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ANALYSE DE MARCHÉ
Paris, le 7 décembre 2020

Interview Suzuki La Défense : notre clientèle a été extrêmement fidèle

Interview Suzuki La Défense : notre clientèle a été extrêmement fidèle

En complément des chiffres du marché 2020 et pour sa quatrième interview de concessionnaire, Moto-Net.Com interroge Suzuki La Défense. Henri Farcigny nous explique comment la concession fondée par son père (en 1974 !) survit face au Covid-19 et à l'absence de nouveautés Suzuki, grâce à ses clients et à l'électrique !

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Yamaha 4-en-1, Kawasaki Grande Armée, Harley-Davidson RoadStar 92... La tournée 2020 des concessionnaires de se poursuit sur Moto-Net.Com avec la petite mais vaillante concession Suzuki La Défense qui vend exclusivement des motos et scooters d'Hamamatsu depuis 1974 !

Située dès son origine à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine, la société familiale fondée par Pierre et Nadia Farcigny - aujourd'hui gérée par leur fiston Henri - s'installe en 1980 et définitivement au 6, boulevard de la Mission Marchand, soit "à 3 min du CNIT à pieds et à 5 min de la Porte Maillot en moto".

Idéalement placé pour vendre des Burgman 125 aux "scootomobilistes" ou Burgman 650 aux "commuters" qui se rendent chaque jour dans le premier quartier d'affaires d'Europe, Suzuki La Défense a aussi écoulés des containers entiers de GSR750 ou de V-Strom 650 XT...

Revers de la médaille, le confinement de ce printemps 2020 - en pleine et belle saison ! - et le télétravail - prolongé - ont vidé les tours de leurs employés, réduisant à néant ou presque l'activité de la concession : seulement 5 (cinq) machines neuves d'Hamamatsu sont sorties de la concession en 11 mois, contre 49 en 2019... et plus de 300 il y a une dizaine d'année, dans les meilleurs scores des vendeurs Suzuki en Ile-deFrance !

Rare bouffée d'oxygène de cette difficile année 2020 : celle que leur fournit une seconde marque incorporée cet été... Et c'est une première en 46 ans ! Complémentaire de Suzuki, Super Soco propose des motos et scooters électriques, équivalents aux 50 ou 125 cc. Interview.

Moto-Net.Com : Tout d'abord, comment votre concession Suzuki La Défense avait traversé le premier confinement ?
Henri Farcigny, gérant de la concession :
Le premier confinement a été le plus difficile car il est intervenu en mars-avril-mai, lorsque on reçoit traditionnellement les nouveaux modèles. C'était le cas pour les GSR750, GSX-S750, GSX-S1000. L'hiver s'arrête, le printemps arrive, les gens vendent leur véhicule d'occasion un meilleur prix qu'en hiver et rachète un véhicule neuf ou d'occasion... C'est la haute saison, celle où on bosse le plus.

Le premier confinement a été le plus difficile

Moto-Net.Com : Et cette année, le coronavirus vous contraint à fermer...
H. F. :
Oui. Nous avions le droit d'ouvrir, mais on n'a su que très tard que les concessions motos faisaient partie des magasins dits "essentiels" (dans l'automobile, les ateliers et garages pouvaient ouvrir, contrairement aux showrooms, NDLR). Dans le doute, on a préféré fermer. En plus, tous nos rendez-vous ateliers étaient annulés. Les clients qui ne pouvaient pas nous joindre par téléphone, nous prévenaient par email ou via Facebook.

MNC : Votre atelier est resté fermé tout ce printemps également ?
H. F. :
Oui car les gens ne roulaient plus du tout. Ils ne consommaient donc plus de pneu ou plaquettes, n'avaient plus besoin de faire réviser leur machine, n'avaient plus d'accident, n'avaient plus de panne... Bon, chez Suzuki les pannes sont rares ! Mais cela peut quand même arriver. Donc on a préféré tout fermer.

MNC : Avez-vous bénéficié des aides d'urgence de la part du gouvernement ?
H. F. :
Alors oui, des remboursements sont prévus en ce qui concerne le chômage partiel ou complet. Certains de nos mécanos ont profité d'un module "garde d'enfants" car leurs compagnes devaient continuer de travailler, alors que les écoles étaient fermées... Mais à fin novembre, le remboursement n'a toujours pas été effectué.

MNC : La concession a continué de payer les salaires, régler les charges ?
H. F. :
C'est toujours comme ça : on paye, on est remboursé plus tard. C'est délicat, surtout qu'on ne sait pas quand le remboursement sera effectué, on n'a aucune info. Ce peut être dans deux mois comme dans trois ans. Nous aurions préféré que l'Etat gèle les charges.

