Yamaha frappe un grand coup(t) avec sa Tracer 900 GT 2018 et sa dotation de série ultra complète, valises comprises. Cette routière dynamique aux faux airs de trail est attendue au tournant… par la Suzuki V-Strom 1000 et son pack Adventure, notamment ! Duel MNC.
L'été est là, et avec lui (re)surgit la tentation de voir du pays à moto. Pas forcément un long périple de plusieurs semaines, la meule transformée en mule avec tente, camping-gaz et tout le barda laborieusement sanglés. Non, juste partir quelques jours avec le minimum vital, avec madame et/ou des copains. Comme ça, détendu du gland gant...
L'idéal serait aussi de pouvoir savourer les charmes de l'itinéraire, comme cette prometteuse section viroleuse repérée sur la carte ou l'ordinateur. Une partie qui suggère de généreuses prises d'angle… même "tanké" à 80 km/h. Misère : comme les poids-lourds et les jeunes permis. Un bon moyen de rentrer du cash sous prétexte de diminuer les crashs, si vous voulez notre avis ! Et si vous le voulez pas ? Bah, tant pis.
Toujours est-il que Yamaha lance justement une moto adaptée au "voyage léger + légère arsouille" : la Tracer 900 GT. A 12 199 €, cette déclinaison routière de la Tracer 900 se pose comme une sacrée cliente pour les envies d'évasion avec ses valises de 22 litres, ses poignées chauffantes, son shifter simple effet - montée uniquement - ou encore sa molette de précharge déportée.
MNC du 6 juillet 2018 : Smart-vidéos en direct de notre duel
Pour ne rien gâcher, elle reçoit également une très moderne instrumentation en couleur à matrices TFT (détails en page 2 et dans nos Smart-vidéos ci-dessus), une fourche entièrement réglable et même un régulateur de vitesse pour - tenter de - respecter ces satanés 80 km/h... Pas du luxe au regard du spectaculaire rendement de son 3-cylindres de 115 ch !
Et comme son look gagne en fluidité et que ce changement s'accompagne d'une bulle améliorée et d'un important rétrécissement de son guidon (- 10 cm entre chaque extrémité des pare-mains !), cette Tracer 900 GT paraît irrésistible ! Banco ? Oui ! Quoique chez Suzuki, la V-Strom 1000 bénéficie en ce moment d'une offre attractive sous la forme du pack "Adventure"...
Contre seulement 450 € supplémentaires, le "Super coût" d'Hamamatsu reçoit un gigantesque top-case de 55 litres, des poignées chauffantes, des barres de protection, des feux longue portée à LED et une béquille centrale (existe aussi en version "World Traveler", avec valises en sus). Le tout à 13 249 euros au lieu de 12 799 euros pour le modèle standard.
Or, la V-Strom 1000 est elle-aussi une excellente compagne de route, confortable et dynamique grâce à son twin de 101 ch. Derrière sa jante à bâtons en 19 pouces et son "bec" de trail se cachent une redoutable avaleuse de bitume, aux qualités sublimées en 2017 par le biais d'une meilleure bulle, de nouvelles suspensions ou encore d'un ABS qui affine ses actions sur les étriers radiaux 4-pistons en fonction de l'inclinaison.
Bref, y a match entre ces deux motos qui offrent par ailleurs une ergonomie similaire : jambes dépliées, bras à l'horizontal assez écartés et buste droit. Le corps est cependant davantage placé vers l'avant sur la Tracer 900 GT, rappelant ainsi sa filiation directe avec le roadster MT-09. Le guidon de la Yamaha - droit et relevé comme sur un trail - est ainsi plus proche, offrant un parfait contrôle du train avant.
L'heure du départ approchant, vient le moment de charger la bagagerie. La Suzuki la joue carrément "monospace" avec son top-case de forte contenance à l'intérieur duquel logent facilement deux casques intégraux ! Un vrai plus pour flâner librement sur la plage, main dans la main avec sa moitié…
Avec la Tracer 900 GT, les balades romantiques se feront casque à la main, faute de pouvoir le glisser dans les valises. Le blason d'Iwata a privilégié l'encombrement de sa moto à sa capacité d'emport. Ce choix est certes parfois pénalisant, mais s'explique par sa nature "Sport-GT" : pour le tourisme longue distance, les FJR1300 et Super Ténéré sont là !
