Morini. Un roadster au moteur hargneux, au look radical et aux sensations garanties... Premier contact en exclusivité !
Avant de prendre contact en grande première avec le dernier top modèle italien, un petit historique de la marque s'impose afin de mieux saisir l'importance du lancement de cette Corsaro 1200...
Tout commence en 1925, avec les débuts en compétition d'un certain Alfonso Morini aux côtés de Mario Mazetti.
Le jeune italien s'illustre au guidon d'une 125 dont il a lui-même réalisé le monocylindre 2-temps. Dans les années 1930, c'est le seul italien à concurrencer les étrangers. Mais en 1937, Alfonso décide de prendre son indépendance.
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Paris, 14/06/2006 - Premier contact avec la nouvelle Moto Morini Corsaro 1200. Vidéo Moto-Net.Com. |
Malheureusement, la guerre et la pression du régime fasciste force Alfonso Morini à produire des engins à trois roues. Avec sa transmission à cardan, le M610 n'en reste pas moins une excellente vente et permet à l'italien de produire dès la fin de la guerre - et malgré le bombardement de son usine en 1943 ! - sa T125.
Cette première production, un mono 2-temps à trois vitesses directement inspiré de l'allemande DKW, se vend en grande quantité dans une Italie en pleine reconstruction et brille rapidement au championnat national.
L'arrivée du 4-temps à la fin des années 1940 ne désarçonne pas la firme, dont le nouveau 125 à simple arbre à came monte à plus de 140 km/h grâce à une puissance de 12 chevaux que l'on va chercher à 10 000tr/mn.
Le grand Giacomo Agostini lui-même réalise ses débuts sur la Morini 175 Settebello entre 1961 et 1963, avant de se faire repérer en 1964 par MV Agusta alors qu'il pilotait la sportive ultime de Morini : la GP 250...
Car depuis 1958, Alfonso Morini et ses collègues Dante Lambertini et Nerio Biavati travaillent sur ce qui deviendra leur chef d'oeuvre : le 250 de course à double arbre à cames. "Le monocylindre le plus rapide du monde" (225 km/h) titrera même la presse internationale !
A son guidon en 1963, Tarquinio Provini parvient presque à battre Jim Redman. Mais les budgets limités de son team l'empêche de disputer l'intégralité du championnat mondial et manque le titre pour deux points... Parallèlement, la petite firme italienne s'illustre en Enduro.
Dans les mêmes années, Moto Morini produit de petites machines 4-temps qui connaissent leur heure de gloire en étant exportées aux Etats-Unis au milieu des années 1960. La Corsaro 125 et la Corsarino 60 sont alors les modèles phares de la firme.
Mais le 30 juin 1969, Alfonso Morini s'éteint... Sa fille unique Gabriella reprend alors le flambeau et dès 1970, s'offre les services de Franco Lambertini - sans lien de parenté avec Dante -, alors ingénieur chez... Ferrari !
Franco, âgé de 26 ans, crée alors le 350 V Twin à 87°, présenté sur la 3 1/2 lors du Milan Show de 1971 et lancé en production au printemps 1972. La 3 1/2 GT ne tarde pas à devenir un succès commercial, bientôt suivi par celui de la version sportive.
En supprimant le cylindre arrière, Lambertini donne naissance à deux monocylindres 125 et 250. Puis il réalise l'opération inverse et conçoit un bicylindre de 500 cc. Mais ce nouveau moteur ne plait pas, sans doute à cause de ses commandes inversées : les vitesses se passent à droite, contrairement à toute la production contemporaine.
Lambertini décide alors de s'inspirer de la Formule 1, dont le règlement succinct permet d'explorer de nombreuses voies. L'italien équipe ainsi son bicylindre 500 d'un Turbo développant la bagatelle de 84 ch à 8 300tr/mn, mais malgré l'accueil enthousiaste qu'il suscite au Milan Show de 1979, le projet ne se concrétisera pas.
En 1986, Moto Morini sort l'Excalibur, le modèle de la dernière chance : les twins de 350 ou 501 cc qui équipent le Custom italien intéressent un temps Harley-Davidson, mais les finances moribondes des deux parties ne permettent pas de mener à bien un partenariat.