Nous aurions préféré que l'Etat gèle les charges

MNC : C'est une situation inédite. Aviez-vous déjà fermé le magasin aussi longtemps ?
H. F. :
Jamais. En dehors des vacances du mois d'août et des fêtes de fin d'année, on ne fermait jamais. Il y a encore dix ans d'ailleurs, on ne fermait même pas pendant les grandes vacances. Le marché de la moto allait tellement bien qu'on restait ouvert tout l'été ! Ces dernières années en revanche, nous fermons entre deux et trois semaines en août.

MNC : Vous êtes vous accordé des vacances cet été 2020 ?
H. F. :
Oui, mais une petite semaine seulement, celle du 15 août qui tombait un mercredi cette année. Autrement, nous sommes restés ouverts et nous avons eu du monde, surtout en atelier.

MNC : Quel soutien recevez-vous de la part du constructeur et des accessoiristes ?
H. F. :
Suzuki proposait aux concessions qui avaient du stock de reporter les échéances. De notre côté, nous n'avions aucun stock donc nous n'étions pas concernés. Certains fournisseurs, comme Bihr par exemple, proposaient d'étaler les paiements, en 3 ou 4 fois sans frais. Nous n'avons toutefois pas demander à en bénéficier car nous étions fermés, donc nous ne vendions rien, mais nous n'achetions rien non plus.

Notre président de la République est un banquier

MNC : Qu'en est-il des banques et assurances ?
H. F. :
Aucune aide de leur part, non. Les banques se sont d'abord protégées. Elles sont aidées pour le coup : notre président de la République est un banquier. Attention, ce n'est pas forcément un mal ni une mauvaise stratégie ! C'est juste un parti pris. Il faut reconnaitre que si demain les banques s'écroulent... qu'est ce qu'on fait ? Il faudrait juste un peu plus d'humanisme, de dignité.

MNC : Le marché français du neuf est reparti fort en mai. Pour vous aussi ?
H. F. :
Ah oui c'est reparti très, très vite, et de deux manières. Tout d'abord, les gens ont eu du mal à redémarrer leur moto à cause des batteries à plat, comme à la fin de l'hiver. Il fallait refaire la pression des pneus, c'était l'occasion de vérifier leur état et leur usure, inspecter les kits chaines qui pouvaient avoir un point dur, etc. On a passé beaucoup de consommables. En fait, on a eu un second retour d'hiver ! Ensuite, au niveau des ventes de neuf - mais ça n'avait plus rien à voir avec Suzuki - la demande a beaucoup changé. Surtout sur Paris où Anne Hidalgo a été réélue pour six ans, et la banlieue.

MNC : Ah, vous allez nous parler de l'électrique et de votre seconde marque, Super Soco ?
H. F. :
Tout à fait. Depuis 1974 et jusqu'à cette année 2020, nous ne vendions que du Suzuki. Mais nous avons choisi de commercialiser des véhicules que notre marque favorite ne propose pas : des motos et scooters électriques qui ne concurrencent pas les modèles Suzuki. Car la demande a explosée. Nos ventes ont commencé très fort, cela nous a rassuré.

La motorisation électrique intimide moins les gens

MNC : Qu'est ce qui plait dans l'électrique ?
H. F. :
C'est une motorisation qui intimide moins les gens. Beaucoup achète un scooter électrique comme s'ils achetaient une grosse trottinette ou un vélo sans pédalier, plus confortable et pratique. Par ailleurs, les aides de l'Etat dopent les ventes, la vignette verte permet de rouler partout et de stationner gratuitement dans Paris, l'absence ou le faible entretien requis (pneus, plaquettes) séduit et rassure aussi... D'ailleurs ses personnes n'imaginent pas que les motos doivent être révisées ! Mêmes nos clients motards savent de moins en moins ce qu'on réalise sur leur machine : kit chaine, courroie, filtre à air, bougie, réglage ou synchro de l'injection... Beaucoup s'en fichent et veulent simplement rouler.

MNC : Le Covid-19 joue aussi un rôle dans le boum du deux-roues électrique ?
H. F. :
Absolument, le fait de s'isoler sur son propre véhicule, sous son casque, tranquillise beaucoup. Mais à l'inverse, l'annonce du deuxième confinement a de nouveau plombé les ventes.