En contrepartie, la Tracer 900 GT conserve une partie arrière relativement élancée et peut surtout s'insérer dans la circulation sans se poser de questions. Aucun risque d'accrocher un rétro lors d'une remontée de file ou de se retrouver coincé valise contre pare-choc en manoeuvrant dans un bouchon !
Très bien équilibrée et réactive, la Yamaha se joue des encombrements avec une certaine insolence devant la Suzuki. Sa roue avant en 17 pouces et son centre de gravité moins élevé sont autant d'atouts en sa faveur, de même que son empattement de 1500 mm contre 1555 mm pour la V-Strom 1000.
Résultat, la Tracer 900 GT décroche la palme de la maniabilité face à une Suzuki pourtant docile et prompte à virer. Et ce malgré la sensible perte de vivacité de la nouveauté Yamaha, qui résulte de l'impressionnant allongement de son bras-oscillant : + 6 cm par rapport à la Tracer 2017, sans autre modification sur sa géométrie !
Le but ? Améliorer sa stabilité et canaliser son train avant, chahutés à très haute vitesse sur l'ancien modèle. Mission accomplie puisque la nouvelle Tracer 900 est désormais plus franche sur ses appuis à vive allure. Même satisfaction pour sa rivale d'Hamamatsu : la V-Strom 1000 est un véritable rail.
Les kilomètres défilent confortablement sur la Tracer 900 GT et la V-Strom 1000, à l'abri de leur pare-brise aux prestations similaires. La déflexion en position haute suffit à protéger le buste et la majeure partie des épaules, ainsi que le casque jusqu'à hauteur des yeux. Aucune turbulence parasite, ni de "poussée" dans le dos ne sont à déplorer.
Ce niveau de protection est idéal pour tailler la route en été, mais montrera ses limites sur autoroute en plein hiver... Ce n'est pas une "véranda" toute isolée comme sur un maxi-trail ou une authentique routière ! Certes, mais ces grosses motos ne sont pas aussi ludiques que nos deux duettistes, en plus d'être bien plus onéreuses...
La bulle Yamaha brille par la simplicité de son nouveau réglage manuel de hauteur, sous forme de "pince". Celle de la Suzuki varie en inclinaison sous la pression de la main, mais la déplacer en hauteur requiert des outils. Pas besoin d'outils en revanche pour modifier sa hauteur de selle puisqu'elle fait l'impasse sur cette fonctionnalité, à l'inverse de celle de la Tracer 900 GT réglable à la main !
Selle réglable ou pas, la V-Strom 1000 et la Tracer 900 GT déçoivent par leur confort d'assise plutôt médiocre... Une centaine de kilomètres suffisent à pester contre le manque de moelleux de leur rembourrage. Quelle incongruité que des motos prévues pour voyager soient à peine plus confortables qu'un roadster sportif !
La moins agréable est la Yamaha, dont la selle pourtant redessinée ne convainc pas : sa partie avant trop étroite et en légère pente incite à se reculer pour contourner le problème. Hélas, à force de se déplacer vers l'arrière, les talons butent sur les repose-pieds passager qui sont fixés très - trop - près de ceux du pilote. Ce manque d'espace est encore plus pénalisant en duo, surtout pour les "grosses pointures"...
Dans le sinueux ou pendant les manoeuvres, la Tracer 900 GT fait en revanche apprécier son étroitesse entre les cuisses, qu'elle doit en partie à son réservoir de plus faible contenance (18 litres contre 20 sur la Suz'). Ses formes bien dessinées incitent à faire corps avec la moto quand le rythme augmente.
La V-Strom 1000 présente une silhouette un rien épaisse en comparaison avec la gracile Yamaha. Son réservoir ventru renforce ce sentiment, alors qu'elle n'avoue pourtant que quelques kilos supplémentaires : 232 kg contre 227 kg pour la Tracer 900 GT avec ses valises (215 kg sans). Du moins, sur le papier...
Car bizarrement, Suzuki annonce le même poids pour sa V-Strom 1000 standard ou Adventure. Comme si les robustes protections, le top-case, les volumineux antibrouillards ou encore la centrale de ce pack optionnel ne pesaient rien ?! Un poids tous pleins faits aux alentours des 250 kg paraît plus réaliste et conforme à notre ressenti guidon en mains.
