Devant les principaux représentants de la presse moto, le DG de Honda France a fait un point sans concession sur les difficultés du secteur du deux-roues motorisés, dans un contexte économique mondial touché par une récession sans précédent depuis 1945...
Au diable la langue de bois ! Le discours tenu vendredi à une poignée de journalistes de la presse moto par le directeur général de Honda Motors South Europe (France) était empreint d'un souci de transparence particulièrement notable au moment où la situation économique mondiale se dégrade à vitesse grand V...
Harley-Davidson sévèrement |
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Car tandis qu'un rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié à la veille du prochain G20 de Londres, prévoit pour 2009 une récession - la première depuis la Seconde Guerre mondiale - touchant de plein fouet les pays développés (entre -3 et -3,5% au total dont -2,6% pour les Etats-Unis (lire notamment notre encadré ci-contre), -3,5% pour la zone euro et... -5,8% pour le Japon), les craintes de Jean-Luc Mars semblent en effet pour le moins fondées...
Fluctuations monétaires, parité yen/euro, cours des matières premières et du transport maritime, flux de trésorerie, chiffre d'affaires : l'ambiance de ce "petit déjeuner de crise" s'apparentait davantage à un séminaire de gestion en temps de crise qu'à un panégyrique du dernier modèle destiné à supplanter tous les autres, plus généralement de mise dans ce type de rendez-vous.
Une situation plus grave qu'il n'y paraît...
"Mon métier a changé depuis octobre", a d'emblée constaté Jean-Luc Mars : "j'étais un homme de marketing pour développer Honda, je suis aujourd'hui un gestionnaire pour éviter une catastrophe. Nous sommes aujourd'hui engagés dans une course contre la montre pour la survie"...
Contrairement à une idée encore assez répandue dans l'opinion publique, la situation économique mondiale est en effet sur une pente particulièrement glissante.
Retour aux niveaux de 2005 |
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Rien qu'en France, où le gouvernement continue pour l'instant à faire semblant de croire à une "croissance négative de 1,5%" pour 2009, l'INSEE table désormais sur une chute du PIB de -2,9% sur le premier semestre (au lieu des -1,1% annoncés jusqu'à présent, à comparer aux baisses de -0,9% lors du krach de 1993 et de -1% lors de celui de 1975).
Cette régression devrait naturellement s'accompagner d'une forte hausse du chômage (330 000 destructions d'emplois prévues au cours du seul premier semestre contre 90 000 sur l'ensemble de l'année 2008), chaque entreprise devant impérativement réduire ses coûts pour entrevoir une possibilité de redresser la barre après la tempête.
Face à cette récession sans précédent du marché mondial, on voit mal comment le marché du deux-roues motorisé échapperait à une baisse généralisée de la demande : forts de seulement deux atouts dans leur jeu (la baisse du coût des matières premières et la dégringolade de celui du transport maritime), les constructeurs, qui ont pour la plupart déjà enregistré en 2008 une très nette diminution de leurs bénéfices, anticipent comme ils le peuvent une année 2009 que les observateurs économiques qualifient déjà d'horribilis : une nouvelle salve d'augmentation des prix après celles de cet hiver (lire notamment Moto-Net.Com du 2 février 2009 et Moto-Net.Com du 25 octobre 2008 pour Honda, Moto-Net.Com du 5 janvier 2009 pour Suzuki, Moto-Net.Com du 24 novembre 2008 pour Kawasaki et Moto-Net.Com du 21 novembre 2008 pour Yamaha) apparaît donc comme inévitable pour tenter de sauver les meubles...
Pour Honda, Jean-Luc Mars a décidé de jouer franc jeu en annonçant d'emblée une nouvelle hausse des prix de l'ordre de 7% en moyenne par modèle (voir notre tableau ci-dessous), qui s'ajoute à celle de +2,9% en moyenne enregistrée en février (lire Moto-Net.Com du 2 février 2009) mais qui devrait, "sauf catastrophe économique majeure", être la dernière pour 2009.
Et conformément à ce qu'il avait annoncé en direct à nos lecteurs (lire notre Tchat Moto-Net.Com du 22 janvier 2009), cette tendance à la hausse du prix des motos et des scooters neufs a toutes les "chances" d'être de nouveau suivie par les autres constructeurs, au moins japonais.
