La remise de 15 centimes sur le litre de carburant mise en place suite à la flambée des prix à la pompe est jugée insuffisante par de nombreux professionnels qui réclament plutôt une baisse de l'énorme fiscalité perçue par l’État. Le point MNC.
Sans-plomb 95 à 2,08 euros et gazole à 2,10 euros : le prix moyen du litre de carburant relevé par le site officiel du gouvernement reste à des niveaux incroyablement élevés, après avoir dépassé les 2,50 €/l dans certaines stations la semaine dernière ! Du jamais vu en France, où cette folle augmentation dépasse les 20 à 30 cts en un mois…
Cette situation intenable trouve son origine dans l'envolée du prix du pétrole brut, avant que le tragique conflit entre la Russie et l'Ukraine enflamme encore plus les cours : l'Europe achète une part importante de son gazole à la Russie, qui a fermé le robinet en représailles aux mesures punitives mises en place par l'UE depuis l'invasion russe.
Conséquences : se déplacer à moto et en voiture devient un luxe de moins en moins accessible, au point d'en regretter les semaines de télétravail pendant le pic du coronavirus... Le gouvernement réagit en planifiant une remise de 15 centimes sur le litre d'essence et de gazole - hors bioéthanol - à partir du 1er avril (et ce n'est pas un poisson !).
Cette réduction - d'une durée de quatre mois - a été dévoilée vendredi dernier par le premier ministre Jean Castex, qui invite également les distributeurs et pétroliers (mais pas les spéculateurs, ces fameux "marchés financiers" aussi invisibles qu'implacables ?) à mettre la main à la poche pour soulager les ménages français. Des mesures indispensables au regard de l'ampleur et des conséquences de cette crise énergétique.
Comme l’a précisé le premier ministre, cette remise sera appliquée directement à la caisse des stations puis remboursée par l’État auprès des distributeurs de carburants. Le coût pour les finances publiques (et donc pour les ménages français !) est estimé à un peu plus de 2 milliards d’euros.
Une autre raison - politique - justifie ce coup de pouce du gouvernement : la crainte d'une nouvelle crise sociale à quelques semaines des présidentielles, alors que la fronde des Gilets jaunes qui avait paralysé la France trouvait notamment sa source dans le prix des carburants à l'automne 2018 : "seulement" 1,50 euros à l'époque…
Mais cette réduction de 15 centimes au 1er avril laisse sur leur faim de nombreux professionnels, notamment la Fédération nationale de l'automobile (FNA) - qui représente les métiers et les professionnels de l'automobile - et l'association 40 millions d'automobilistes qui la jugent insuffisante par rapport aux énormes bénéfices perçus par l'Etat via les taxes sur les carburants.
Pour Pierre Chasseray, "l’État devrait même aller encore plus loin, car en réalité, ça ne lui coûte absolument rien : depuis le mois de septembre 2021, les rentrées fiscales issues de la vente de carburants routiers sont nettement supérieures à celles prévisionnées", s'insurge le délégué général de l'association. "On se trouve donc en situation de surprofits et il est normal qu’en période de crise, ce trop-perçu revienne aux usagers".
Du côté de la FNA, si la remise de 15 centimes "paraît louable", elle ne suffira pas à résoudre la crise énergétique sur le long terme : "cette aide de courte durée nous paraît aussi de courte vue et irréalisable pour certaines stations. La fiscalité des carburants doit impérativement être revue", estime la Fédération nationale de l'automobile.
Rappelons que la fiscalité appliquée sur les carburants représente entre 50 et 60% du prix du litre : plus le prix au litre augmente, plus la recette de ces taxes augmente. En clair, l’État est le premier bénéficiaire de la hausse ! Exemple : si le litre de SP95 était à un euro, jusqu'à 60 centimes iraient dans la poche de l’État. Quand le litre atteint 2 euros, comme en ce moment, la taxation atteindrait 1,20 euros !
"Plus le prix du pétrole brut augmente, plus les recettes fiscales le sont également (4ème recette fiscale de l'Etat)", dénonce la FNA. "Cet encaissement imprévu se fait au détriment de l'usager dont 3 sur 4 ne peuvent se passer de leur véhicule : ce sur-encaissement devrait être restitué aux consommateurs".
La Fédération nationale de l'automobile et 40 millions d'automobilistes exigent donc un allègement de la pression fiscale sur les carburants, notamment par le biais du retour des taxes dites "flottantes". Rappelons que des taxes flottantes avaient été adoptées dans le passé : le montant des Taxes intérieures de consommation des produits pétroliers (TIPP) était alors ajusté en fonction du cours du pétrole.
Dit autrement : l’État diminuait sa taxation lors des périodes de hausses de prix du baril de brut, puis l'augmentait dans des proportions calculées lorsque "l'or noir" retrouvait un cours normal. Un système assez équitable, mais qui ne faisait pas suffisamment les "affaires" de Bercy : cette TIPP flottante décidée par le gouvernement Jospin n'a duré que d'octobre 2000 à juillet 2002 !
Plusieurs politiques ont depuis proposé de la relancer - notamment François Hollande pendant sa campagne de 2012 -, mais sans jamais concrétiser leurs propositions... Etonnant, non ? Résultat : ce sont les Français qui "flottent" au gré de taxes démesurées, aujourd'hui rebaptisées Taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) !
"Le pays a besoin d'un nouveau mécanisme de fiscalité qui soit souple comme la TICPE flottante et des dispositifs incitatifs pour les entreprises dont le véhicule est un outil de travail", estime pourtant la FNA.
40 millions d'automobilistes propose de son côté de faire passer le taux de TVA de 20 à 5,5% au motif que les carburants seraient considérés comme "produits de première nécessité". Cette réduction du taux de TVA - qu'appellent également les motards sur leurs équipements - serait ensuite contrebalancée par une hausse de la TICPE.
"Cette perte de recettes pour l’État serait compensée par une légère hausse (+7 cts ) sur le montant de la TICPE, de façon à préserver les revenus fiscaux pour les finances publiques. Concrètement, avec des tarifs actuels à 2,08 €/L de SP95 et 2,10 €/L de gazole, cela permettrait une réduction de 18 cts du prix du litre à la pompe", détaille le dirigeant de l'association, Daniel Quéro.
Reste à savoir si le message arrivera aux oreilles des 12 candidats à l'élection présidentielle et si l'élu(e) des Français saura réellement en tenir compte lors de son accession à l'Elysée. A bon entendeur...
Les stations-service les moins chères sur Waze |
|
|
.
.
.