MNC : Manque de distanciation dans les transports en commun, crainte des bouchons en voiture : voyez-vous revenir d'anciens clients pour la révision de leur vieux deux-roues ?
H. F. :
On en a eu, mais ce n'est pas exceptionnel. Ces dernières années, les grèves dans les transports et les gilets jaunes avaient déjà poussé certaines personnes à reprendre le guidon. Et cela s'observe à chaque grève, à chaque crise sociale ou économique : la moto est la meilleure solution pour se déplacer. Mais c'est vrai que tout récemment par exemple, un de mes clients a ressorti sa Gladius avec laquelle il se contentait habituellement de faire 1000 km par an, pour se promener les beaux jours. Il l'utilise maintenant quotidiennement, plutôt qu'emprunter les transports. Mais le phénomène n'a pas été décuplé cette année.

300 ventes annuelles il y a dix ans, 5 (cinq !) en 2020...

MNC : La forte reprise durant le déconfinement n'avait pas été trop dure à gérer ?
H. F. :
Non, ce n'est jamais trop. Surtout en ce moment : pour info, nous avons vendu 49 motos et scooters l'an dernier, alors qu'il y a dix ans, nous en faisions 300 (trois cents). Et en onze mois de cette année 2020, nous n'avons vendu que 5 Suzuki. Donc nous ne sommes pas du tout débordé, dans la concession comme à l'atelier car en 2010 lorsque nous vendions 300 machines, nous avions très vite 300 révisions des 1000 km ! Sans compter les top-cases à monter, les tabliers, etc.

MNC : L'entretien de vos nouveautés électriques ne doit pas non plus déborder votre atelier...
H. F. :
Non car il n'y a pas de révisions moteur. Mais on a remarqué qu'il y a eu beaucoup d'accidents, surtout sur les 50 cc, enfin leurs "équivalents". C'est une clientèle qui maitrise son deux-roues, mais pas au milieu de la circulation. On pense qu'il y a un manque cruel de formation : le BSR ou permis AM est vraiment inefficace. À l'inverse du permis A, qui est très difficile d'accès, trop difficile. Au-delà des mômes de 14-16 ans, les adultes à qui l'on vend de l'électrique n'ont parfois jamais fait de deux-roues motorisé de leur vie. C'était encore le cas de notre client âgé de 43 ans ce matin !

MNC : Vous ne le lâchez pas comme ça, dans la rue ?
H. F. :
Non, on tente à notre échelle de leur donner des conseils, ceux que nous avons pu recevoir de nos moniteurs d'auto-école. Ou ceux que j'ai personnellement reçu lors de journées sur circuit, encadré par des pilotes qui ont aussi beaucoup de choses à nous apprendre. Or les clients sont très friands de cela, et très reconnaissants. Dans ce métier, il faut faire preuve de bienveillance. Et puis un client en bonne santé, c'est un client qui revient !

Touché et ému par la reconnaissance des clients

MNC : (Rires) Pas faux ! À ce sujet, avez-vous reçu des messages de soutien de la part de certains clients ? Ou des règlements de facture en avance, comme votre confrère Harley-Davidson Roadstar92 ?
H. F. :
Ses clients sont vraiment cool ! Pas de chèques chez nous. Mais nous bénéficions d'une clientèle très fidèle : pendant le premier confinement, alors que d'autres magasins étaient ouverts, nos clients nous ont attendus. À la réouverture en mai, on n'a même pas eu besoin de rappeler nos clients : on a été directement envahis de message, "Ah Henri, j'ai vu que tu avais rouvert... J'ai quelques kilomètres en trop et je dois faire la révision". Alors je les rassurais : avec des japonaises en général, on peut dépasser les rendez-vous de 2000 km sans crainte ! On ne les affole jamais, il n'y a rien de pire que rouler stressé. Donc on n'a pas eu d'avance de trésorerie, c'est trop beau et la période peut aussi être dure pour eux, mais notre clientèle a été extrêmement fidèle. C'était touchant, émouvant de voir cette reconnaissance. On ne fait pas parfois 50 heures de présence par semaine pour rien !

MNC : Ces témoignages de fidélité et de confiance, c'est un aspect "positif" de cette crise ?
H. F. :
Oui, j'ai la sensation que les gens ont été plus soudés, paradoxalement. Même si on peut regretter que les achats sur Internet ont vraiment fait mal au commerce de proximité. On le voit autour de nous.