Le 18 février 1987, Gabriella Morini est contrainte de vendre Moto Morini à Claudio et Gianfranco Castiglioni, propriétaires du groupe Cagiva-Ducati. Et malgré leur volonté affichée de relancer la marque, le groupe se désintéresse de Morini.
Franco Lambertini crée pourtant un nouveau bicylindre décliné en 350, 500 et 750 cc. Malgré ses quatre soupapes par cylindre, son arbre à came "à chaîne silencieuse", son refroidissement à eau et autres astuces dont Franco a le secret, Cagiva refuse de s'intéresser à ses travaux.
En 1988, lancement de la Dart 350. Mais cette réplique de Cagiva Fraccia 125 - motorisée par le vaillant mais trop ancien 350 cc de 1971 - ne leurre personne : l'immobilisme de Cagiva a raison de Lambertini qui quitte Morini pour Piaggio... Et l'usine de Bologne, convertie un temps en département de développement moteur, finit par fermer...
En 1996, Moto Morini est vendue à Ducati Motor Holding, désormais séparée de Cagiva. Mais rien ne change pour la petite marque italienne qui ne fait pas partie des priorités de TPG, actionnaire principal de Ducati Motor Holding (lire Moto-Net du 19 juillet 2005).
Il faut attendre 1999 pour que la marque retrouve enfin le giron familial. Morini Franco Motori Spa, la compagnie fondée en 1954 par le neveu d'Alfonso, est spécialisée dans les mobylettes et motocyclettes deux et quatre-temps. Soutenue en 2003 par Giani Berti, un riche homme d'affaire bolognais, Moto Morini se remet alors au travail.
En moins de deux ans, deux projets voient le jour : la 9 1/2 et la Corsaro 1200, équipée bien évidemment d'un bicylindre signé... Lambertini ! Les deux modèles sont dévoilés lors du Salon de Bologne 2004, même si l'on ne peut que rester prudent quant à l'avenir de cette aventure (lire Moto-Net du 13 décembre 2004).
Et pourtant ça y est : Moto Morini renaît bel et bien de ces cendres, ayant déjà écoulé en France 19 Corsaro 1200 le mois dernier (lire Moto-Net du 9 juin 2006).
Tout premier contact
Devant la sympathique concession Urbanmoto, la nouvelle Corsaro nous attend patiemment pour notre premier contact en exclusivité... Mais ce modèle noir n'a que 250 km au compteur et nous devrons donc prendre particulièrement soin de son bicylindre Bialbero CorsaCorta, toujours en rodage...
Prévu pour développer 140 chevaux en version d'origine et 123 Nm à 6 500 tr/mn même en France, la bête devrait cependant délivrer de grosses sensations dès ses premiers tours de roue. De toute manière, rien qu'à l'arrêt, il faut avouer que la 1200 en impose.
Subtil mélange de plusieurs modèles à succès, la Corsaro n'en dégage pas moins un style bien personnel qui permet de la différencier au premier coup d'oeil des autres méchants roadsters.
A commencer par l'inscription "Corsaro 1200" sur ses énormes pots coniques longeant la selle, comparables à ceux de la MT-01 (lire Essai Moto-Net du 27 avril 2005) bien que leur couleur argentée et étincelante soit à l'opposé du noir mat et brut de ceux de la Yamaha.
Le cadre tubulaire en acier s'apparente davantage à celui d'une Ducati. Le modèle rouge accentue encore la ressemblance avec ses cousines bolognaises et laisse présager un comportement exemplaire sur route...
La même impression d'efficacité se dégage de la fourche avant de 50 mm de diamètre, dont l'anodisation or souligne la présence. Le rappel du coloris doré du guidon est d'ailleurs du meilleur effet. Seule la version jaune de la Corsaro possède ces éléments en noir : un bon moyen de mettre au premier plan le moteur qui anime la bête !
Car sous le cadre se cache - difficilement - l'âme de cette nouvelle moto : le bicylindre en V à 87°, conçu par Franco Lambertini. Le logo de la marque arbore fièrement le carter droit tandis qu'à gauche, le nom de la marque apparaît en lettres majuscules : ce moulin est un Morini et on le fait savoir !
