Le sénateur de la Moselle (57), Jean-Louis Masson, prône la mise en place du contrôle technique pour traquer les motos "mal réglées" ou sans échappement génératrices de nuisances environnementales ou sonores. Réponse de l'exécutif : on verra ça en 2022 ! Décryptage.
Le contrôle technique pour les motos et les scooters... Éternel serpent de mer qui refait surface au gré des "marées électorales" malgré son intérêt limité : rappellons que seulement "0,7%" des accidents mortels à moto sont imputables à un facteur technique selon l'enquête européenne MAIDS, référence en la matière avec 921 accidents étudiés !
Pas étonnant dans la mesure où les motards et les scootéristes sont généralement conscients de leur vulnérabilité, donc plutôt attentif à l'état de leur deux-roues. L'intervalle de révision plus rapproché des motos par rapport aux voitures contraint par ailleurs à des passages plus fréquents en atelier, soit autant de vérifications de l'état du véhicule et des ses pièces d'usure.
Autant d'éléments factuels suffisants pour repousser le contrôle technique jusqu'en 2022 sur décision du Parlement européen, malgré les tentatives de passage en force du gouvernement pour l'imposer en 2017 lors de la revente d'un deux-roues. Sans compter le lobbying forcément intéressé d'enseignes spécialisées comme Dekra !
Oui, mais voila : cette situation irrite des élus de tous bords, qui rêvent d'imposer le contrôle technique aux deux-roues pour pallier, selon eux, une forme d'inégalité entre propriétaires de motos et de voitures, mais aussi pour lutter contre la pollution environnementale et sonore de certains engins négligés ou délibérément hors-la-loi.
Dernier exemple en date : la requête officielle déposée en septembre 2019 par le sénateur de la Moselle qui estime que "beaucoup de motos sont à l'origine de nuisances environnementales tout aussi considérables" que les voitures, qui sont elles "soumises à un contrôle technique périodique très strict".
Jean-Louis Masson (NI), par ailleurs conseiller municipal de Nouilly (57) et conseiller départemental du canton du pays messin, appuie sa demande en évoquant les nuisances sonores produites par des motos "qui n'ont plus de pot d'échappement" et/ou qui rejettent des "émissions de fumées pour les motos qui sont mal réglées".
Passons rapidement sur le fait que les motos et les scooters sont loin d'être les seuls véhicules dispensés de contrôle technique en France : cette exemption touche également les tracteurs et automoteurs agricoles, les voitures sans permis, les quads, la plupart des véhicules de collection ainsi que les "voitures diplomatiques ou assimilés", comme le renseigne le site institutionnel Service-public !
Par ailleurs, les motos dépourvues d'échappement conspuées par le sénateur sont extrêmement rares et ce, pour une raison simple : le boucan d'enfer produit par un deux-roues sans silencieux les rend tout autant insupportables à piloter que repérables à des kilomètres par les forces de l'ordre ! Quant aux motos "mal réglées", la généralisation de systèmes d'injection de plus en plus pointus tend à limiter les bricolages...
Mais qu'à cela ne tienne pour cet élu de 73 ans qui interpelle le gouvernement pour savoir "si cette différence de traitement lui semble pertinente face aux nuisances environnementales". Faute de réponse après deux mois, Jean-Louis Masson est revenu à la charge en s'étonnant de ce "retard important" et en demandant "les raisons d'une telle carence", indique le Journal officiel du 28 novembre 2019...
Six mois plus tard (!!), le ministère de la transition écologique et solidaire apporte sa réponse, sous forme d'un indigeste rappel du cadre législatif : "La directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques et abrogeant la directive 2009/40/CE prévoit que les véhicules de catégories L de cylindrée supérieure à 125 cc soient soumis au contrôle technique à compter du 1er janvier 2022, sauf si des mesures alternatives de sécurité routière ont été mises en place au regard des statistiques pertinentes en la matière".
Comprendre : l'Europe imposera le contrôle technique sur les deux-roues à tous ses États membres d'ici 2022, à l'exception des pays pouvant justifier d'avancées significatives en matière de réductions des accidents. Or, comme le souligne le législateur, "la mortalité des motocyclistes a baissé de 6%" d'après le bilan définitif de l'accidentalité routière 2018 produit par le ministère de l'intérieur !
Une fois n'est pas coutume : le gouvernement prend la défense des motards et des scootéristes pour justifier sa fin de non-recevoir à l'attention du sénateur, "bien que certaines motos soient à l'origine de nuisances environnementales", concède le ministère de la transition écologique et solidaire.
Gare toutefois aux réjouissances trop hâtives : la question du contrôle technique est simplement repoussée jusqu'à 2022, mais pas abandonnée. Le gouvernement prévient ainsi qu'il étudiera "la piste de la mise en place d'un contrôle technique pour ces catégories de véhicules dans le cadre de la transposition de la directive 2014/45/UE".
En d'autres termes : le sursis court encore pendant un an et demi, avant que tous les dirigeants n'entonnent à l'unisson un nouveau plaidoyer aux profits du contrôle technique moto. Et le petit doigt de MNC lui souffle que les chiffres d'accidentologie seront alors, comme par hasard, favorables à sa mise en place...
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