Anticiper les réactions des motards
Anticipant les récriminations des motards attentifs à leur pouvoir d'achat (lire probablement vos commentaires ci-dessous dans quelques minutes, sachant que les plus rapides ne sont pas nécessairement les plus éclairés...), Jean-Luc Mars précise toutefois qu'aujourd'hui, les constructeurs "ne sont pas en train de s'en mettre plein les poches mais tentent de s'en sortir" (lire aussi notre encadré sur Harley-Davidson sévèrement touché aux Etats-Unis ci-dessus)...
Devançant également les interrogations - légitimes - de nos lecteurs sur ce qui pourrait apparaître comme un manque de cohérence entre des augmentations qui succèdent à une période récente de remises, le responsable français du géant mondial explique en substance que la priorité cet hiver était de rentrer le maximum de trésorerie, en déstockant le plus vite possible les motos déjà achetées à un taux de change très favorable (et laissant donc une bonne marge de manoeuvre). Mais à partir du moment où les stocks se résorbent, les motos achetées à des conditions moins avantageuses doivent être vendues en sauvant tout ce qui peut l'être : "on passe d'une logique de cash à une logique de "non perte" (je ne parle même pas de profit) pour stopper l'hémorragie", explique le DG.
Graphiques à l'appui, le big boss de Honda Moto en France rappelle en outre que les prix actuels des motos sont nettement inférieurs à ce qu'ils seraient si l'on y avait simplement appliqué l'inflation :
La guerre des Hypersports |
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Sans compter qu'avec la tendance à la baisse du marché du neuf sur les derniers mois de 2008 et le début 2009 (lire notre Dossier spécial Bilans mensuels du marché), les stocks des concessionnaires ont tendance à grossir plus que de raison.
Des bénéfices en chute libre
Et qui dit surstock dit remises pour écouler la marchandise, ce qui n'est bon ni pour l'image d'un constructeur, ni pour la bonne compréhension du "juste prix", ni pour le marché de l'occasion... A tel point qu'aujourd'hui, un constructeur préfère manquer de motos (et donc perdre des ventes) que d'en avoir trop...
Comme d'autres constructeurs japonais ayant déjà fait état de résultats 2008 en net recul, Honda (qui clôt son exercice au 31 mars) prévoit une baisse de son bénéfice 2008 de l'ordre de -85% à 1,2 milliard d'euros... Ce qui reste naturellement une somme assez rondelette pour les bons pères de famille que nous sommes tous peu ou prou mais qui, à l'échelle industrielle mondiale, ne signifie rien d'autre qu'une baisse dramatique du résultat net...
Encadré "Spécial bonnes nouvelles" ! |
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L'objectif pour Honda - qui n'a "jamais été déficitaire en 60 ans", rappelle Jean-Luc Mars - n'est donc aujourd'hui plus seulement de faire des bénéfices mais "d'éviter des pertes en 2009/2010".
Le constructeur ailé, qui table aujourd'hui sur un marché 2009 compris entre 180 000 et 200 000 unités selon les scénarios (à comparer aux 240 000 unités de 2008, voir notre encadré ci-dessus et notre Dossier spécial marché du motocycle 2008), s'apprêterait donc à jouer la carte de la part de marché au détriment de celle des volumes : en écoulant cette année 30 000 machines sur un marché total de 190 000, Honda pourrait augmenter sa part de marché de 2 points à 16%, par rapport aux 33 108 ventes en 2008 sur un marché total de 240 000 unités représentant 13,9% de part de marché.
Mais vu la gravité de la situation, la sortie de crise (fin 2009 ? fin 2010 ?) pourrait déboucher sur des morts parmi les constructeurs de motos et de scooters, car le marché est aujourd'hui dans une logique de concentration : en automobile par exemple, le nombre de constructeurs est en chute libre depuis plusieurs années.
"Aucun constructeur automobile ne peut être certain aujourd'hui d'être encore là dans deux ans", estime Jean-Luc Mars qui n'a par ailleurs toujours pas confirmé sa présence au prochain Mondial du deux-roues, Porte de Versailles du 2 au 8 octobre 2009, pas plus que d'autres acteurs majeurs du monde de la moto en France...
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