Le réservoir de la transalpine est quant à lui très évasé, aiguisant la ligne générale déjà accrocheuse. En effet, outre les grilles qui fendent le support de selle, la tête de fourche est particulièrement agressive : ses deux optiques façon Buell (lire Essai Moto-Net du 30 mars 2006) sont surmontés d'un saute-vent qui forme une paire de sourcil sévèrement froncés, proche de celui de la Triumph Speed Triple (lire Essai Moto-Net du 21 avril 2005).
Mais trêve de description - chacun peut facilement se faire son avis ! - et place à la conduite...
La selle n'est pas trop haute, le guidon est large et les cuisses peuvent serrer efficacement le réservoir. L'ensemble offre une bonne position, donnant l'impression appréciable de parfaitement contrôler la moto. Les repose-pieds relativement haut pour un roadster tranquillisent quant aux futures prises d'angles, contrairement à la béquille latérale qu'il faut correctement remonter avant de s'élancer.
La clé s'insère dans le contacteur logé sur le réservoir et un léger pivotement permet d'illuminer le tableau de bord. Une courte introduction fait apparaître l'aigle de la marque, qui laisse bientôt place à l'affichage de la vitesse, de la température du moteur et d'autres options au choix dont trois trips (y compris le total), une horloge et même un chronomètre !
Puis on appuie sur le démarreur : le moteur s'ébroue paresseusement avant de démarrer. A froid, le ralenti n'est pas des plus réguliers mais qu'importe, l'envie de monter en régime est bien trop forte pour rester si bas.
La première est assez longue, un choix que l'on comprend mieux une fois passée la première accélération franche : ce moteur est costaud à bas régime et s'exprime diablement à moyen régime, où le train avant se fait subitement beaucoup plus léger...
En dessous de 3 500 tr/mn, le bicylindre vous rappelle à l'ordre : ses pistons à course courte préfèrent les hauts régimes. Ce n'est donc pas une Ducati, encore moins une Harley ou une Buell : c'est une Morini qui demande à être un peu plus bousculée pour vous bousculer à son tour !
La Corsaro étant bridée mécaniquement au niveau de l'ouverture maximum des gaz, les français profiteront tout de même du couple de 123 Nm à 6 500 tr/mn et seuls les très gros essoreurs de poignées regretterons les 40 chevaux laissés à la frontière...
La Corsaro se montre très agile, y compris en ville. Son train avant nerveux - qui peut surprendre lors des premiers virages secs - met en confiance rapidement et fait merveille au bout de quelques kilomètres dans les enchaînements rapides.
Facilitée par le large guidon, la conduite de la nouvelle Morini s'apparente finalement plus à celle d'un Supermotard qu'à celle d'un roadster sportif : réservoir bien calé entre les jambes et buste droit, la moto plonge rapidement dans les virages d'un simple appui du poignet.
La rigidité du cadre et du bras oscillant - à l'aspect fin et élégant - permettent de rentrer fort dans les virages, les deux disques avant Brembo de 320 mm offrant un mordant très satisfaisant. Grâce à son moteur expressif et sa partie cycle agile et précise, l'italienne assume donc pleinement son héritage sportif.
Les suspensions - Marzocchi à l'avant et Sachs à l'arrière, toutes deux entièrement réglables - présentent dans leurs réglages d'origine une polyvalence acceptable. Les imperfections du revêtement sont correctement absorbées et les changements d'assiette en accélération ou en freinage sont limités.
La courte durée de l'essai et l'impossibilité de monter au-delà de 7 000 tr/mn ont forcément limité cette prise de contact, qui nous a néanmoins permis d'entrevoir le gros potentiel de cette nouvelle italienne. Reste qu'avec les Speed Triple, FZ1, Superduke ou Mostro S4S, la lutte s'annonce acharnée, d'autant que la Morini Corsaro 1200 est légèrement plus chère : 12 590 € en noir ou rouge, 12 690 € en jaune. Le prix de la distinction, sans doute...
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