Face à la pensée unique actuelle, une salutaire enquête menée à l'initiative des constructeurs européens montre que les causes d'accidents de moto ne sont pas toujours celles qu'on croit... Résultats et analyses.
Pour la première fois en Europe, une enquête approfondie sur les accidents de moto lancée à l'initiative des constructeurs eux-mêmes fournit une véritable base de données d'accidentologie des deux-roues motorisés. Menée pendant deux ans dans cinq pays en collaboration avec la Commission européenne et les associations d'usagers, l'étude MAIDS devrait permettre "l'élaboration et la mise en place de nouvelles mesures de sécurité routière".
MAIDS : In-depth Investigation of Motorcycle Accidents.
ACEM : Association des constructeurs européens de motocycles.
Partenaires : Commission européenne, Fédération des associations motocyclistes européennes (FEMA), Fédération internationale de motocyclisme (FIM), Fédération britannique de motocyclisme (BMF) et Commission internationale des examens de conduite automobile (CIECA).
"Lors d'un accident on sait généralement quand il a eu lieu, qui est impliqué et dans certains cas comment il est survenu, mais le "pourquoi" n'est jamais abordé", regrette Jacques Campagne, secrétaire général de l'ACEM, en présentant l'étude MAIDS ce matin à Paris : "d'où l'intérêt de ces résultats car les autorités, dont M. Heitz ici présent, ont besoin d'une base de données sur les principales causes d'accidents de moto".
Un gros travail d'enquête qui montre que les constructeurs, directement concernés à plus ou moins long terme par la mise à l'index un peu systématique des deux-roues motorisés - ces "mauvais élèves de la sécurité routière" invités à "rejoindre le camp de la conduite apaisée", comme aiment à le rappeler Gilles de Robien et Rémy Heitz - semblent enfin déterminés à ne pas se faire piétiner les parts de marché sans rien faire...
Les données
Lieu de l'enquête : dans chaque pays (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Espagne), la zone-test devait comprendre des zones urbaines et des zones rurales. En France, c'est le département de l'Essonne qui a été retenu en raison de son caractère à la fois rural et urbain.
Durée de l'enquête : 2 ans (1999-2000).
Nombre d'accidents étudiés : 921 dont 103 mortels (11,2%).
Méthodologie. Elaborée par l'OCDE et commune aux cinq pays, la méthodologie appliquée par l'étude MAIDS repose sur la reconstitution totale de chaque accident, l'inspection des véhicules, l'audition des témoins, le recueil des données médicales et l'accès aux actes de procédures.
Exposition au risque. Une fois toutes les données recueillies, elles ont été saisies dans une base de données pour chaque région-test et comparées aux données d'exposition au risque. "Les analyses statistiques ont permis d'identifier les facteurs de risque en comparant les données des cas d'accidents aux données des cas témoins", précisent les auteurs : "par exemple, les données indiquent que bien que les scooters soient impliqués dans la majorité des accidents, ils ne sont pas surreprésentés proportionnellement à leur présence dans la région test (c'est-à-dire leur exposition au risque)".
Les résultats
L'analyse des données permet d'établir plusieurs types de facteurs ayant causé l'accident : les facteurs humains, très largement majoritaires (87,5%), les facteurs techniques, extrêmement rares (0,7%), les facteurs environnementaux (7,7%) et les défaillances diverses (4,1%).
Errare humanum est. 50% des accidents entre un deux-roues motorisé et une voiture sont dus à une erreur de l'automobiliste (qui dans 70% des cas n'a tout simplement pas vu le deux-roues) tandis que dans 37% des cas l'erreur est imputable au conducteur du deux-roues motorisé lui-même. Un déficit de visibilité des deux-roues qui risque encore de s'accroître avec la généralisation de l'allumage des feux à tous les véhicules, mais qui ne semble pas perturber Rémy Heitz, toujours persuadé que "tout le monde y gagne si tout le monde est mieux vu".
Vitesse. "Vraie fausse" surprise pour les uns, simple confirmation pour les autres : si elle est indéniablement un facteur aggravant en cas de chute, la vitesse n'apparaît pas comme un facteur déterminant dans les accidents de moto. Dans 75% des cas, la vitesse de déplacement du deux-roues au moment de l'impact était en effet égale ou inférieure à 50 km/h, dont 1,5% avec une vitesse de 0 km/h (chocs par l'arrière). "Les excès de vitesse n'ont contribué à l'accident que dans quelques cas isolés", confirme l'étude qui montre que seuls 5,4% des accidents ont été causés par une vitesse du deux-roues supérieure ou égale à 100 km/h.
De quoi relativiser sérieusement le discours "sécuritaire" des partisans des radars automatiques, qui à force de faire semblant de croire que la vitesse est la principale cause d'accidents, risquent de réussir à en convaincre une partie non négligeable de la population...
Evitement. 71,2% des deux-roues motorisés ont tenté une manoeuvre d'évitement immédiatement avant le choc, mais 32% d'entre eux n'y sont pas parvenus et ont perdu le contrôle de leur engin au cours de la manoeuvre. Vous avez dit formation ?
Milieu urbain. 72,3% des accidents ont lieu en zone urbaine contre 24,9% en zone rurale et 2,8% en zone "autre". Toutes zones confondues, le deux-roues heurte une voiture dans 60% des cas, le bitume dans 9% des cas, un camion, une camionnette ou un bus dans 8,4% des cas, un objet fixe dans 8% des cas et un autre deux-roues dans 6,9% des cas.
Glissières de sécurité. Les fameuses "glissières guillotine" ont causé des blessures au pilote d'un deux-roues dans 6% des cas. Un risque relativement faible qui ne doit toutefois pas être ignoré.
Catégories. Contrairement à certaines idées reçues, aucune catégorie n'est gravement surreprésentée dans les accidents de deux-roues motorisés : les scooters sont très majoritairement impliqués en raison de leur grand nombre (354 accidents), mais ramenés à leur exposition au risque (349) ils ne sont que très légèrement surreprésentés. Idem pour les sportives, faiblement surreprésentées avec 137 accidents pour une exposition aux risques de 126. Les sport-touring en revanche sont assez nettement sous-représentées avec seulement 76 accidents pour une exposition au risque de 110.
Cylindrées. Là encore, aucune cylindrée n'est particulièrement sur ou sous-représentée : seuls les cyclos de moins de 50 cc sont très légèrement en surnombre (42,7% d'accidents pour un taux de risque de 39,8%) tandis que les motos de 750 à 1000 cc sont plutôt sous-représentées (8,7% d'accidents pour une exposition de 11,6%), tout comme les plus de 1000 cc (6,3% d'accidents pour une exposition de 9,5%).
Le jour le plus sûr. En raison du retour des beaux jours et du manque de pratique pendant l'hiver, le mois de mai est statistiquement le plus dangereux, suivi par juin et septembre.
Dans la semaine, le lundi et le mardi sont les jours les plus propices aux accidents tandis que le samedi est le jour le plus sûr...
Les premières réactions
"Cette étude est intéressante et ce que je retiens surtout, c'est que nous devons intégrer la vulnérabilité des deux-roues motorisés dans la formation des automobilistes", explique le délégué interministériel à la sécurité routière Rémy Heitz. "La part du facteur humain dans les accidents n'est pas discutable, mais sur la vitesse je suis plus mesuré. Il faudrait regarder de plus près pour voir si son importance n'a pas été minorée". Moto-Net souhaite bon courage aux constructeurs... et recommande la plus grande prudence à ses lecteurs !
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