Avec 1037cc contre 857cc, le bicylindre de la V-Strom 1000 a l'avantage de la cylindrée sur le trois-cylindres de la Tracer 900 GT. Son architecture suggère en outre de solides reprises, et c'est exactement le cas : le twin est très costaud de 2000 à 4000 tr/mn, où il atteint sa crête de couple avec un solide 101 Nm.
La championne des grosses relances dans le premier tiers du compte-tours, c'est la Suzuki ! Un argument de poids pour les balades en duo, d'autant plus que sa souplesse est remarquable pour un twin (1500 tr/mn sans hoquet jusqu'aux rapports intermédiaires).
Mais le trois-cylindres de la Tracer 900 GT fait preuve d'encore plus d'allant, à condition toutefois de sélectionner - en roulant - sa cartographie d'injection "A" (comme "Arsouille" ?!). Dans ce cas, la Yam' tient tête à sa rivale à tous les régimes, y compris à 50 km/h en 3ème à 2500 tr/mn (2750 tr/mn sur la Suz').
En mode "Standard" en revanche, la cousine routière de la MT-09 rend quelques longueurs à la Suzuki en bas du compte-tours… avant de se refaire en un clin d'oeil dans les mi-régimes ! Puis la Tracer 900 GT oublie sa rivale au-dessus de 7000 tr/mn : ses 15 ch supplémentaires et ses kilos en moins font la différence, ainsi que sa conception moteur plus récente. Le 3-pattes est une véritable boule de nerfs !
L'occasion de regretter, encore une fois, le manque de davantage de peps dans les tours sur la V-Strom 1000 : ses accélérations perdent de leur tonus dès 6000 tr/mn et se tassent fortement à l'approche de la zone rouge. C'est un moteur coupleux et agréable, mais qui possède trop d'inertie et de linéarité pour soutenir la comparaison avec le trois-cylindres d'Iwata.
La sport-GT Yamaha enfonce le clou avec son shifter simple effet, toujours agréable pour monter un rapport sans débrayer entre deux courbes ou deux feux rouges. Dommage toutefois que ce système se montre "accrocheur" sous 4000 tr/mn, comme la boîte du reste... La Suzuki profite d'une sélection beaucoup plus douce.
Enfin, l'injection de la Tracer 900 GT atteint désormais un niveau correct, qui fait - presque - oublier les à-coups des premières générations de MT-09. Ce n'est pas encore la totale transparence, mais sa gestion du filet de gaz suscite malgré tout moins de critiques que celle de la Suzuki, plus rugueuse à la ré-ouverture.
Qui dit motos routières dynamiques, dit portions de route… dynamiques ! C'est même le postulat de base de ce duel : opposer deux machines capable de se balader… rapidement ! A ce petit jeu, la Yamaha répond immédiatement présente, bien aidée par son châssis plus moderne et ses jantes en 17 pouces.
Précisons cependant que Yamaha Motor France avait bien préparé "notre" moto : les peu convaincants Dunlop d'origine étaient remplacés par les excellentes gommes sportives Bridgestone S21, qui chaussent entre-autres la dernière Honda CBR1000RR. Rien que ça !
Par ailleurs, ses suspensions étaient particulièrement bien affûtées par rapport aux réglages standards, jugés trop souples et à la cohésion discutable par MNC lors de son lancement presse. Le compromis d'amortissement favorisait cette fois le "Sport" au "GT", à l'inverse de notre prise de contact en Espagne!
Avec davantage de précharge, une hydraulique raffermie et des pneus plus performants, la Tracer 900 GT est comme métamorphosée : on retrouve une moto joueuse et qui aime virevolter en courbes sans retenue, avant d'en sortir tambour battant grâce à son 3-pattes de feu !
Seule une légère tendance à se verrouiller sur les freins et une agilité en retrait par rapport au modèle précédent signalent que ses "excès" ont été bridés via son nouveau bras oscillant. Le rétrécissement de son guidon joue également un rôle, avec un bras de levier inférieur à 2017 qui se ressent essentiellement pendant les inscriptions dans une courbe très serrée.