MNC : Les clients respectent-ils tous les mesures sanitaires en vigueur ?
H. F. :
Alors, dès le premier jour, j'avais mis les points sur les "i". Dès le dimanche précédant la réouverture, j'étais là à mettre du scotche partout par terre pour signaler les différentes zones et sens de circulation, poser les affiches, apporter les masques et gel hydro alcoolique... De ce point de vue, nous étions prêt. En termes de communication j'ai été très ferme. Je suis commerçant mais pas très commercial ! Je suis toujours très franc avec les clients, parfois trop peut-être, ce qui peut être à double tranchant. Les gens savaient que "je" - car tout le monde sait que c'est moi, Henri, qui gère ces questions chez Suzuki La Défense ! - , je ne tolèrerais aucun reproche vis-à-vis du protocole sanitaire, ni de comportement agressif. Je rappelais que le masque était censé les protéger eux, mais aussi mon équipe et moi. Je me suis montré intransigeant et il n'y a eu aucun problème.

Le second confinement se passe mieux... moins mal !

MNC : Vous êtes ouvert actuellement ?
H. F. :
Oui, d'ailleurs ce second confinement nous parait moins dur car les gens ne le respectent pas trop. C'était plus facile pour nous aussi car nous savions dès le début que nous pouvions rester ouverts. Nous avons pu l'annoncer sur notre site internet, le relayer sur les réseaux sociaux. Du coup ça se passe mieux, enfin moins mal, surtout parce qu'à cette période de l'année, le marché de la moto diminue grandement. C'est la fin de l'automne, dès qu'il pleut, les gens ne roulent plus. Pas en région parisienne en tout cas.

MNC : La crise économique et sociale due au Coronavirus modifie-t-elle votre activité, le type de véhicules Suzuki vendus ?
H. F. :
Non, pas de la part de Suzuki Japon pour le moment. "Nous" - au sein du réseau de concessionnaires Suzuki en France - sommes très nombreux à estimer d'ailleurs que la compagnie abandonne complètement l'Europe. Pour plusieurs raisons... Il y a les normes antipollution, dont l'éphémère "5a" qui arrive au 1er janvier 2021 mais passera au "5b" dès 2023, et dont l'investissement peut paraitre inutile. C'est le constat qu'a réalisé Suzuki sur sa GSX-R1000 par exemple, qui disparait momentanément du catalogue sur notre continent. Un autre souci est le volume des ventes en diminution. Suzuki n'a pas beaucoup renouvelé sa gamme, car considère que ses modèles sont fonctionnels et fiables.

MNC : Fabriquer des produits qui durent, ce n'est pas bon pour le business !?
H. F. :
Ca l'est, mais différemment, pour l'atelier. En janvier dernier, nous avons fait une révision des 105 000 km sur un Burgman 125 de 2015. Ce propriétaire nous a rapporté plus de sous que s'il avait acheté trois scooters et parcouru 33 000 km avec chaque. Mais en ce qui concerne le marché du neuf, ce n'est effectivement pas un bon calcul. Suzuki France et Japon voient bien que nous entretenons des véhicules de plus en plus âgés : une V-Strom avec 135 000 km au compteur, un Bandit 1200 avec 95 000, une GSR 750 avec 106 000 en juin dernier. Nos véhicules sont non seulement fiables, mais ils ne se volent pas non plus. Malheureusement pour nous, ces arguments de vente sont de moins en moins valables. Quand je dis aux clients qu'ils peuvent parcourir 100 000 km sans souci avec une SV ou une V-Strom 650, ça ne les intéresse pas : ils font en moyenne 3500 km par an ! Ils se méfient déjà d'occasions de plus de 30 000 km...

Faire 100 000 km sans souci ? Ca n'intéresse plus les clients

MNC : Les motards consomment différemment aujourd'hui. Ils louent, veulent du neuf sous garantie tous les deux ou trois ans ?
H. F. :
Ce qui est très bien pour une marque qui propose des nouveautés ! Chez Yamaha par exemple, le Tmax change tous les deux ou trois ans justement. Chez nous, Suzuki, le Burgman 650 est le même depuis 2013. Et encore, il avait changé en look et en électronique, mais le moteur et le CVT sont ceux de 2002.

MNC : Il reste un excellent maxiscooter !
H. F. :
Certes, mais au bout de deux ans les clients veulent changer. Alors ils renouvellent une première fois, parce qu'ils adorent ce véhicule. Mais passé deux nouvelles années, ils ont envie d'un autre scooter. Dans l'automobile par exemple, le propriétaire de la Clio 1 passe à la Clio 2 puis à la 3 car il aime la marque Renault et le modèle, mais cherche des évolutions. C'est ce qui manque à Suzuki en ce moment !

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