Face à tant de polyvalence matinée de fun, la Suzuki est à la peine... La V-Strom se rattrape toutefois avec son confort d'amortissement, plus progressif que celui de sa rivale. Réglées pour l'arsouille, les suspensions Tracer 900 GT manquent en effet d'onctuosité pour parfaitement remplir son cahier des charges sport-routier.
MNC a par conséquent assoupli l'amortissement de la Yamaha, avec un succès mitigé... La Tracer 900 GT passe rapidement d'un excès de dureté à une trop grande mollesse, réglage qui renvoie aux mouvements constatés lors de sa présentation presse. La bonne nouvelle, c'est que ses suspensions sont très sensibles aux interventions, gage de qualité et de la possibilité de trouver le compromis ad hoc !
Outre le confort d'amortissement, la Suzuki est également supérieure à la Yamaha au niveau de son frein arrière, plus puissant et dosable. Un atout d'autant plus précieux qu'en courbe, la V-Strom 1000 est étonnamment prompte à rectifier une trajectoire. La Suz' apparaît dans cette phase précise moins physique que la Yam', alors qu'elle demande plus d'efforts dans tous les autres cas.
L'explication ? Son pneu arrière en 150 mm de large contre 180 mm sur la Yamaha, gage d'une moindre résistance. Et aussi d'une belle économie au moment de changer de gommard ! Par ailleurs, la Yamaha paie ici la contrepartie de son empattement allongé : ce qu'elle gagne en rigueur, elle le perd logiquement en capacités d'improvisations.
Reste que même "assagie", la Tracer 900 GT reste une formidable machine à sensations avec laquelle les sections viroleuses se savourent goûlement. Malgré toutes ses qualités de "rouleuse", la V-Strom 1000 ne peut en dire autant : son moteur - certes coupleux - est moins expressif et sa partie-cycle moins agile.
Outre son poids plus élevé, sa roue avant en 19 pouces explique en partie cette différence, la rendant un peu pataude en comparaison avec la Yamaha. Les plus aventuriers se consoleront en projetant quelques sessions "off-road" grâce à cette jante de trail...
Mais au risque de les décevoir, la Suzuki est moyennement convaincante hors bitume. La faute à son ABS non déconnectable qui s'accorde mal avec le pilotage tout-terrain, à sa garde au sol limitée ou encore à son sabot moteur en plastique et ses pneus d'origine au profil routier (Bridgestone Battlewing BW501).
La Tracer 900 GT - pourtant plus routière de conception - est au final à peine moins à l'aise ! Dans les chemins secs, la Yamaha s'en tire honorablement grâce à sa légèreté et son important débattement de suspensions, à l'origine de son aspect "hybride" entre roadster et trail : avec 137 mm à l'avant et 142 mm à l'arrière, elle ne rend effectivement qu'une vingtaine de millimètres à la Suzuki (160 mm avant-arrière).
MNC le confesse volontiers : la Suzuki V-Strom 1000 est une moto appréciée à la rédaction. Le Journal moto du Net apprécie son côté pragmatique et accessible, cette volonté de tourner le dos à la sophistication à outrance et à la surpuissance pour se concentrer sur l'essentiel. En cela, la Suzuki est sur la même ligne que Honda avec son Africa Twin, les capacités off-road en moins.
Mais cette confrontation avec la Tracer 900 GT file un coup de vieux à cette "brave" Suz' : plus ludique, mieux équipée et moins chère (12 199 € contre 13 249 € avec le pack Adventure), la Yamaha "Trace" inexorablement vers le succès. Et ce, avec une joie de vivre réjouissante grâce à son moulin pêchu !
Le blason d'Iwata mérite un véritable coup de chapeau pour avoir judicieusement négocié le tournant "post-crise économique" avec sa famille MT-Tracer. Rappelons que Yamaha est parti d'une page blanche pour développer ce bloc moteur - un inédit 3-cylindres - et la partie-cycle autour.
Des investissements importants qui portent leurs fruits… alors qu'ils font justement défaut à la Suzuki. Car au final, ce match remporté par la Tracer 900 GT illustre ce choc des générations : la V-Strom 1000 ne démérite pas, mais accuse simplement les effets d'une conception plus datée...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS V-STROM 1000 ADVENTURE | ||
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POINTS FAIBLES V-STROM 1000 ADVENTURE | ||
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POINTS FORTS TRACER 900 GT | ||
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POINTS FAIBLES TRACER 900 GT | ||
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